Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Calédonienne des eaux (CDE) a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge et la restitution des cotisations de contribution foncière qu'elle a acquittées au titre des années 2018, 2019, 2020 et 2021 à hauteur, respectivement, de 7 407 791 francs CFP pour 2018 et de 9 148 703 francs CFP pour chacune des trois années suivantes.
Par un jugement n° 2100368 du 25 octobre 2022, le tribunal administratif de
Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Sous le n° 22PA05428 :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 21 décembre 2022, 28 février 2023 et 7 novembre 2023, la SAS CDE, représentée par Me Louzier, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 25 octobre 2022 du tribunal administratif de
Nouvelle-Calédonie ;
2°) de prononcer la décharge et la restitution des cotisations de contribution foncière qu'elle a acquittées au titre des années 2019 et 2020 ;
3°) de mettre à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie une somme de
400 000 francs CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
4°) de dire que l'arrêt est opposable à la commune de Nouméa.
Elle soutient que :
- les assises foncières des stations d'épuration sont la propriété de collectivités publiques ;
- les ouvrages sont nécessaires au fonctionnement du service public concédé ;
- la mise en œuvre de l'article 199 undecies B n'ôte pas aux stations d'épuration leur caractère de biens de retour ;
- elle n'est pas titulaire d'un bail à construction ;
- cette analyse est confirmée par la doctrine référencée BOI-BIC-RICI-20-10-10-20 n° 300 et 310 ;
- elle ne dispose pas de droits réels sur les biens taxés ;
- le droit de construire, le droit de disposer, et la mise en œuvre du mécanisme de défiscalisation ne créent pas de droits réels ;
- l'article L. 1311-5 du code des collectivités territoriales ne crée aucune présomption de droits réels résultant des autorisations d'occupation temporaire du domaine public ;
- il en est de même s'agissant de l'article LP 3 de la loi du 13 février 2007.
Les 22 mars et 7 décembre 2023, la commune de Nouméa, représentée par la société d'avocats Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, a présenté des mémoires en intervention au soutien des conclusions de la société CDE.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce que les premiers juges ont de manière prétorienne constaté l'existence de droits réels, ont insuffisamment motivé cette constatation, en contradiction avec les termes mêmes des conventions d'occupation du service public ;
- l'article 162 du code des impôts ne désigne pas le titulaire de droits réels comme redevable de la contribution foncière ;
- l'article 1400 du code général des impôts est inapplicable en Nouvelle-Calédonie et l'est en tout état de cause en absence de mutation cadastrale ;
- la société CDE ne peut être le redevable légal de la contribution foncière laquelle incombe à la commune en application de l'article 50 du cahier des charges de la convention de délégation de service public ;
- les conventions d'occupation temporaire du 18 mars 2010 portant sur le domaine public communal et du 11 octobre 2012 portant sur le domaine public maritime provincial ne sont pas constitutives de droits réels ;
- la société CDE, qui n'est pas titulaire d'un bail à construction, ne dispose d'aucun droit réel au titre de preneur à bail ;
- la solution retenue par le tribunal administratif introduirait une rupture d'égalité devant les charges publiques entre les délégataires ultramarins et les délégataires métropolitains ;
- les ouvrages ont été versés au périmètre affermé de la délégation de service public par procès-verbaux du 20 janvier 2016 et la sortie de l'opération de défiscalisation a replacé les différents acteurs dans la situation légale qui existait antérieurement à l'opération ;
- la commune de Nouméa est exonérée en application de l'article LP 163 du code des impôts ;
- les montants de taxe sont discutables et révèlent des écarts injustifiés.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 octobre 2023, le gouvernement de la
Nouvelle-Calédonie, représenté par le Cabinet Buk Lament-Robillot, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société requérante de la somme de 4 500 euros le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 22 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 8 décembre 2023.
Un mémoire a été présenté le 2 septembre 2024 par la Commune de Nouméa.
