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29/07/2024 | FRANCE | N°23PA03117

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 3ème chambre, 29 juillet 2024, 23PA03117


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association Sites et Monuments, l'association pour la protection du patrimoine et de l'environnement à Jouars-Pontchartrain, l'association Jonction d'associations de défense de l'environnement, l'association pour Chennevières, l'association de défense de l'environnement d'Ergal et l'association chartripontaine de sauvegarde de l'environnement et de la biodiversité ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 août 2021 par lequel le préfet de la r

gion d'Île-de-France a inscrit au titre des monuments historiques plusieurs parties ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Sites et Monuments, l'association pour la protection du patrimoine et de l'environnement à Jouars-Pontchartrain, l'association Jonction d'associations de défense de l'environnement, l'association pour Chennevières, l'association de défense de l'environnement d'Ergal et l'association chartripontaine de sauvegarde de l'environnement et de la biodiversité ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 août 2021 par lequel le préfet de la région d'Île-de-France a inscrit au titre des monuments historiques plusieurs parties du château et des ouvrages bâtis dans le domaine de Pontchartrain, ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux contre cet arrêté.

Par un jugement n° 2204122/5-3 du 17 mai 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 mai 2023, l'association Sites et Monuments et autres, représentés par Me Monamy, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 17 mai 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 19 août 2021 et la décision implicite rejetant leur recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de l'État et de l'association syndicale libre (ASL) Phélypeaux la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'elles n'avaient pas intérêt à agir contre l'arrêté contesté et a rejeté leur demande comme irrecevable ;

- la décision contestée étant en rapport direct avec leur objet statutaire, notamment la préservation du patrimoine historique, et ayant un effet sur un territoire couvert par leur champ d'action territorial, elles ont intérêt à en demander l'annulation, alors même que la mesure apparaît favorable à la cause qu'elles défendent ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 621-25 du code du patrimoine ; l'orangerie et la maison du jardinier du domaine de Pontchartrain, inscrits au titre des monuments historiques par l'arrêté du préfet de la région d'Île-de-France du 19 août 2021, ne pouvaient pas, compte tenu de leur état de ruine à cette date, et de ce que leur réhabilitation ne peut prendre la forme que d'une reconstruction non à l'identique, bénéficier d'une telle mesure de protection ; leur réhabilitation sera d'une importance telle qu'ils ne pourront plus être regardés comme présentant un intérêt d'art et d'histoire suffisant pour justifier leur inscription ;

- cet arrêté est entaché de détournement de pouvoir, dès lors qu'il a été pris dans le seul but d'étendre le champ de la vente à la découpe défiscalisée à la totalité du domaine.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 juin 2024, la ministre de la culture conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- les associations requérantes ne justifient pas de leur intérêt à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 19 août 2021, tant au regard de leur objet statutaire que des effets de la décision contestée sur les intérêts qu'elles défendent ;

- les moyens soulevés par les associations requérantes ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du patrimoine,

- le code de l'environnement,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique,

- les observations de Me Lacoste, représentant l'association Sites et Monuments et autres,

- et les observations de M. B..., représentant la ministre de la culture.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 13 novembre 1969, le ministre d'État chargé des affaires culturelles a inscrit sur l'inventaire supplémentaire des monuments historiques les façades et toitures des communs et du château de Pontchartrain, situé à Jouars-Pontchartrain (Yvelines) ainsi que, à l'intérieur de l'aile basse gauche et dans le pavillon à décrochement qui la prolonge, la grande galerie, le salon à plan tréflé et la rampe d'escalier du XVIIIe siècle. Par un arrêté du 14 décembre 1979, les ministres de l'environnement et du cadre de vie, et de la culture et de la communication, ont classé monuments historiques la grille d'entrée, les façades et les toitures du château et des communs, la grande galerie et le salon à plan tréflé avec leur décor dans l'aile basse à gauche et dans le pavillon qui la prolonge, ainsi que l'ancien parc ordonnancé du château.

2. Par un courrier du 3 décembre 2020, la société Histoire et Patrimoine, propriétaire des lieux depuis 2018 et souhaitant restaurer le château, a fait part à la direction régionale des affaires culturelles d'Île-de-France de son souhait d'étendre la protection aux façades et toitures des bâtiments complétant le parc, à savoir l'orangerie, la maison du pêcheur, la maison du jardinier et la maison du gardien, à la chapelle et au jardin d'hiver, aux deux salons situés dans la continuité de celui déjà protégé à l'angle avant de la galerie du rez-de-chaussée (aile sud du château), à la rampe du XVIIe siècle alors située au rez-de-chaussée dans la partie ouest du corps principal (la protection devant porter sur son nouvel emplacement après mise en œuvre du projet de la société), ainsi qu'à l'escalier et sa rampe, sur les trois niveaux, situés dans l'aile gauche du château. Après un avis favorable de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture du 23 mars 2021, le préfet de la région d'Île-de-France a, par un arrêté du 19 août 2021, inscrit ces éléments au titre des monuments historiques. Par un courrier du 14 octobre 2021, reçu le 18 octobre 2021, la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF, devenue l'association Sites et Monuments), l'association pour la protection du patrimoine et de l'environnement à Jouars-Pontchartrain, l'association " Jonction d'associations de défense de l'environnement ", l'association pour Chennevières, l'association de défense de l'environnement d'Ergal et l'association chartripontaine de sauvegarde de l'environnement et de la biodiversité, ont formé un recours gracieux contre cet arrêté, qui a été implicitement rejeté le 18 décembre 2021. Ces associations relèvent appel du jugement du 17 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté comme irrecevable leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 19 août 2021 et la décision implicite de rejet du 18 décembre 2021.

