Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB) a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 24 octobre 2018 par laquelle l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a partiellement rejeté sa demande de paiement de l'aide publique de 929 595,04 euros, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux et d'enjoindre à FranceAgriMer de lui verser cette somme au titre de l'aide sollicitée.
Par un jugement n° 1904388 du 17 février 2022, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 24 octobre 2018 de FranceAgriMer, ensemble la décision implicite rejetant le recours gracieux du CIVB en tant qu'elles ont partiellement refusé à ce dernier le paiement de la somme de 89 643,46 euros et a enjoint à FranceAgriMer de verser cette somme au CIVB, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la Cour :
I - Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 avril et 20 mai 2022 sous le n° 22PA01757, l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), représenté par Me Alibert, demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1 à 3 du jugement n° 1904388 du 17 février 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de rejeter la requête du CIVB ;
3°) de mettre à la charge du CIVB le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier, dès lors qu'il ne vise, ni n'analyse aucun des moyens de FranceAgriMer ;
- le jugement et la demande du CIVB sont mal fondés, dès lors que les dépenses qui ont considérées comme inéligibles à l'aide sollicitée l'ont été à bon droit.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2022, le Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB), représenté par Me Aguila et Me Léonard, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de FranceAgriMer, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.
II - Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 avril et 23 mai 2022 ainsi que le 15 décembre 2023 sous le n° 22PA01761, le Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB), représenté par Me Aguila et Me Léonard, demande à la Cour :
1°) d'annuler ou de réformer le jugement n° 1904388 du 17 février 2022 du tribunal administratif de Montreuil, en tant que ce jugement n'a fait que partiellement droit à sa demande d'annulation de la décision de FranceAgriMer du 24 octobre 2018 et a rejeté le surplus des conclusions de sa requête ;
2°) de faire droit entièrement à sa requête de première instance et, par conséquent, d'annuler la décision de FranceAgriMer du 24 octobre 2018, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux et d'enjoindre à cet établissement de réexaminer sa demande de paiement de l'aide pour l'année 2016, en date du 27 juin 2017, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de FranceAgriMer le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier, dès lors qu'il est insuffisamment motivé, en omettant de répondre complètement à deux moyens ;
- le jugement est mal fondé, en tant qu'il a considéré à tort que la décision de FranceAgriMer était suffisamment motivée, qu'il a rejeté à tort comme inéligibles des dépenses pour des motifs dépourvus de base légale et des dépenses d'un montant supérieur à 10 000 euros et qu'il s'est prononcé sur les frais généraux.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 septembre 2023 et 8 février 2024, l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), représenté par Me Alibert, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge du CIVB, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le règlement (CE) n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil portant organisation commune du marché vitivinicole, en ce qui concerne les programmes d'aide, les échanges avec les pays tiers, le potentiel de production et les contrôles dans le secteur vitivinicole ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le décret n° 2013-172 du 25 février 2013 relatif au programme d'aide national au secteur vitivinicole pour les exercices financiers 2014 à 2018 ;
- la décision du directeur général de FranceAgriMer n° AIDES/SACT/D 2013-37 du 1er juillet 2013 ;
- la décision du directeur général de FranceAgriMer n° AIDES/SACT/D 2013-38 du 1er juillet 2013 ;
- la décision du directeur général de FranceAgriMer n° AIDES/SACT/D 2013-57 du 8 octobre 2013 ;
- la décision du directeur général de FranceAgriMer n° INTV-POP-2014-44 du 4 juillet 2014 ;
- la décision du directeur général de FranceAgriMer n° INTV-POP-2014-81 du 15 décembre 2014 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin,
- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,
- les observations Me Léonard pour le Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux,
- et les observations de Me Degirmenci pour l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer.
