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29/07/2024 | FRANCE | N°23PA01839

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 3ème chambre, 29 juillet 2024, 23PA01839


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. E... B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'ordonner, avant dire droit, une mesure d'expertise, et de condamner, d'une part, l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme de 118 645 euros, d'autre part, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 70 000 euros, sommes assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de

s intérêts, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa pri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'ordonner, avant dire droit, une mesure d'expertise, et de condamner, d'une part, l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme de 118 645 euros, d'autre part, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 70 000 euros, sommes assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa prise en charge par l'hôpital Lariboisière le 18 août 2016.

Par un jugement n° 2004262, 2017564/6-1 du 10 mars 2023, le tribunal administratif de Paris :

- a condamné l'AP-HP à verser à M. B... A... la somme de 52 669,20 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 février 2020 et de la capitalisation des intérêts compter du 28 février 2021 ;

- a condamné l'ONIAM à verser à M. B... A... la somme de 34 112,80 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2020 et de la capitalisation des intérêts à compter du 26 octobre 2021 ;

- a condamné l'AP-HP à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris la somme de 183 718,39 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2021 à hauteur des sommes correspondant aux prestations versées dans l'intérêt du requérant à cette date, et à compter de leur versement pour les prestations ultérieures, ainsi que de la capitalisation des intérêts ;

- a rejeté le surplus des conclusions principales des parties.

Procédure devant la cour :

I) Par une requête enregistrée le 2 mai 2023 sous le n° 23PA01839, l'ONIAM, représenté par Me Birot, demande à la cour d'annuler le jugement du 10 mars 2023 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a mis à sa charge l'indemnisation des préjudices de M. B... A... au titre des souffrances endurées, du déficit fonctionnel permanent et du préjudice esthétique.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que seuls les préjudices non couverts par le contrat d'assurance " garantie des accidents de la vie ", souscrit par M. B... A... auprès de la Banque Postale, pouvaient faire l'objet d'une réparation par l'ONIAM ;

- c'est à tort que les premiers juges ont mis à sa charge une indemnisation au titre des souffrances endurées, du déficit fonctionnel permanent et du préjudice esthétique, dès lors que ces postes sont couverts par le contrat d'assurance " garantie des accidents de la vie ", souscrit par M. B... A... ; la solidarité nationale n'a pas vocation à intervenir dans le cas où une compagnie d'assurance est tenue de couvrir un risque en application de garanties contractuelles ;

- les manquements imputables à l'AP-HP engagent sa responsabilité à hauteur de 60 %, comme l'ont retenu les premiers juges.

Par un mémoire enregistré le 11 septembre 2023, la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, représentée par Me Dontot, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 mars 2023 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a limité le remboursement de ses créances et rejeté ses demandes au titre des indemnités journalières et de la pension d'invalidité ;

2°) de condamner l'AP-HP à lui verser la somme totale de 220 650,75 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2021 et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'AP-HP les dépens et la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- selon un décompte établi le 17 mars 2021, sa créance définitive s'établit à 64 464,05 euros en ce qui concerne les frais médicaux et assimilés, à 209 435,25 euros en ce qui concerne les frais futurs, à 9 884,28 euros en ce qui concerne les indemnités journalières et à 22 413,73 euros en ce qui concerne la pension d'invalidité ;

- elle a droit au remboursement des indemnités journalières et de la pension d'invalidité versées à M. B... A..., dès lors que ses pertes de salaire et de gains professionnels futurs sont en lien avec l'intervention médicale.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 janvier 2024, l'AP-HP, représentée par Me Tsouderos, conclut à titre principal au rejet des conclusions d'appel de M. B... A..., ou à titre subsidiaire à ce que les indemnités soient ramenées à de plus justes proportions.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

La clôture de l'instruction a été fixée au 1er mars 2024.

II) Par une requête enregistrée le 10 mai 2023 sous le n° 23PA02017, l'AP-HP, représentée par Me Tsouderos, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du 10 mars 2023 du tribunal administratif de Paris et de rejeter les demandes de première instance de M. B... A... et de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer ce jugement en tant qu'il a mis à sa charge le remboursement des dépenses de santé futures à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris sous forme d'un capital.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu qu'une faute médicale avait été commise par les services de l'hôpital Lariboisière ; la réalisation d'un bilan d'imagerie après la survenue d'un syndrome de la queue de cheval ne s'impose que si la cause de l'atteinte durale est inconnue, ce qui n'était pas le cas en ce qui concerne M. B... A... ; en tout état de cause, la présence du matériel métallique mis en place aurait été à l'origine d'artefact sur le cliché éventuellement réalisé ; l'expert n'a pas précisé quel geste chirurgical aurait permis d'éviter le dommage subi ;

- une information orale complète a été donnée à M. B... A... avant l'intervention, lors de consultations préopératoires ; les dispositions applicables du code de la santé publique n'imposent pas que soit délivrée une information écrite ;

- elle ne consent pas au remboursement par voie de capitalisation des frais futurs exposés par la caisse primaire d'assurance maladie de Paris.

