Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2023 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et l'arrêté du même jour par lequel le préfet a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois.
Par un jugement n°2316241 du 26 octobre 2023, la magistrate désignée par le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrées le 4 décembre 2023, le 12 janvier 2024 et le 14 mai 2024, M. B..., représenté par Me Olibé, demande à la Cour :
1°) de l'admettre, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler ce jugement ;
3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces deux arrêtés ;
4°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les décisions attaquées sont entachées d'une insuffisance de motivation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- la décision portant refus de délai de départ volontaire méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pagès, rapporteur,
- et les observations de Me Olibé, avocate de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant ivoirien, né le 2 avril 1978, fait appel du jugement du 26 octobre 2023 par lequel la magistrate désignée par le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 juillet 2023 du préfet de police l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination et l'arrêté du même jour du préfet de police prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois.
Sur la demande de M. B... tendant à son admission, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président (...) ".
3. M. B..., déjà représenté par un avocat, ne justifie pas du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle et n'a pas joint à sa requête une telle demande. Aucune urgence ne justifie que soit prononcée, en application des dispositions précitées, son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur le moyen commun aux différentes décisions attaquées :
4. Les deux arrêtés contestés portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français comportent les considérations de droit et de fait qui fondent ces quatre décisions, et sont, par suite, suffisamment motivés, alors même qu'ils ne mentionnent pas l'ensemble des éléments relatifs à la situation familiale de M. B....
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas contesté que le préfet de police a pu légalement obliger M. B... à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sa demande d'asile ayant été rejetée par une décision du 10 avril 2019 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par une décision du 13 novembre 2019 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) et l'intéressé ne bénéficiant plus en conséquence du droit de se maintenir sur le territoire en qualité de demandeur d'asile.
6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. "
7. M. B... fait valoir qu'entré en France en 2019, il y vit avec une compatriote dont il a eu une fille, née le 2 août 2022 et qui risque d'être exposée à la pratique de l'excision en cas de retour en Côte d'Ivoire. Toutefois, le requérant, qui ne peut se prévaloir que d'une durée de séjour relativement brève sur le territoire, dont la demande d'asile a été rejetée, qui s'est maintenu irrégulièrement en France après le rejet de cette demande et d'une précédente mesure d'éloignement en date du 13 février 2020 et qui ne se prévaut d'aucune insertion professionnelle, ne fournit aucune indication sur la situation de sa compagne au regard du séjour. De même, il ne justifie pas des craintes qu'il exprime pour sa fille en cas de retour en Côte d'Ivoire. A cet égard, il se borne à fournir trois documents présentés comme étant des certificats médicaux ivoiriens qui attesteraient des mutilations génitales subies par ses deux sœurs et par sa fille ainée en Côte d'Ivoire, mais ne livre aucune indication sur les modalités d'obtention de ces documents, ni aucun développement étayé, personnalisé et crédible sur son environnement familial dans son pays d'origine et sur la pratique de l'excision au sein de sa famille, ni aucune explication substantielle et sérieuse permettant de démontrer qu'il serait obligé, en cas de retour dans son pays, d'aller vivre auprès de sa famille ou qu'il serait dans l'impossibilité de protéger son enfant née en France contre cette pratique. Au surplus, la demande d'asile présentée au nom de sa fille née le 2 août 2022 a été rejetée par une décision du 23 février 2023 du directeur général de l'OFPRA, confirmée par une décision du 17 octobre 2023 de la CNDA. Ainsi et à supposer avérées l'ancienneté et la stabilité de la vie maritale dont il se prévaut en France, le requérant ne justifie d'aucune circonstance particulière de nature à faire obstacle à ce qu'il emmène avec lui sa compagne et leur enfant, en bas âge, et à ce qu'il poursuive normalement sa vie privée et familiale à l'étranger et, en particulier, en Côte d'Ivoire où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de quarante ans. Enfin, l'intéressé n'établit, ni n'allègue d'ailleurs, qu'il serait dans l'impossibilité de se réinsérer dans son pays d'origine. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision en litige portant obligation de quitter le territoire français ne peut être regardée comme ayant porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts de cette mesure ou comme ayant été prise en méconnaissance de l'intérêt supérieur de son enfant mineur. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressé doit également être écarté.
Sur la légalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire :
8. Alors même qu'il a présenté en première instance une copie de son passeport ivoirien en cours de validité, il ressort des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté que M. B..., qui s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son attestation de demandeur d'asile, a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français et s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement en date du 17 février 2020. De même, alors qu'il a été hébergé dans différents hôtels par le SAMU social, il ne saurait être regardé comme justifiant d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale. Dans ces conditions, le préfet de police, en estimant qu'il existait un risque que l'intéressé, qui n'établit pas, de surcroît, subvenir aux besoins de sa compagne et de son enfant, se soustraie à la mesure d'éloignement en litige et, en conséquence, en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, n'a pas commis d'erreur d'appréciation au regard des dispositions du 3° de l'article L. 612-2 et des 3°, 4°, 5° et 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni, en tout état de cause, méconnu les stipulations de 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
9. Alors que M. B... ne justifie pas des craintes qu'il exprime pour sa fille née le 2 août 2022 en France en cas de retour en Côte d'Ivoire, le requérant, dont la demande d'asile a été, au demeurant, rejetée, ne fournit aucune précision, ni aucun élément sur les risques qu'il courrait personnellement en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, en décidant, par la décision attaquée, que l'intéressé pourra être éloigné d'office à destination de la Côte d'Ivoire, le préfet de police n'a pas commis d'erreur d'appréciation, ni méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni, en tout état de cause, celles de l'article 8 de cette convention.
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
10. M. B... ne démontre aucune circonstance humanitaire de nature à faire obstacle au prononcé d'une interdiction de retour qui doit assortir en principe, en application des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligation faite à un ressortissant étranger de quitter le territoire français sans délai. En particulier, ainsi qu'il a été dit au point 7, il ne justifie ni d'une insertion sociale et professionnelle stable et ancienne sur le territoire, où il s'est maintenu irrégulièrement et a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, et ne fait état d'aucun obstacle sérieux à son retour, avec sa compagne et leur enfant, en Côte d'Ivoire où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de quarante ans. Par suite, en se fondant, notamment, sur les conditions irrégulières de son séjour en France, le préfet de police a pu, sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation, ni méconnaître les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, prononcer à son encontre une interdiction de retour d'une durée de douze mois.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des frais de l'instance doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 21 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- M. d'Haëm, président de la formation de jugement,
- M. Pagès, premier conseiller,
- Mme d'Argenlieu, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2024.
Le rapporteur,
D. PAGESLe président,
R. d'HAËMLa greffière,
Z. SAADAOUI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA04992