Une note en délibéré présenté pour le CIVB a été enregistrée le 11 juin 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Le 17 mars 2014, le Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux, organisation interprofessionnelle agricole ayant pour objet le développement, en France et à l'étranger, de la réputation et de la demande des vins de Bordeaux à appellation, a conclu avec FranceAgriMer la convention n° 399-14 relative au soutien d'un programme de promotion hors de l'Union européenne, dans le cadre du programme d'aide national au titre de la promotion des vins sur les marchés tiers. Cette convention visait à promouvoir l'exportation des produits vinicoles au Brésil, au Canada, aux Etats-Unis, en Russie, en Chine, en Corée, au Japon, à Singapour, à Taïwan et en Thaïlande et prévoyait un financement des actions entreprises en trois phases annuelles entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2016. Dans le cadre de la phase 3 de ce programme allant du 1er janvier au 31 décembre 2016, FranceAgriMer a versé au CIVB une avance d'un montant de 3 360 461 euros le 24 juin 2016. Ce dernier ayant sollicité, le 27 juin 2017, le paiement de la somme de 1 883 244,27 euros au titre du solde de l'aide due pour l'année 2016, FranceAgriMer, après avoir demandé au CIVB, le 26 avril 2018, des compléments d'information, a, par une décision du 24 octobre 2018, fixé le montant de l'aide pour la phase 3 à la somme totale de 4 314 110,21 euros et a, en conséquence, versé au CIVB une somme de 953 649,21, en complément de l'avance perçue. A la suite du rejet implicite de son recours gracieux à l'encontre de cette décision, formé le 21 décembre 2018, le CIVB a saisi le tribunal administratif de Montreuil. FranceAgriMer relève appel du jugement du 17 février 2022, par lequel ce tribunal a annulé la décision du 24 octobre 2018 et la décision implicite de rejet du recours gracieux présenté par le CIVB en tant que ces décisions ont partiellement refusé à ce dernier le paiement de la somme de 89 643,46 euros et lui a enjoint de verser cette somme au CIVB, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement. Le CIVB relève appel de ce jugement, en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande d'annulation de la décision de FranceAgriMer du 24 octobre 2018 et a rejeté le surplus des conclusions de sa requête et demande à la Cour de faire droit entièrement à sa requête de première instance et, par conséquent, d'annuler la décision de FranceAgriMer du 24 octobre 2018 et d'enjoindre à cet établissement de réexaminer sa demande de paiement de l'aide pour l'année 2016, en date du 27 juin 2017.
Sur la jonction :
2. Les deux requêtes n° 22PA01757 et n° 22PA01761 sont dirigées contre un même jugement du 17 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 24 octobre 2018 de FranceAgriMer, ensemble la décision implicite rejetant le recours gracieux du CIVB en tant que ces décisions ont partiellement refusé à ce dernier le paiement de la somme de 89 643,46 euros et a enjoint à FranceAgriMer de verser cette somme au CIVB, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient (...) l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".
4. Un mémoire en défense se limitant à la réfutation des moyens présentés par le requérant peut être régulièrement visé et analysé par l'indication synthétique que ce mémoire fait valoir qu'aucun des moyens du requérant n'est fondé.
5. FranceAgriMer se borne à soutenir que le jugement litigieux ne vise ni n'analyse les moyens qu'il a soulevés en première instance et n'assortit pas le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, ce moyen ne pourra qu'être écarté, alors, en tout état de cause, que le jugement mentionne que FranceAgriMer conclut au rejet de la requête, en faisant valoir que les moyens qu'elle comporte ne sont pas fondés.
6. En second lieu, si le CIVB soutient que les premiers juges ont insuffisamment motivé leur jugement, en omettant de répondre complètement au moyen tiré de l'erreur de droit commise par FranceAgriMer, liée au refus de prendre en compte les factures de deuxième et troisième rangs et au moyen tiré de ce que FranceAgriMer a rejeté comme inéligibles des dépenses au vu de leur date d'engagement, une telle critique, telle qu'elle est formulée, relève du bien-fondé du jugement et non de sa régularité. Par suite, le moyen sera écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la motivation de la décision du 24 octobre 2018 :
7. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
8. Si le CIVB soutient que la décision du 24 octobre 2018 est insuffisamment motivée en fait, dès lors que le tableau annexé à cette décision ne distingue pas précisément le motif du refus, la nature et le montant spécifique de chacune des dépenses rejetées, il ressort des termes mêmes de cette décision, en particulier du tableau annexé, que celui-ci comporte les indications suffisantes, dans la colonne " commentaires " permettant de connaitre les motifs du refus d'éligibilité des dépenses en cause. Par suite, nonobstant la circonstance, pour regrettable qu'elle soit, que la méthode de motivation retenue par FranceAgriMer ne permette pas d'identifier précisément le ou les motif (s) de rejet de certaines dépenses, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision litigieuse doit être écarté.