Par un mémoire enregistré le 11 septembre 2023, la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, représentée par Me Dontot, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 mars 2023 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a limité le remboursement de ses créances en rejetant ses demandes au titre des indemnités journalières et de la pension d'invalidité ;

2°) de condamner l'AP-HP à lui verser la somme totale de 220 650,75 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2021 et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'AP-HP les dépens et la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- selon un décompte établi le 17 mars 2021, sa créance définitive s'établit à 64 464,05 euros en ce qui concerne les frais médicaux et assimilés, à 209 435,25 euros en ce qui concerne les frais futurs, à 9 884,28 euros en ce qui concerne les indemnités journalières et à 22 413,73 euros en ce qui concerne la pension d'invalidité ;

- elle a droit au remboursement des indemnités journalières et de la pension d'invalidité versées à M. B... A..., dès lors que ses pertes de salaire et de gains professionnels futurs sont en lien avec l'intervention médicale.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er décembre 2023, l'ONIAM, représenté par Me Birot, conclut au rejet de la requête présentée par l'AP-HP.

Il soutient que :

- les manquements imputables à l'AP-HP engagent sa responsabilité à hauteur de 60 %, comme l'ont retenu les premiers juges ;

- il ressort du rapport d'expertise que M. B... A... n'a pas été informé des risques, notamment neurologiques, liés à l'intervention ; ce manquement lui a fait perdre des chances de se soustraire au risque qui s'est réalisé.

Vu les autres pièces du dossier.

La clôture de l'instruction a été fixée au 24 janvier 2024.

III) Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 mai 2023 et 24 janvier 2024 sous le n° 23PA02075, M. B... A..., représenté par Me Arvis, demande à la cour :

1°) d'ordonner, avant dire droit, une mesure d'expertise ;

2°) d'annuler le jugement du 10 mars 2023 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a limité à 52 669,20 euros la somme mise à la charge de l'AP-HP et à 34 112,80 euros la somme mise à la charge de l'ONIAM ;

3°) de faire droit à l'intégralité de ses demandes de première instance ;

4°) de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs, dès lors que le report de la date de consolidation de son état de santé n'a pas eu de conséquences sur l'évaluation des préjudices ;

- les services de l'hôpital Lariboisière ont commis des manquements qui engagent la responsabilité de l'AP-HP ; il a subi une perte de chance d'éviter le dommage de 60 % ;

- il a perdu une chance de se soustraire à l'opération du fait du manquement de l'hôpital à son devoir d'information ; l'AP-HP n'apporte pas la preuve de la délivrance d'une information complète ;

- une nouvelle expertise doit être ordonnée en vue d'évaluer les préjudices subis ;

- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas retenu de pertes de gains professionnels actuelles et futures en lien avec l'accident médical qu'il a subi, dès lors notamment qu'il est désormais inapte à tout emploi ;

- il a subi un préjudice moral distinct du préjudice d'impréparation ;

- il a besoin d'une assistance par une tierce personne à hauteur de quatre heures par semaine ; ce poste doit être indemnisé en retenant un taux de 13 euros par heure ;

- son préjudice d'agrément doit être indemnisé ;

- son préjudice esthétique et son préjudice d'impréparation ont été sous-évalués par les premiers juges ;

- il n'a pas été indemnisé par son assureur.

Par un mémoire enregistré le 11 septembre 2023, la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, représentée par Me Dontot, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 mars 2023 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a limité le remboursement de ses créances en rejetant ses demandes au titre des indemnités journalières et de la pension d'invalidité ;

2°) de condamner l'AP-HP à lui verser la somme totale de 220 650,75 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2021 et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'AP-HP les dépens et la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- selon un décompte établi le 17 mars 2021, sa créance définitive s'établit à 64 464,05 euros en ce qui concerne les frais médicaux et assimilés, à 209 435,25 euros en ce qui concerne les frais futurs, à 9 884,28 euros en ce qui concerne les indemnités journalières et à 22 413,73 euros en ce qui concerne la pension d'invalidité ;

- elle a droit au remboursement des indemnités journalières et de la pension d'invalidité versées à M. B... A..., dès lors que ses pertes de salaire et de gains professionnels futurs sont en lien avec l'intervention médicale.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er décembre 2023, l'ONIAM, représenté par Me Birot, conclut au rejet de la requête présentée par M. B... A....

