Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2023 par lequel le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2307952 du 24 novembre 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces enregistrées le 18 décembre 2023 et les 2 janvier et 3 juin 2024, M. A..., représenté par Me Cloris, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2023 du préfet de police de Paris ;
3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation et de lui délivrer, pendant la durée de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 mars 2024, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Vrignon-Villalba a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant marocain né le 6 octobre 1984, est entré en France le 29 février 2016 muni d'un visa de court séjour valable du 20 février au 19 mars 2016. Le 25 mai 2016, il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande d'asile ayant définitivement été rejetée par la cour nationale du droit d'asile le 9 mai 2018, le préfet des Yvelines, par un arrêté du 31 octobre 2018, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par un jugement du 24 décembre 2018, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la requête introduite contre cet arrêté. Le 23 février 2023, M. A... a sollicité auprès de la préfecture du Val-de-Marne son admission exceptionnelle au séjour. Le 21 juillet 2023, à l'occasion d'un contrôle d'identité effectué en gare de Lyon, M. A... a été interpellé démuni de tout document l'autorisant à séjourner en France. Par un arrêté du 21 juillet 2023, le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par un jugement du 24 novembre 2023, dont M. A... relève appel, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, l'arrêté en litige vise la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, l'accord-franco marocain du 9 octobre 1987 modifié ainsi que les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il mentionne en outre que, par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 septembre 2017, confirmée par une décision de la cour nationale du droit d'asile du 9 mai 2018, la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a définitivement été refusé à M. A... et relève que ce dernier, qui n'est pas titulaire d'un titre de séjour, d'un document provisoire ou d'une autorisation provisoire de séjour, ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français. De même, l'arrêté précise que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale et mentionne que M. A..., de nationalité marocaine, n'établit pas être exposé à des peines ou des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Par ailleurs, et alors que, s'agissant de la mise en œuvre de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, le préfet n'était pas tenu d'examiner si l'admission au séjour de M. A... se justifiait au regard de l'expérience professionnelle dont l'intéressé s'est prévalue lors de son audition, au cours de laquelle il a déclaré être titulaire d'un contrat de travail et gagner 1 300 euros par mois, la seule circonstance que le préfet de police de Paris n'ait pas mentionné cette expérience professionnelle dans l'arrêté attaqué, non plus que l'existence d'une convocation en préfecture du Val-de-Marne le 2 avril 2024 en vue du dépôt d'une demande de titre de séjour, n'entache pas cet arrêté d'insuffisance de motivation et ne saurait révéler, par elle-même, un défaut d'examen particulier de sa situation. En tout état de cause, il ressort du procès-verbal d'audition de M. A... du 21 juillet 2023 que celui-ci a déclaré ne pas avoir déposé de demande de titre de séjour et n'a pas mentionné la convocation de la préfecture de Val-de-Marne. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué et du défaut d'examen particulier de sa situation doivent être écartés.
3. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
4. M. A... se prévaut de ce qu'il est entré régulièrement en France le 27 février 2016 et de ce qu'il réside habituellement depuis cette date sur le territoire français en compagnie de son épouse et de leur fille, née le 7 juin 2020 à Paris, ainsi que de son insertion professionnelle. Il fait valoir qu'il exerce une activité professionnelle à temps plein en qualité de boulanger depuis le 1er juin 2021 et qu'il justifie d'un contrat à durée indéterminée depuis le 1er janvier 2022. Toutefois, l'intéressé n'établit pas davantage en appel qu'en première instance que son épouse serait en situation régulière en France, de sorte que rien ne s'oppose, eu égard notamment au jeune âge de l'enfant du couple, à ce que la vie familiale se poursuive au Maroc, pays dont tous les membres de la famille ont la nationalité. Dans ces conditions, et alors qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier que l'intéressé s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, l'arrêté en litige ne porte pas, eu égard aux objectifs poursuivis par cette mesure, une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A.... Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que, par un courriel du 23 février 2023, M. A... a sollicité auprès des services de la préfecture du Val-de-Marne un rendez-vous aux fins de déposer un dossier d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié et que, par un courriel du 4 avril 2023, l'autorité administrative l'a informé de ce qu'il était convoqué le 2 avril 2024. Toutefois cette convocation, qui a pour seul objet de fixer la date à laquelle il sera, en principe, procédé à l'enregistrement de sa demande dans le cadre de la procédure devant conduire à une décision sur son droit au séjour, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté dès lors qu'elle n'a pas pour effet par elle-même de lui donner un droit au maintien sur le territoire français ni ne saurait préjuger d'une suite favorable donnée à sa demande. M. A..., qui se prévaut uniquement d'une admission exceptionnelle au séjour au titre du travail, n'établit pas ni même n'allègue qu'il pouvait prétendre à un titre de séjour de plein droit qui aurait fait obstacle à ce qu'il fasse l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. La délivrance d'une telle convocation ne faisait par ailleurs pas obligation à l'autorité préfectorale de surseoir à l'édiction d'un arrêté ordonnant l'éloignement de l'intéressé dès lors que les conditions légales de la mesure se trouvaient réunies. La seule circonstance que M. A... serait, à défaut, privé de l'opportunité de voir sa demande de titre de séjour examinée ne permet pas d'établir, eu égard par ailleurs à la situation personnelle de l'intéressé telle qu'exposée au point 4, qu'en l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et en fixant le Maroc comme pays de destination, le préfet de police de Paris aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation.
6. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2023 par lequel le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.
Délibéré après l'audience du 10 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.
La rapporteure,
C. Vrignon-VillalbaLa présidente,
A. Menasseyre
La greffière
N. Couty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA05241