En ce qui concerne l'éligibilité des dépenses :
Sur les dépenses rejetées sur le fondement de la décision INTV-POP-2014-44 du 4 juillet 2014 :
9. (ANA)Une décision qui a pour objet l'attribution d'une subvention constitue un acte unilatéral qui crée des droits au profit de son bénéficiaire. Toutefois, de tels droits ne sont ainsi créés que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, que ces conditions découlent des normes qui la régissent, qu'elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d'octroi, qu'elles aient fait l'objet d'une convention signée avec le bénéficiaire, ou encore qu'elles découlent implicitement mais nécessairement de l'objet même de la subvention. Il en résulte que les conditions mises à l'octroi d'une subvention sont fixées par la personne publique au plus tard à la date à laquelle cette subvention est octroyée.(/ANA)
10. Il ressort des pièces du dossier que les dispositions de la décision INTV-POP-2014-44 du 4 juillet 2014 sont postérieures à la convention du 17 mars 2014, qui vise, au demeurant, la décision du directeur général de FranceAgriMer n°AIDES/SACT/D2013-37 du 1er juillet 2013. Toutefois, lorsque les dispositions de ces deux décisions sont similaires, la décision du 4 juillet 2014 peut être substituée à celle du 1er juillet 2013, cette substitution n'ayant pour effet de priver le CIVB d'aucune garantie et FranceAgriMer disposant du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux décisions.
11. Ainsi, d'une part, il résulte de l'application des dispositions de l'article 2.7 de la décision du directeur général de FranceAgriMer n° AIDES/SACT/D 2013-37 du 1er juillet 2013 que les dépenses de personnel éligibles à l'aide sollicitée sont établies " sur la base du coût réel de la personne concernée (salaire chargé) ". Partant, la gratification versée aux salariés au prorata de leur temps de travail doit être intégrée à ce coût. Par suite, FranceAgriMer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que certaines dépenses relatives à une gratification annuelle ne devaient pas être exclues de l'assiette du calcul de l'aide due.
12. D'autre part, le CIVB soutient que les motifs de refus de prendre en compte dans le calcul de l'assiette de l'aide publique certaines dépenses de personnel, dépenses justifiées par des factures de second rang, dépenses de logistique et de stockage et de déplacement sont dépourvus de base légale, dès lors que le refus d'admettre l'éligibilité de ces dépenses est fondé sur la décision du directeur général de FranceAgriMer n° INTV-POP-2014-44 du 4 juillet 2014, qui n'est pas applicable. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le CIVB ait critiqué, en première instance, ces autres motifs de refus. En outre, et en tout état de cause, les motifs de rejet des dépenses de personnel sont liés : pour ce qui concerne les dépenses de personnel, à l'inéligibilité des primes de transport, aux dates d'activité du personnel postérieures aux dates d'action, à l'absence d'action et à l'absence de spécification du montant de la dépense ; pour ce qui concerne les dépenses justifiées par des factures de second rang, à la date de l'action, à l'inclusion de dépenses dans le forfait des frais de fonctionnement et à l'inadéquation entre le montant de la dépense et la nature de cette dépense ; pour ce qui concerne les dépenses de logistique et de stockage, à des frais de " reporting ", d'achats de petits matériels, de téléphone, d'impression, de nettoyage, de photocopies, d'abonnement, d'excédent bagage, d'assurance ou administratifs, de bagages, de dépenses de premier rang qui ne sont pas suffisamment justifiées, correctement calculées ou rattachées à une date d'action de promotion et à l'absence de spécification du montant et/ou de la nature de la dépense ; pour ce qui concerne les dépenses de déplacement, à des frais de téléphone, des frais de mobile et de recharge, des frais engagés en dehors des dates de l'action, des frais administratifs, des frais d'assurance et de la taxe sur la valeur ajoutée et à l'absence de spécification du montant et/ou de la nature de la dépense. De tels motifs sont issus de dispositions qui figurent tant dans la décision n° AIDES/SACT/D 2013-37 du 1er juillet 2013 que dans la décision INTV-POP-2014-44 du 4 juillet 2014. Par suite, le moyen tiré du défaut de base légale des autres motifs de refus de prendre en compte certaines dépenses de personnel, dépenses justifiées par des factures de second rang, dépenses de logistique et de stockage et de déplacement sera écarté.