Il soutient que :

- il s'en remet à la sagesse de la cour quant à la demande d'expertise de l'appelant ;

- c'est à tort que les premiers juges ont mis à sa charge une indemnisation au titre des souffrances endurées, du déficit fonctionnel permanent et du préjudice esthétique, dès lors que ces postes sont couverts par le contrat d'assurance " garantie des accidents de la vie ", souscrit par M. B... A... ; la solidarité nationale n'a pas vocation à intervenir dans le cas où une compagnie d'assurance est tenue de couvrir un risque en application de garanties contractuelles ;

- les demandes indemnitaires de M. B... A... ne sont pas fondées.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 janvier 2024, l'AP-HP, représentée par Me Tsouderos, conclut à titre principal au rejet de la requête, ou à titre subsidiaire à ce que les indemnités soient ramenées à de plus justes proportions.

Elle soutient que :

- la demande de nouvelle expertise n'est pas justifiée ;

- la demande au titre des pertes de gains professionnels doit être rejetée, celles-ci étant imputables à l'état antérieur de l'appelant ;

- le préjudice moral de l'intéressé a été indemnisé au titre des souffrances endurées avant consolidation de son état de santé, et au titre du déficit fonctionnel permanent après consolidation ;

- le besoin d'assistance par une tierce personne après consolidation n'est pas établi ;

- le préjudice d'agrément n'est pas établi.

Vu les autres pièces du dossier.

La clôture de l'instruction a été fixée au 1er mars 2024.

Vu :

- le code civil,

- le code de la santé publique,

- code de la sécurité sociale,

- l'arrêté du 18 décembre 2023 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2024,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Arvis, représentant M. B... A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., né le 15 janvier 1960 et exerçant la profession de cariste, souffrait de lombalgies depuis plusieurs années. Cette pathologie s'est aggravée en 2015, ce qui l'a conduit à un arrêt de travail à partir de janvier 2016. Des examens d'imagerie médicale pratiqués à l'hôpital Lariboisière ont montré un rétrécissement du défilé disco-articulaire L3-L4 refoulant la racine L4 droite. Lors d'une consultation en chirurgie orthopédique au sein de cet hôpital, le 4 avril 2016, une hernie discale L3-L4 venant comprimer la racine a été diagnostiquée, et une intervention chirurgicale de " libération canalaire " a été proposée à M. B... A.... Le 18 août 2016, l'intéressé a subi à l'hôpital Lariboisière, qui relève de l'AP-HP, une laminectomie

L3-S1 avec arthrodèse L4-S1. Une brèche durale est survenue durant l'opération ; des radicelles " sorties " par cette brèche ont alors été réinsérées, puis la brèche a été suturée au cours de la même intervention. Dans les suites de l'opération, M. B... A... a présenté une anesthésie sphinctéro-périnéale, une hypotonie anale, une incontinence anale et une rétention urinaire. Un syndrome de la queue de cheval à prédominance sphinctérienne et sensitive a été constaté. M. B... A... a suivi des séances de rééducation puis a regagné son domicile le 10 octobre 2016. Il a conservé d'importants troubles vésico-sphinctériens.

2. Le 3 avril 2018, M. B... A... a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation (CCI) d'Île-de-France, qui a ordonné une expertise. Le rapport du docteur D..., neurochirurgien, a été déposé le 14 décembre 2018. Par un avis du 7 mars 2019, la CCI a retenu un défaut d'information imputable à l'AP-HP, a estimé que l'intéressé avait été victime d'une complication non fautive, mais non correctement prise en charge par la suite du fait d'un manquement des services de l'hôpital Lariboisière. L'ONIAM a adressé à M. B... A..., par courrier du 30 juillet 2019, une proposition d'indemnisation d'un montant de 6 462,26 euros. Par un courrier du 2 juin 2020, M. B... A... a sollicité une nouvelle offre d'indemnisation, demande qui a été implicitement rejetée. Par un courrier du 23 décembre 2019, l'AP-HP a quant à elle refusé d'indemniser M. B... A.... L'ONIAM, l'AP-HP et M. B... A... relèvent appel du jugement du 10 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a notamment condamné l'AP-HP à verser à M. B... A... la somme de 52 669,20 euros, l'ONIAM à verser à M. B... A... la somme de 34 112,80 euros, et l'AP-HP à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris la somme de 183 718,39 euros. Cette dernière demande la réformation du même jugement par la voie de l'appel incident.

Sur la jonction :

3. Les requêtes susvisées concernent le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu par suite de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. D'une part, le moyen tiré d'une contradiction au sein des motifs du jugement attaqué, soulevé par M. B... A..., relève du bien-fondé de ce jugement et non de sa régularité.

5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier de première instance que l'ONIAM a soutenu en défense, devant le tribunal, que la conclusion par M. B... A... d'un contrat d'assurance " garantie des accidents de la vie " auprès de la Banque Postale Prévoyance faisait obstacle à ce que soit mis à sa charge, au titre de la solidarité nationale, le versement d'une indemnisation des préjudices subis par le demandeur et couverts par ce contrat. Si les premiers juges ont visé ce moyen en défense, ils n'y ont pas répondu, alors qu'il n'était pas inopérant. Par suite, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité partielle en tant qu'il condamne l'ONIAM à indemniser M. B... A... au titre des souffrances endurées, du déficit fonctionnel permanent et du préjudice esthétique. Il doit donc être annulé dans cette mesure.

6. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu pour la cour d'examiner par la voie de l'évocation les demandes formées par M. B... A... au titre des souffrances endurées, du déficit fonctionnel permanent et du préjudice esthétique, et d'examiner les autres conclusions des requêtes d'appel dans le cadre de l'effet dévolutif.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le cadre juridique applicable, le droit à réparation et la responsabilité de l'AP-HP :

7. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / (...) II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. ".

8. Il résulte des termes du II de l'article L. 1142-1 précité du code de la santé publique que la réparation d'un accident médical par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale n'est possible qu'en dehors des cas où cet accident serait causé directement soit par un acte fautif d'un professionnel de santé ou d'un établissement, service ou organisme mentionné au I du même article, soit par un défaut d'un produit de santé. La condition d'anormalité du dommage prévue par les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. Ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage.

9. Lorsque, dans le cas d'un tel accident médical non fautif dont les conséquences dommageables remplissent les conditions prévues par le II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, une faute commise par un professionnel, un établissement, un service ou un organisme mentionné au I du même article a, sans être la cause directe de l'accident, fait néanmoins perdre à la victime une chance d'y échapper ou de se soustraire à ses conséquences, cette dernière a droit à la réparation intégrale de son dommage au titre de la solidarité nationale, mais l'indemnité due par l'ONIAM doit être réduite du montant de l'indemnité mise à la charge du professionnel, de l'établissement, du service ou de l'organisme responsable de la perte de chance, laquelle est égale à une fraction des dommages, fixée à raison de l'ampleur de la chance perdue.

10. Par suite, il appartient au juge saisi par la victime d'un accident médical de conclusions indemnitaires invoquant la responsabilité pour faute d'un professionnel de santé ou d'un établissement, service ou organisme mentionné au I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, de déterminer si l'accident médical a été directement causé par la faute invoquée et, dans ce cas, si l'acte fautif est à l'origine des dommages corporels invoqués ou seulement d'une perte de chance de les éviter. Si l'acte fautif n'est pas la cause directe de l'accident, il lui appartient de rechercher, le cas échéant d'office, si le dommage subi présente le caractère d'anormalité et de gravité requis par les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique et doit, par suite, faire l'objet d'une réparation par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale. Enfin, dans le cas d'une réponse positive à cette dernière question, si la faute reprochée au professionnel de santé ou à l'établissement, service ou organisme mentionné au I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique a fait perdre à la victime une chance d'éviter l'accident médical non fautif ou de se soustraire à ses conséquences, il appartient au juge, tout en prononçant le droit de la victime à la réparation intégrale de son préjudice, de réduire l'indemnité due par l'ONIAM du montant qu'il met alors, à ce titre, à la charge du responsable de cette perte de chance.

11. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du docteur D..., neurochirurgien, déposé le 14 décembre 2018 devant la CCI d'Île-de-France, que le syndrome de la queue de cheval dont a été victime M. B... A... a été directement causé par la survenue accidentelle d'une brèche de la dure mère durant l'opération de laminectomie qu'il a subie le 18 août 2016 à l'hôpital Lariboisière. Il résulte également de l'instruction qu'une telle complication présente, dans les conditions où l'acte de chirurgie rachidienne a été accompli, une probabilité de survenance de l'ordre de 2 à 4 %, et que le taux de déficit fonctionnel permanent de la victime est de 35 %, au-delà du seuil de gravité fixé par les dispositions précitées. Dans ces conditions, M. B... A... a droit à la réparation par l'ONIAM, au titre de la solidarité nationale, des préjudices qu'il a subis du fait du risque qui s'est réalisé.

12. Toutefois, d'une part, il résulte également de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du docteur D..., que le constat, par les services de l'hôpital Lariboisière, d'un syndrome de la queue de cheval survenu dans les suites immédiates de l'opération, avec un déficit sensitif et une atteinte sphinctéro-périnéale, n'a donné lieu à aucun examen précoce d'imagerie médicale, notamment à aucune IRM, seul un scanner ayant été pratiqué huit jours après l'intervention, et qu'aucun nouvel acte de reprise chirurgicale n'a été envisagé en urgence, alors que, selon le rapport d'expertise, dont les conclusions ont été suivies par la CCI d'Île-de-France, de telles diligences accomplies dans les vingt-quatre heures suivant le début des déficits permettent d'augmenter les chances de récupération du patient. La circonstance, invoquée par l'AP-HP, que la brèche durale a été constatée durant l'intervention et a été réparée au cours de celle-ci, et que la cause de survenue du syndrome était ainsi connue, est sans incidence à cet égard, dès lors notamment que, comme le fait valoir l'ONIAM sans être sérieusement contredit sur ce point, les symptômes rapidement manifestés par M. B... A... indiquaient que la réparation peropératoire n'avaient pas permis d'éviter le dommage neurologique. Ces manquements de l'hôpital Lariboisière dans la prise en charge de la complication accidentelle subie par M. B... A... ont fait perdre à ce dernier 60 % de chances de se soustraire aux conséquences de l'accident médical survenu, et engagent la responsabilité de l'AP-HP.

