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11/06/2024 | FRANCE | N°22PA03624

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 11 juin 2024, 22PA03624


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris :

- sous le n° 2006641, d'annuler un courriel du 26 février 2020 par lequel le préfet de police aurait refusé la reprise de l'ancienneté de ses services accomplis dans le secteur privé ;

- sous le n° 2011502, d'annuler l'arrêté du 25 février 2020 par lequel le préfet de police l'a titularisé sans reprise d'ancienneté.



Par un jugement nos 2006641-2011502 du 10 juin 2

022, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.



Procédure devant la Cour :



Pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris :

- sous le n° 2006641, d'annuler un courriel du 26 février 2020 par lequel le préfet de police aurait refusé la reprise de l'ancienneté de ses services accomplis dans le secteur privé ;

- sous le n° 2011502, d'annuler l'arrêté du 25 février 2020 par lequel le préfet de police l'a titularisé sans reprise d'ancienneté.

Par un jugement nos 2006641-2011502 du 10 juin 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 août 2022, M. A..., représenté par Me Cayla-Destrem, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces deux décisions ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de prendre un nouvel arrêté de titularisation avec reprise de son ancienneté dans le secteur privé dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande n° 2006641 comme étant irrecevable dès lors que le courriel du 26 février 2020 revêt le caractère d'une décision faisant grief ;

- le courriel du 26 février 2020 est entaché d'une insuffisance de motivation ;

- les décisions contestées sont entachés d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il avait droit à une reprise d'ancienneté en application des dispositions de l'article 15 du décret n° 2009-1388 du 11 novembre 2009 et que les dispositions des décrets n° 95-654 du 9 mai 1995 et n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 ne s'opposent pas à une reprise d'ancienneté des emplois occupés dans le secteur privé des fonctionnaires relevant du corps d'encadrement et d'application de la police nationale ;

- elles sont illégales à raison de l'illégalité des dispositions de l'article 8 du décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 qui, en violation du principe d'égalité, ne prévoient une reprise d'ancienneté que pour les gardiens de la paix ayant eu auparavant la qualité d'adjoint de sécurité ou de volontaire ayant servi en tant que militaire dans la gendarmerie nationale, alors que les agents ayant exercé une activité dans le secteur privé ne peuvent bénéficier d'aucune reprise d'ancienneté, cette différence de traitement ne reposant sur aucune différence de situation appréciable, n'étant pas en rapport direct avec l'objet de ces dispositions et n'étant justifié par aucun motif d'intérêt général.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

- le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 ;

- le décret n° 2009-1388 du 11 novembre 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Naudin, rapporteur publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., qui a travaillé dans le secteur privé entre 2009 et 2015, notamment comme chef d'équipe des services de sécurité incendie (SSIAP2 - service de sécurité incendie et d'assistance à personnes) auprès de différentes entreprises, a été admis, le 10 mars 2016, au concours externe de gardien de la paix. Par un arrêté du 17 septembre 2018, il a été nommé gardien de la paix stagiaire. Par un arrêté du 25 février 2020, il a été titularisé à compter du 24 septembre 2019, sans reprise d'ancienneté. Par un courriel du 26 février 2020, il a été informé qu'il ne pouvait bénéficier d'aucune reprise d'ancienneté au titre de ses emplois occupés dans le secteur privé. M. A... fait appel du jugement du 10 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de cet arrêté du 25 février 2020 et de ce courriel du 26 février 2020.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que le courriel du 26 février 2020, postérieur à l'arrêté contesté du 25 février 2020 et qui se borne à transférer à M. A... un courriel du 25 février 2020 d'un agent du bureau de la gestion des carrières des gradés, gardiens de la paix et adjoints de sécurité de la préfecture de police, indiquant que l'intéressé ne peut prétendre à une reprise d'ancienneté au titre de ses emplois occupés dans le secteur privé, ne constitue pas, eu égard à son caractère purement informatif, une décision susceptible de recours. Par suite, en rejetant les conclusions de la demande n° 2006641 de M. A... tendant à l'annulation de ce courriel du 26 février 2020 comme étant, pour ce motif, irrecevables, le tribunal administratif n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 11 novembre 2009 portant dispositions statutaires communes à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique de l'Etat : " Les corps de fonctionnaires classés dans la catégorie B par leurs statuts particuliers et inscrits par eux en annexe au présent décret relèvent des dispositions de celui-ci. / Les statuts particuliers de ces corps précisent les missions des fonctionnaires concernés. " Aux termes de l'article 15 du même décret : " Les personnes qui, avant leur nomination dans l'un des corps régis par le présent décret, justifient de l'exercice d'une ou plusieurs activités professionnelles accomplies sous un régime juridique autre que celui d'agent public en qualité de salarié dans des fonctions d'un niveau au moins équivalent à celui de la catégorie B sont classées, lors de leur nomination, dans le premier grade à un échelon déterminé sur la base de la durée exigée pour chaque avancement d'échelon à l'article 24 du présent décret, en prenant en compte la moitié de cette durée totale d'activité professionnelle. Cette reprise de services ne peut excéder huit ans. / Un arrêté du ministre chargé de la fonction publique précise la liste des professions prises en compte et les conditions d'application du présent article. "