Sur les dépenses rejetées en raison de leur nature et celles facturées en dehors de l'année ou de la phase au titre de laquelle l'aide est demandée :
13. Aux termes de l'article 2.4 de la décision du directeur général de FranceAgriMer n° AIDES/SACT/D 2013-37 du 1er juillet 2013 : " L'article 103 septdecies du R 1234/2007 définit cinq types d'actions éligibles : / - des actions de relations publiques, de promotion ou de publicité, visant en particulier à mettre en évidence que les produits de l'Union répondent à des normes élevées en termes, notamment de qualité, de sécurité sanitaire des aliments ou d'environnement, / - la participation à des manifestations, foires ou expositions d'envergure internationale, / - des campagnes d'information, notamment sur les régimes de l'Union relatifs aux appellations d'origine, aux indications géographiques et à la production biologique, / - des études de marchés nouveaux, nécessaires à l'élargissement des débouchés, / - des études d'évaluation des résultats des actions d'information et de promotion. / Lors de la présentation d'un programme d'aide, le demandeur établit la liste des actions par pays ou par groupe de pays. Quand il s'agit d'un groupe de pays, le périmètre doit en être précisé par la liste des pays concernés. / Une liste détaillée des actions éligibles et inéligibles est jointe en annexe de la présente décision. (...) ". Aux termes de l'article 2.5 de la même décision : " Une dépense est éligible si elle se rattache directement à une action réalisée au titre de la période d'exécution du programme, qu'elle est effectuée dans ou au titre des pays prévus dans le programme et qu'elle a fait l'objet d'un paiement effectif auprès du fournisseur par le demandeur. ".
14. Il ressort des pièces du dossier que certaines dépenses, telles celles relatives aux frais de logistique et de stockage et aux frais de commission, ont été considérées comme inéligibles à l'aide européenne en raison de leur nature même. Il ressort également de ces pièces que certaines dépenses n'ont pas été considérées comme éligibles aux motifs que les justificatifs produits ne permettaient pas de s'assurer de leur rattachement aux actions de promotion réalisées en 2016, au titre de la phase 3 du programme d'aide. Toutefois, il ne ressort d'aucune disposition réglementaire que, d'une part, des dépenses, hormis celles relatives aux frais généraux de l'opérateur dont le montant est limité à un forfait de 4 % du montant total des autres dépenses éligibles seraient, par nature, inéligibles à l'aide publique et que, d'autre part, des dépenses seraient exclues de l'assiette de l'aide publique, au seul motif qu'elles auraient été réalisées en dehors de l'année ou de la phase au titre de laquelle cette aide est demandée, sous réserve qu'elles soient directement liées à des actions éligibles mentionnées à l'article 2.4 de la décision du directeur général de FranceAgriMer n° AIDES/SACT/D 2013-37 du 1er juillet 2013.
15. Il résulte de ce qui précède que le CIVB est fondé à soutenir que FranceAgriMer a entaché la décision litigieuse d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation.
Sur les dépenses rejetées au motif qu'elles résultaient d'une rectification de la demande en cours de procédure :
16. Il ne ressort d'aucune disposition réglementaire que le demandeur ne pourrait pas rectifier, en cours de procédure, sa demande d'aide, dans la limite du montant initialement sollicité. Par suite, le CIVB est fondé à soutenir que FranceAgriMer a inexactement appliqué la décision du directeur général de FranceAgriMer n° AIDES/SACT/D 2013-37 du 1er juillet 2013 en rejetant notamment, pour ce motif, de prendre en compte une facture " Cavistes : TotalWine et More ".
Sur les dépenses rejetées au motif d'irrégularités liées aux factures et pièces de second rang :
17. Aux termes de l'article 8.3 de la décision du directeur général de FranceAgriMer n° AIDES/SACT/D 2013-37 du 1er juillet 2013, relatif aux justificatifs de dépenses : " Lors de la demande de paiement au titre d'une année, le bénéficiaire transmet à FranceAgriMer un état récapitulatif des dépenses (ERD) pour chaque pays cible (avec un feuillet retraçant le détail des dépenses correspondant aux actions de promotion, et un feuillet correspondant à la déclaration des voyages) établi selon les indications prévues sur le site Internet de FranceAgriMer. Cet état récapitulatif est exclusivement rédigé en français. / A cet état récapitulatif doivent obligatoirement être jointes l'intégralité des copies des factures listées dans l'état. (...) Les factures servant de preuve de réalisation de l'action doivent : / - être libellées au nom du demandeur de l'aide, / - porter l'indication de l'identité du fournisseur, / - indiquer précisément le détail des actions facturées ainsi que les montants détaillés correspondants, / - porter l'indication d'une numérotation (éventuellement manuscrite), équivalente à celle dans la comptabilité de l'entreprise ; ce numéro doit être reporté dans l'onglet correspondant de l'ERD, / - porter l'indication (éventuellement manuscrite) de la date et du moyen de règlement ainsi que le nom de la banque, / - sur chaque facture (et le cas échéant, sur chaque ligne de la facture), doivent figurer la référence de l'action et la période de réalisation, / - être présentées dans l'ordre dans lequel elles sont listées dans l'ERD. / (...) Les factures doivent obligatoirement être rédigées en français