13. D'autre part, aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences

prévisibles en cas de refus. (...) / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...) / En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. ". Et aux termes de l'article L. 1111-4 du même code : " (...) Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. (...) ".

14. Il résulte de ces dispositions que doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui, soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence. En cas de manquement à cette obligation d'information, si l'acte de diagnostic ou de soin entraîne pour le patient, y compris s'il a été réalisé conformément aux règles de l'art, un dommage en lien avec la réalisation du risque qui n'a pas été porté à sa connaissance, la faute commise en ne procédant pas à cette information engage la responsabilité de l'établissement de santé à son égard, pour sa perte de chance de se soustraire à ce risque en renonçant à l'opération. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction, compte tenu de ce qu'était l'état de santé du patient et son évolution prévisible en l'absence de réalisation de l'acte, des alternatives thérapeutiques qui pouvaient lui être proposées ainsi que de tous autres éléments de nature à révéler le choix qu'il aurait fait, qu'informé de la nature et de l'importance de ce risque, il aurait consenti à l'acte en question.

15. Il résulte de l'instruction qu'il n'existe au dossier de M. B... A... aucun élément établissant qu'une information adaptée aurait été portée à sa connaissance et qu'il aurait consenti à l'opération du 18 août 2016 de manière éclairée, en particulier en ce qui concerne les risques neurologiques liés à l'acte chirurgical pratiqué. L'AP-HP se prévaut du compte-rendu d'une consultation du 21 avril 2016, dans lequel le praticien précise " avoir expliqué les modalités de l'intervention et les suites opératoires ainsi que les risques ", et du fait que M. B... A... a revu le chirurgien le 23 juin 2016 pour évoquer à nouveau l'intervention et ses suites. Toutefois, ces éléments, en l'absence de document contresigné par le patient, qui soutient pour sa part que le chirurgien a seulement insisté sur la nécessité de l'opération, ayant évoqué un risque de paralysie en cas de non-réalisation de ladite opération, et qui ne garde pas de souvenir de l'évocation de risques liés à l'opération elle-même, ne sauraient suffire, en l'espèce, à constituer la preuve de délivrance de l'information complète et adaptée qui incombe à l'établissement, quand bien même les dispositions précitées n'imposent pas de document écrit. Or, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, qu'en l'absence d'opération, la pathologie lombaire de M. B... A... aurait évolué vers un tableau douloureux chronique, tel qu'il existait antérieurement. Par ailleurs, l'intéressé a manifesté une hésitation quant à la réalisation de l'intervention, ayant demandé un délai de réflexion après la consultation du 21 avril 2016 et une nouvelle consultation pour évoquer les suites opératoires, le 23 juin 2016. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer qu'informé de la nature et de l'importance du risque auquel il était exposé, M. B... A... aurait pu ne pas consentir à l'acte pratiqué le 18 août 2016 et, par suite, que le défaut d'information imputable à l'AP-HP lui a fait perdre 50 % de chances d'éviter le dommage subi.

16. Dans l'hypothèse où se cumulent un défaut d'information sur les risques liés à une opération, ayant fait perdre au patient une chance de se soustraire à celle-ci, et une faute médicale ayant entraîné une perte de chance de se soustraire aux conséquences de la réalisation d'un risque, il incombe au juge, pour fixer le taux de la perte de chance subie par l'intéressé,

d'additionner, d'une part le taux de sa perte de chance de se soustraire à l'opération, c'est-à-dire la probabilité qu'il ait refusé l'opération s'il avait été informé du risque qu'elle comportait et, d'autre part, le taux de sa perte de chance résultant de la faute médicale commise, ce taux étant multiplié par la probabilité qu'il ait accepté l'opération s'il avait été informé du risque qu'elle comportait.

17. Compte tenu des taux de perte de chance mentionnés aux points 12 et 15 du présent arrêt, le taux global de perte de chance liés aux manquements imputables à l'AP-HP doit être fixé à 80 %, soit {50 % + (60 % x 50 %)}.

18. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de réduire l'indemnité due par l'ONIAM du fait de l'accident médical ayant causé le dommage subi par M. B... A... à concurrence de la part de responsabilité de l'AP-HP, fixée à 80 % au point qui précède.