3. Il ressort des pièces du dossier que la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, devenue l'association Sites et Monuments, a pour but notamment d'empêcher que les sites naturels ou urbains qui font la beauté du visage de la France, ne soient dégradés ou détruits par des spéculations, des industries, des constructions, des travaux publics, connus, installés, exécutés sans aucun souci de l'aspect de la région et des intérêts matériels mêmes qui sont attachés à cet aspect, de favoriser la connaissance des beautés naturelles et architecturales du pays, de dénoncer à l'opinion publique tout acte de vandalisme qui pourrait leur porter atteinte et d'entreprendre toutes études artistiques, scientifiques ou juridiques susceptibles de la protéger. Cette association est agréée au titre de la protection de l'environnement, dans le cadre national, en application des dispositions de l'article L. 141-1 du code de l'environnement, et entre par suite dans le champ des dispositions de l'article L. 142-1 du même code en vertu desquelles l'association justifie en cette qualité, " d'un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec [son] objet et [ses] activités

statutaires et produisant des effets dommageables pour l'environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel [elle] bénéfici[e] de l'agrément ". Par ailleurs, l'association pour la protection du patrimoine et de l'environnement à Jouars-Pontchartrain a pour objet de protéger, préserver et valoriser les patrimoines naturels, historiques et forestiers de la commune de Jouars-Pontchartrain et de ses alentours, de protéger le cadre de vie des Chartripontains, d'intervenir sur tous sujets concernant l'environnement, le patrimoine et l'urbanisme dans la commune, la communauté de communes à laquelle elle appartient et les communes voisines, de mettre en œuvre tous moyens et toutes mesures concourant à la protection de l'intérêt collectif ou individuel de ses adhérents. Quant à l'association " Jonction d'associations de défense de l'environnement ", agréée au titre de la protection de l'environnement dans le cadre départemental au titre de l'article L. 141-1 du code de l'environnement, elle a pour objet, sur le territoire de la communauté de communes où est situé son siège social et des communautés de communes limitrophes, la protection de l'environnement en participant notamment à la concertation sur les projets d'urbanisation et d'infrastructures et aux travaux et actions afin d'assurer la pérennité d'une agriculture respectueuse de l'environnement, la sauvegarde du patrimoine architectural et archéologique maintenu dans son cadre rural et la participation au bien-être des habitants du territoire sur lequel elle agit. S'agissant de l'association pour Chennevières, elle a pour objet la protection du cadre de vie des habitants contre la pollution visuelle, phonique et autre, de tout projet pouvant nuire à l'environnement, à la tranquillité publique et à la santé publique et intervient sur tous sujets concernant l'environnement, le patrimoine et l'urbanisme sur le territoire de la commune de Pontchartrain et de la communauté de communes et met en œuvre tous les moyens concourant à la protection de l'intérêt collectif ou individuel de ses adhérents. L'association de défense de l'environnement d'Ergal a pour but la préservation du caractère rural du hameau d'Ergal et plus généralement de la commune de Jouars-Pontchartrain ainsi que des sites naturels jouxtant la commune, notamment les espaces de la plaine de Jouars-Pontchartrain et les massifs forestiers environnants, la lutte contre les nuisances et les pollutions, contre toute forme d'atteinte à l'environnement et à la qualité de la vie, la sauvegarde du patrimoine naturel, historique et bâti de Jouars-Pontchartrain et des communes limitrophes, la préservation de la flore et de la faune ainsi que le caractère agricole ou naturel des sites concernés en s'opposant à toute occupation du sol incompatible avec ce caractère et toute opération d'urbanisme pouvant y porter atteinte. Enfin, l'association chartripontaine de sauvegarde de l'environnement rural et de la biodiversité a pour objet la protection, la sauvegarde, l'amélioration de l'environnement, de la biodiversité et la préservation de la qualité de vie et du patrimoine.

4. L'arrêté du 19 août 2021 du préfet de la région d'Île-de-France portant inscription au titre des monuments historiques, dont les associations susmentionnées ont demandé l'annulation devant le tribunal administratif de Paris, a pour objet d'instituer une servitude de protection portant sur différents éléments non encore protégés du château et des ouvrages bâtis du domaine de Pontchartrain, en application des dispositions du livre VI du code du patrimoine relatives aux monuments historiques, aux sites patrimoniaux remarquables et à la qualité architecturale. Cette mesure entre ainsi, par son objet, dans l'objet statutaire des six associations appelantes, alors même qu'elle peut apparaître favorable à la cause qu'elles défendent. Il s'ensuit qu'elles justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir contre cet arrêté.

5. Il résulte de ce qui précède que les associations appelantes sont fondées à soutenir que le tribunal administratif de Paris a entaché d'irrégularité le jugement du 17 mai 2023 en rejetant leur demande comme irrecevable au motif qu'elles ne justifiaient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour demander l'annulation de l'arrêté du 19 août 2021.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Paris et de mettre à la charge de l'État le versement de la somme globale de 1 500 euros aux associations appelantes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2204122/5-3 du 17 mai 2023 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Paris.

Article 3 : L'État versera la somme globale de 1 500 euros à l'association Sites et Monuments et autres au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Sites et Monuments, à l'association pour la protection du patrimoine et de l'environnement à Jouars-Pontchartrain, à l'association Jonction d'associations de défense de l'environnement, à l'association pour Chennevières, à l'association de défense de l'environnement d'Ergal, à l'association chartripontaine de sauvegarde de l'environnement et de la biodiversité et à la ministre de la culture.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juillet 2024.

La rapporteure,

G. A...Le président,

I. LUBEN

La greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne à la ministre de la culture, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA03117


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03117
Date de la décision : 29/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : MONAMY

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-29;23pa03117 ?
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