ou en anglais. (...) ". Selon le site Internet de FranceAgriMer, au point 2.5.3 des modalités de présentation de la demande de paiement de solde (programmation du 01/01/2014 au 31/12/2018) : " (...) / Il est rappelé que les factures doivent indiquer précisément le détail de l'action facturée ainsi que les coûts associés afin de permettre de s'assurer de l'éligibilité de la dépense présentée. En l'absence de ce niveau de détail, il appartient à l'opérateur d'associer à chacune des factures une annexe ou tout autre document (compte rendu du prestataire, devis chiffré...) ou à défaut les factures secondaires permettant d'identifier pour chaque événement, le détail des dépenses réalisées. / Eventuellement, pour permettre la prise en charge des dépenses concernées, l'opérateur peut faire traduire les factures en français ou en anglais ; à défaut, les dépenses concernées sont inéligibles. (...). " Au point 2.5.3.2 de ce document : " Les factures présentées dans l'ERD doivent être des factures de premier rang, c'est-à-dire adressées à la structure bénéficiaire de l'aide (l'Interprofession ou entreprise) et acquittées par elle. / (...) Si les factures de 1er rang des prestataires ne sont pas détaillées, ou pas suffisamment détaillées : / Pour pouvoir juger de l'éligibilité des actions qu'elles recouvrent, il appartient à l'opérateur d'associer à chacune des factures une annexe ou tout autre document établi par le prestataire (compte rendu du prestataire, devis chiffré...) permettant d'identifier pour chaque action réalisée, le détail des prestations réalisées. / A défaut de disposer de ces éléments, les factures de 2e rang (factures adressées au prestataire) devront être jointes à l'appui de la facture de 1er rang. (...) ".
18. D'une part, dès lors que les dispositions précitées n'imposent qu'aux seules factures acquittées par le bénéficiaire des aides, certaines exigences formelles dont, par exemple, l'obligation d'une rédaction ou d'une traduction en français ou en anglais, le CIVB est fondé à soutenir que FranceAgriMer a inexactement appliqué les dispositions précitées en rejetant des dépenses pour lesquelles il avait produit des factures de deuxième rang au motif que ce rejet résultait de l'application à celles-ci, par FranceAgriMer, des exigences formelles applicables aux factures de premier rang.
19. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que certains justificatifs de second rang ont été exclus de l'assiette de calcul de l'aide publique au motif qu'ils étaient insuffisamment détaillés et ne permettaient pas d'établir l'éligibilité des dépenses exposées. Cependant, FranceAgriMer ne pouvait appliquer les exigences de fond relatives aux justificatifs de premier rang pour apprécier la valeur probante des justificatifs de second, voire de troisième rang, pour, par exemple, rejeter la demande liée à des frais de pressing non datés du jour où l'opération s'est déroulée ou celle concernant des frais d'administration du projet (frais de " reporting " et de gestion d'OCM) facturés par des prestataires du CIVB et directement liés aux actions réalisées dans le cadre du programme d'aide.
20. Par suite, le CIVB est fondé à soutenir que FranceAgriMer a inexactement appliqué les dispositions citées au point 17 du présent arrêt et a entaché sa décision d'erreur d'appréciation.
21. Il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, les conclusions d'appel de FranceAgriMer doivent être rejetées et que, d'autre part, le CIVB est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté le surplus des conclusions de sa requête. Par suite, il y a lieu d'annuler l'article 4 du jugement attaqué, la décision du 24 octobre 2018 ainsi que la décision de rejet du recours gracieux présenté par le CIVB.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
22. Eu égard aux motifs retenus aux points 11, 14 à 16 et 18 à 20 pour prononcer l'annulation des décisions attaquées, l'exécution du présent arrêt implique, en application des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, qu'il soit enjoint à FranceAgriMer de procéder à un nouvel examen de la demande présentée par le CIVB dans un délai de six mois à compter de la notification de cet arrêt.
Sur les frais de l'instance :
23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CIVB, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande FranceAgriMer à ce titre.
24. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de FranceAgriMer le versement au CIVB de la somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision de l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer du 24 octobre 2018 ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux sont annulées.
Article 2 : L'article 4 du jugement n° 1904388 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 3 : Il est enjoint à FranceAgriMer de procéder au réexamen de la demande d'aide présentée par le CIVB dans un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : FranceAgriMer versera au CIVB la somme de 1 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions d'appel de FranceAgriMer sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) et au Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB).
Délibéré après l'audience du 6 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 juin 2024.
La rapporteure, Le président,
I. JASMIN-SVERDLIN J. LAPOUZADE
La greffière
C. POVSE
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°s 22PA01757, 22PA01761