En ce qui concerne l'évaluation des préjudices :

19. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise déposé le 23 octobre 2018 devant la CCI d'Île-de-France, que la date de consolidation de l'état de santé de M. B... A... en lien avec le syndrome de la queue de cheval dont il a été affecté, doit être fixé au 27 février 2018, date à laquelle il a consulté le chef de service de médecine physique et de réadaptation de l'hôpital de Rothschild, qui a indiqué que son état était stable. Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, les certificats médicaux des 13 et 31 août 2018, au demeurant antérieurs à la dernière réunion d'expertise, ne permettent pas de reporter cette date de consolidation au 31 août 2018, dès lors notamment que s'ils mentionnent une persistance des troubles vésico-sphinctériens, ils ne relèvent pas d'aggravation sur ce point. Si une aggravation est notée dans un document médical du 12 juillet 2018, elle concerne les douleurs au niveau du rachis lombaire moyen, qui sont liées à l'état antérieur et non à l'accident médical. Il en résulte qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise.

20. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, notamment des relevés de débours produits par la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, que cette dernière a exposé, du fait des dommages subis par M. B... A..., des frais d'hospitalisation avant la date de consolidation pour un montant de 19 605,04 euros. Il n'est en outre pas contesté que les frais médicaux, pharmaceutiques et d'appareillage exposés jusqu'au 23 février 2021 s'élèvent à la somme totale de 81 199,24 euros. Après le 24 février 2021, la caisse établit que les dépenses de santé en lien avec le dommage s'élèvent à un montant total de 9 837,18 euros par an, soit jusqu'à la date de mise à disposition du présent arrêt, à une somme de 33 715,92 euros. S'agissant des dépenses de santé futures, il y a lieu, en l'absence d'accord de l'AP-HP quant au remboursement des frais exposés sous forme d'un capital, de fixer le montant maximal de la rente devant être versée à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris à 9 837,18 euros par an, et donc de réformer le jugement attaqué, qui a procédé à une capitalisation des sommes dues, sur ce point.

21. En troisième lieu, M. B... A..., qui exerçait la profession de cariste, était placé en arrêt de travail en raison de sa pathologie lombalgique invalidante depuis janvier 2016. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que cet état antérieur imposait, même en l'absence de survenue de l'accident médical, un reclassement professionnel. Dans ces conditions, la demande de l'intéressé au titre de la perte de gains professionnels doit être regardée comme étant dépourvue de lien de causalité direct avec cet accident. Il s'ensuit qu'elle doit être rejetée, de même que, pour les mêmes motifs, la demande de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris tendant au remboursement des indemnités journalières versées.

22. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que les séquelles vésico-sphinctériennes dont est atteint M. B... A... ont limité sérieusement ses possibilités de reclassement et ont ainsi eu une incidence professionnelle, jusqu'à son placement en retraite en 2022. Il n'y a pas lieu en l'espèce de réformer le montant de 10 000 euros évalué à ce titre par les premiers juges. Dès lors que M. B... A... a été indemnisé pour ce poste par le versement d'une pension d'invalidité, depuis le 1er août 2017, il y a seulement lieu, en l'espèce, d'accueillir la demande de remboursement formée à ce titre par la caisse primaire d'assurance maladie de Paris.

23. En cinquième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'état de santé de M. B... A... en lien avec l'accident médical, qui nécessite la pratique régulière d'auto-sondages à l'aide d'un matériel adapté à un usage par le patient lui-même, justifierait l'assistance par une tierce personne pour les actes de la vie quotidienne. Si M. B... A... se prévaut à cet égard du rapport d'expertise, retenant un tel besoin, il résulte de l'instruction que ce besoin est en lien avec son état antérieur, correspondant à sa pathologie lombaire chronique. La demande à ce titre doit donc être rejetée.

24. En sixième lieu, il résulte de l'instruction que M. B... A... a exposé, dans le cadre de la procédure qu'il a initiée devant la CCI d'Île-de-France, des frais d'avocat s'élevant à la somme de 1 890 euros, justifiée par la production d'une facture d'honoraires du 11 mars 2019. Cette évaluation n'étant contestée par aucune partie en appel, il y a lieu de confirmer le jugement attaqué sur ce point.

25. En septième lieu, il résulte de l'instruction que M. B... A... a subi, en lien avec l'accident médical, un déficit fonctionnel temporaire total du 24 août 2016 au 10 septembre 2016, un déficit fonctionnel temporaire de 40 % du 11 septembre 2016 au 25 octobre 2016 puis du 11 mars 2017 au 31 août 2018, et un déficit fonctionnel temporaire de 50 % du 26 octobre 2016 au 10 mars 2017. Il n'y a pas lieu en l'espèce de réformer la juste appréciation effectuée pour ce poste par les premiers juges, non contestée par les appelants, et s'élevant à la somme de 6 392 euros.

26. En huitième lieu, il résulte de l'instruction que les souffrances endurées par M. B... A..., du fait de la survenue de l'accident médical et de ses conséquences, s'élèvent à 3,5 sur une échelle allant de 0 à 7. Il n'y a pas lieu en l'espèce de réformer la juste appréciation effectuée pour ce poste par les premiers juges, non contestée, dans son montant, par les appelants, et s'élevant à la somme de 5 000 euros.

