Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 juin 2022 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par jugement n° 2221775/2-2 du 13 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 mai 2023, M. A..., représenté par Me Ouedraogo, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2221775/2-2 du 13 mars 2023 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 juin 2022 du préfet de police de Paris ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de Paris de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 août 2023, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 17 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Collet ;
- et les observations de Me Ouedraogo, avocate de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant ivoirien, né le 12 février 1984, est entré en France le 10 mai 2018 selon ses déclarations. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 17 juin 2022, le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par jugement du 13 mars 2023, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 17 juin 2022 :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) ".
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un accès effectif à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dont il peut effectivement bénéficier dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. Pour refuser à M. A... la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé, le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 12 mai 2022 qui précisait que si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, toutefois il pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Côte d'Ivoire et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, son état de santé pouvait lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Il ressort du certificat médical du 27 juin 2022 établi par médecin infectiologue qui suit M. A... à l'hôpital la Pitié-Salpêtrière que l'intéressé, qui souffre d'une hépatite B chronique, suit un traitement médicamenteux reposant sur la prise de Ténofovir dosé à 245 mg et qu'en Côte d'Ivoire " en plus du défaut d'approvisionnement répété, le Ténofovir se trouve à des posologies de 300 mg " et que l'exposition à une dose plus importante au long cours peut notamment causer des atteintes rénales avec une insuffisance rénale sévère ainsi qu'une diminution de la minéralisation osseuse précipitant vers l'ostéoporose et aggraver les troubles ostéo-articulaires préexistants. Il ressort également des pièces versées aux débats par M. A... que le traitement mensuel nécessité par son état de santé est commercialisé avec cette posologie supérieure au prix de 128 euros alors que le salaire moyen en Côte d'Ivoire est de 118,15 euros. Il produit à l'appui de ses allégations un article publié dans la revue " Annales Africaines de Médecine " intitulée " Aspects socio-économiques de la prise en charge des hépatites virales chroniques en Côte-d'Ivoire " paru en septembre 2022 qui met en évidence le fait que très peu de malades atteints d'hépatite accèdent au traitement en raison de son coût et que les conditions de vie et les difficultés financières sont généralement à l'origine d'une interruption du suivi du traitement et indique que " les hépatites virales chroniques constituent un problème de santé publique en Côte-d'Ivoire. Très peu de malades accèdent au traitement en raison des coûts élevés du bilan et du traitement ". Dans ces conditions, M. A... doit être regardé comme justifiant par les pièces qu'il produit, qu'il ne pourra pas bénéficier effectivement du traitement nécessaire à son état de santé en Côte d'Ivoire. En se bornant à soutenir que M. A... n'apporte pas la preuve que la prise de ce médicament ne pourrait pas être fractionnée sur plusieurs jours lui permettant ainsi de recevoir la dose requise ou que son traitement ne pourrait pas être substitué par une autre molécule, sans indiquer laquelle et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier produites par le préfet de police de Paris qu'une substitution serait possible, ce dernier ne contredit pas utilement les éléments apportés par M. A... établissant qu'il ne pourrait pas effectivement bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement approprié avec la posologie nécessitée par son état de santé.
5. Il s'ensuit que le préfet de police de Paris a méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, M. A... est fondé à demander l'annulation de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, celle des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de de destination d'une mesure d'éloignement et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, lesquelles sont dépourvues de base légale.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 juin 2022 du préfet de police de Paris.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Eu égard au motif d'annulation retenu ci-dessus, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que soit délivré à M. A... une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de police de Paris ou à tout autre préfet territorialement compétent de lui délivrer ce titre de séjour dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés à l'instance :
8. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Ouedraogo, avocat de M. A..., de la somme de 1 000 euros sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2221775/2-2 du 13 mars 2023 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 17 juin 2022 du préfet de police de Paris sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de Paris ou à tout préfet territorialement compétent de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Ouedraogo, avocate de M. A..., la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de police de Paris.
Copie en sera adressée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris.
Délibéré après l'audience du 10 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.
La rapporteure,
A. Collet La présidente,
A. Menasseyre
La greffière,
N. Couty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 23PA02314