4. Les gardiens de la paix font partie du corps d'encadrement et d'application de la police nationale qui est régi par le décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale et par le décret du 23 décembre 2004 portant statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale. Ce corps, qui ne figure pas dans la liste des corps de fonctionnaires classés dans la catégorie B établie en annexe du décret du 11 novembre 2009 portant dispositions statutaires communes à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique de l'Etat, ne relève pas en conséquence du champ d'application des dispositions de ce décret, notamment de celles de son article 15. Par suite, M. A..., gardien de la paix, ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions. En outre, ni les dispositions du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale, ni celles du décret du 23 décembre 2004 portant statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale ne prévoient de reprise d'ancienneté au titre des services effectués dans le secteur privé, les cas de reprise d'ancienneté étant limitativement énumérés par ces dispositions. Par suite, les moyens tirés d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation qui entacheraient l'arrêté contesté, doivent, en tout état de cause, être écartés.

5. En second lieu, aux termes de l'article 8 du décret du 23 décembre 2004 portant statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les gardiens de la paix qui ont eu auparavant la qualité d'adjoint de sécurité régi par l'article L. 411-5 du code de la sécurité intérieure ou de volontaire servant en tant que militaire dans la gendarmerie nationale sont classés, lors de leur titularisation, avec une reprise d'ancienneté égale aux trois quarts des services accomplis en cette qualité ".

6. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

7. En excipant de l'illégalité des dispositions précitées de l'article 8 du décret du 23 décembre 2004, M. A... soutient qu'elles méconnaissent le principe d'égalité en ne prévoyant une reprise d'ancienneté que pour les gardiens de la paix ayant eu auparavant la qualité d'adjoint de sécurité ou de volontaire ayant servi en tant militaire dans la gendarmerie nationale, alors que les agents ayant exercé des fonctions dans le secteur privé ne peuvent bénéficier d'aucune reprise d'ancienneté, cette différence de traitement ne reposant sur aucune différence de situation appréciable, n'étant pas en rapport direct avec l'objet de ces dispositions et n'étant justifié par aucun motif d'intérêt général.

8. Toutefois, la différence de traitement instituée par les dispositions de l'article 8 du décret du 23 décembre 2004, devenu le IV de l'article 8-1 du même décret, ne saurait être regardée comme contraire au principe d'égalité de traitement entre les fonctionnaires d'un même corps dès lors que ces dispositions ne s'appliquent qu'à l'entrée dans le corps et que la carrière des agents recrutés est ensuite régie par les mêmes dispositions. En outre, cette différence de traitement trouve sa justification dans une différence objective de situation entre les agents titularisés ayant exercé des activités dans le secteur privé, quand bien même il s'agirait d'activités dans des entreprises de sécurité incendie, et ceux ayant exercé les fonctions d'adjoint de sécurité ou de volontaire ayant servi en tant que militaire dans la gendarmerie nationale, ces derniers ayant été soumis à des modalités de recrutement différentes, concouru aux différentes missions de police et disposé de prérogatives particulières dans l'exercice de leurs fonctions et ayant été soumis à des contraintes et des sujétions spécifiques. Ainsi, le pouvoir règlementaire pouvait, sans méconnaître le principe d'égalité, instituer une telle différence de traitement, qui n'est pas manifestement disproportionnée et qui, contrairement à ce que soutient le requérant, est en rapport direct avec l'objet de la norme l'instituant, soit les modalités de recrutement des gardiens de la paix et, en particulier, les modalités de leur titularisation. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité des dispositions précitées doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des frais de l'instance ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président de la formation de jugement,

- M. Pagès, premier conseiller,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2024.

Le rapporteur,

D. PAGESLe président,

R. d'HAËMLa greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03624


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03624
Date de la décision : 11/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : CAYLA-DESTREM

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-11;22pa03624 ?
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