27. En neuvième lieu, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que le déficit fonctionnel permanent dont est atteint M. B... A... en lien avec la survenue de l'accident médical, doit être fixé au taux de 35 %. Ce taux comprend nécessairement le retentissement moral des séquelles dont l'intéressé est atteint, et dont la demande d'indemnisation d'un préjudice moral distinct doit donc être rejetée. Il n'y a pas lieu en l'espèce de réformer la juste appréciation effectuée pour ce poste par les premiers juges, s'élevant à la somme de 60 000 euros.

28. En dixième lieu, il résulte de l'instruction que M. B... A... a subi un préjudice esthétique qui peut être évalué à 2 sur une échelle allant de 0 à 7. Si l'intéressé estime que la somme de 2 000 euros, appréciée par les premiers juges, est sous-évaluée, il n'apporte pas d'élément à l'appui de ses allégations qui témoignerait d'un préjudice esthétique plus important que celui résultant de l'évaluation contestée, la cicatrice liée à l'opération, à laquelle il aurait pu se soustraire s'il avait été correctement informé, étant située au niveau du rachis lombaire. Il y a donc lieu de confirmer le jugement attaqué sur ce point.

29. En onzième lieu, M. B... A... n'établit pas, par les pièces qu'il a produit en première instance et en appel, la réalité du préjudice d'agrément dont il demande réparation. Au demeurant, s'il indique qu'il a dû cesser les voyages et les matches de basket avec ses amis, ces circonstances résultent principalement de sa pathologie antérieure. La demande à ce titre doit donc être rejetée.

30. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que M. B... A... subit, du fait de la survenue de l'accident médical et de ses conséquences, un préjudice sexuel. Il n'y a pas lieu en l'espèce de réformer la juste appréciation effectuée pour ce poste par les premiers juges, non contestée, dans son montant, par les appelants, et s'élevant à la somme de 10 000 euros.

En ce qui concerne le montant des indemnisations dues par l'AP-HP et par l'ONIAM :

31. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 19 à 30 qui précèdent, et compte tenu du taux global de perte de chance de 80 % imputable à l'AP-HP du fait du défaut d'information et des manquements médicaux commis par l'hôpital Lariboisière, de fixer à 107 616,16 euros la somme due par cette dernière à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris du fait des frais de santé exposés jusqu'à la mise à disposition du présent arrêt. L'AP-HP lui sera également redevable, après cette date, d'une rente annuelle d'un montant maximal de 7 869,74 euros. Elle versera enfin à l'AP-HP la somme de 8 000 euros au titre du remboursement de la pension d'invalidité versée à M. B... A.... Ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2021 à hauteur des sommes correspondant aux prestations versées dans l'intérêt de M. B... A... à cette date, et à compter de leur versement pour les prestations ultérieures, ainsi que de la capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle.

32. Il résulte également de ce qui a été dit aux points qui précèdent que, compte tenu du taux global de perte de chance de 80 % imputable à l'AP-HP, cette dernière doit être condamnée à verser à M. B... A... la somme totale de 68 225,60 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 février 2020 et de la capitalisation des intérêts compter du 28 février 2021 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

33. Par ailleurs, indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité. S'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la nature et des implications des séquelles dont est atteint M. B... A... du fait des troubles vésico-sphinctériens, de porter de 1 500 à 5 000 euros la somme due par l'AP-HP au titre du préjudice d'impréparation et donc de réformer le jugement attaqué sur ce point. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 février 2020 et de la capitalisation des intérêts à compter du 28 février 2021 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

34. En second lieu, il résulte de l'instruction que M. B... A... a souscrit, auprès de la Banque Postale Prévoyance, un contrat d'assurance " garantie des accidents de la vie ", dont les clauses, produites au dossier par l'ONIAM, prévoient notamment, en cas d'accident médical ayant pour conséquence une incapacité permanente au moins égale à 10 %, une couverture des souffrances endurées, du déficit fonctionnel permanent et du préjudice esthétique, préjudices effectivement subis par l'intéressé comme il résulte de ce qui précède. Or, l'article L. 1142-17 du

code de la santé publique, applicable à l'indemnisation au titre de la solidarité nationale des accidents médicaux non fautifs, prévoit que l'indemnité à laquelle l'ONIAM est tenu est évaluée " déduction faite des prestations énumérées à l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, et plus généralement des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice ", parmi lesquels se trouvent les assureurs. Par suite, comme le soutient l'ONIAM, les indemnités reçues ou à percevoir de la Banque Postale Prévoyance au titre des trois postes susmentionnées doivent être déduites du préjudice indemnisable mis à sa charge au titre de la solidarité nationale, dès lors que le dommage subi par M. B... A... résulte d'un accident médical non fautif et que son déficit fonctionnel permanent a été évalué à 35 %. Si l'intéressé soutient n'avoir perçu aucune indemnisation de son assureur au titre de ces postes de préjudice, se prévalant notamment d'un courrier du 23 avril 2021 adressé par son conseil à la Banque Postale Prévoyance, ce dernier retranscrit un échange téléphonique au cours duquel la banque indique avoir refusé le versement de toute indemnité dans l'attente de l'évaluation des indemnités mises à la charge de l'AP-HP et de l'ONIAM. Sollicitée par la cour, la Banque Postale Prévoyance n'a pas répondu à une mesure d'instruction tendant à ce que soit indiquées les sommes éventuellement versées à son assuré. Dans ces conditions, compte tenu du caractère subsidiaire de l'intervention de l'ONIAM au titre de la solidarité nationale, des termes du contrat d'assurance souscrit par M. B... A..., qui prévoit, en son article 2.2.1, que l'offre définitive de la banque intervient après déduction des autres prestations à caractère indemnitaire réglées ou à régler au titre des mêmes préjudices de la part des organismes sociaux, des tiers payeurs, des autres régimes de prévoyance ou de tous autres organismes désignés aux articles 29 et 22 de la loi du 5 juillet 1958, ne visant pas les sommes versées par l'ONIAM, et de ce que les indemnités prévues au contrat d'assurance sont de ce fait contractuellement dues par la Banque Postale Prévoyance, il y a lieu de faire droit aux conclusions de l'ONIAM tendant à ce que le jugement attaqué soit réformé en tant qu'il a mis à sa charge une indemnisation au titre des souffrances endurées, du déficit fonctionnel permanent et du préjudice esthétique.

35. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la somme devant être mise à la charge de l'ONIAM s'élève à 3 656,40 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2020 et de la capitalisation des intérêts à compter du 26 octobre 2021 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

36. Enfin, il résulte des dispositions du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale que le montant de l'indemnité forfaitaire qu'elles instituent est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un plafond dont le montant est révisé chaque année par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget. Lorsque le plafond de l'indemnité forfaitaire de gestion est relevé entre le moment où la caisse présente ses conclusions tendant à ce qu'elle lui soit attribuée et le moment où le juge statue, la caisse n'a pas à actualiser le montant de ses conclusions, le droit à cette indemnité étant en outre attaché à l'action par laquelle la caisse obtient une indemnisation de ses débours, et non comme attaché à chaque instance juridictionnelle. Il y a lieu par suite de porter de 1 162 euros à 1 191 euros, en application de l'arrêté du 18 décembre 2023 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2024, la somme à laquelle les premiers juges ont condamné

l'AP-HP à ce titre.

37. Il résulte de tout ce qui précède que l'ONIAM est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris l'a condamné à verser à M. B... A... la somme totale de 34 112,8 euros assortie des intérêts au taux légal, que ce jugement doit être annulé en tant qu'il a condamné l'ONIAM à indemniser M. B... A... au titre des souffrances endurées, du déficit fonctionnel permanent et du préjudice esthétique, que les

condamnations respectives de l'AP-HP et de l'ONIAM doivent être fixées aux montants indiqués aux points 31 à 36 du présent arrêt, et que le surplus des demandes principales des parties doit être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

38. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'AP-HP, qui doit être regardée comme la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme de 1 500 euros chacun à M. B... A... et à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2004262, 2017564/6-1 du 10 mars 2023 du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a condamné l'ONIAM à indemniser M. B... A... au titre des souffrances endurées, du déficit fonctionnel permanent et du préjudice esthétique.

Article 2 : L'AP-HP versera à M. B... A... la somme totale de 73 225,60 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 février 2020 et de la capitalisation des intérêts compter du 28 février 2021 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 3 : L'ONIAM versera à M. B... A... la somme totale de 3 656,40 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2020 et de la capitalisation des intérêts à compter du 26 octobre 2021 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 4 : L'AP-HP versera à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris la somme totale de 115 616,16 euros, ainsi qu'une rente annuelle d'un montant maximal de 7 869,74 euros. Ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2021 à hauteur des sommes correspondant aux prestations versées dans l'intérêt de M. B... A... à cette date, et à compter de leur versement pour les prestations ultérieures, ainsi que de la capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle.

Article 5 : La somme mentionnée à l'article 4 du jugement n° 2004262, 2017564/6-1 du 10 mars 2023 du tribunal administratif de Paris est portée à 1 191 euros.

Article 6 : L'AP-HP versera à M. B... A... et à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris la somme de 1 500 euros chacun en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 8 : Le jugement n° 2004262, 2017564/6-1 du 10 mars 2023 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, à M. E... B... A... et à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juillet 2024.

La rapporteure,

G. C...Le président,

I. LUBEN

La greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 23PA01839, 23PA02017, 23PA02075


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01839
Date de la décision : 29/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : INTER-BARREAUX JRF AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-29;23pa01839 ?
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