Sous le n°23PA00345 :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 25 janvier, 28 février, 27 novembre 2023 et 6 septembre 2024, la commune de Nouméa, représentée par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 25 octobre 2022 du tribunal administratif de
Nouvelle-Calédonie ;
2°) de prononcer la décharge et la restitution des cotisations de contribution foncière qu'elle a acquittées par la société Calédonienne des eaux au titre des années 2018, 2019, 2020 et 2021 ;
3°) de mettre à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué lui fait grief ;
- elle a qualité pour faire appel de ce jugement ;
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- le mémoire du 15 mars 2022 du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ne lui a pas été communiqué alors que le jugement se fonde dessus ;
- le jugement n'a pas statué sur le montant des cotisations ;
- le jugement a fait implicitement application des dispositions du II de l'article 1400 du code général des impôts non applicables à l'espèce ;
- l'article 162 du code des impôts exclut l'imposition du bénéficiaire de droits réels au titre d'un droit d'occupation temporaire ;
- les conventions d'occupation temporaire n'ont pas créé de droits réels au profit de la société CDE ;
- la société CDE ne disposait pas de droits réels en sa qualité de preneur à bail ;
- la commune de Nouméa a retrouvé la propriété des biens à l'expiration des baux ;
- elle est exonérée en application de l'article LP. 163 du code des impôts ;
- la solution retenue par le tribunal administratif, si elle était confirmée, introduirait une rupture d'égalité devant les charges publiques entre les délégataires ultramarins et les délégataires métropolitains ;
- les ouvrages ont été versés au périmètre affermé de la délégation de service public par procès-verbaux du 20 janvier 2016 et la sortie de l'opération de défiscalisation a replacé les différents acteurs dans la situation légale qui existait antérieurement à l'opération ;
- les montants de taxe sont discutables et révèlent des écarts injustifiés ;
- le montant de la contribution foncière de la station d'épuration Magenta a été déterminé sans distinguer entre l'outillage fixe et les autres constructions ;
- s'agissant de la station d'épuration James Cook, la valeur de 500 260 673 francs CFP est erronée ;
- la base d'imposition de la station James Cook doit être estimée sur la base du prix de revient réel des équipements fixes ;
- certains équipements ont été, en ce qui concerne les deux stations, considérés à tort comme de l'outillage fixe.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 octobre 2023, le gouvernement de la
Nouvelle-Calédonie, représenté par le Cabinet Buk Lament-Robillot, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Nouméa de la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête d'appel de la commune de Nouméa est irrecevable ;
- les moyens soulevés par la commune de Nouméa ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées le 17 juillet 2024, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que l'intervenant ne peut pas soulever, postérieurement à l'expiration du délai de recours, de moyens relatifs à la régularité du jugement attaqué, moyens qui ne procèdent pas de la même cause juridique que celle dont procèdent les moyens de la société requérante.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;
- la loi du pays n° 2001-017 du 11 janvier 2002 ;
- le code des impôts de la Nouvelle-Calédonie ;
- le code de justice administrative dans sa rédaction applicable en Nouvelle-Calédonie.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public,
- et les observations de Me Robillot pour le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et de Me Combes pour la commune de Nouméa.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Nouméa a décidé de déléguer le service public de l'assainissement à la société par actions simplifiée (SAS) Calédonienne des eaux (CDE), par contrat du 15 décembre 2008, aux termes duquel cette société devait construire deux stations d'épuration et un réseau collecteur et s'engageait à avoir recours à un dispositif d'aide fiscale à l'investissement outre-mer pour financer ces projets. Par deux conventions d'occupation temporaire, conclues les 18 mars 2010 et 12 novembre 2012, la commune de Nouméa a autorisé l'utilisation de dépendances du domaine public communal et du domaine public maritime provincial transféré en gestion à la commune de Nouméa, aux fins de réalisation de ces deux stations d'épuration. La SAS CDE a construit, en bénéficiant du dispositif prévu à l'article 199 undecies B du code général des impôts, deux stations d'épuration qu'elle a ensuite cédées à deux sociétés de portage financier, la SNC EDC, par un acte de vente du 5 novembre 2012 et la SAS STEP IMMO 2012, par un acte de vente du 31 décembre 2012, ces dernières les ayant à ces mêmes dates données à bail pour une durée de cinq ans à la SAS CDE aux fins d'exploitation du service public d'assainissement. Au terme de cette période, les stations d'épuration ont été rachetées par la SAS CDE, par actes de vente des 29 décembre 2017 et 27 décembre 2018. Estimant être en droit de bénéficier de l'exonération de sa contribution foncière, la SAS CDE a demandé à l'administration fiscale, par courrier du 25 novembre 2020, le remboursement et la décharge des cotisations de contribution foncière qu'elle a acquittées au titre des années 2016, 2017, 2018, 2019 et 2020. Sa réclamation a été rejetée par une décision du 23 août 2021. La société CDE et la commune de Nouméa, par deux requêtes distinctes, relèvent appel du jugement du 25 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de
Nouvelle-Calédonie a refusé de prononcer la décharge et la restitution de ces impositions. Ces deux requêtes étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.
Sur la requête de la commune de Nouméa :
2. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance ".
3. Si la commune de Nouméa a été invitée par le tribunal administratif de
Nouvelle-Calédonie à présenter des observations sur la demande de la SAS CDE tendant à la décharge des impositions mentionnées au point 1, elle n'aurait pas eu qualité pour former tierce opposition contre le jugement du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie rejetant cette demande, lequel ne préjudicie pas à ses droits dès lorsqu'elle n'est pas redevable des impositions en litige, qu'elle n'est pas solidairement responsable de leur paiement, qu'elle n'a pas été mise en demeure de procéder à ce paiement par l'administration fiscale et qu'aucune disposition ou stipulation ne l'engage directement à ce paiement à l'égard de ladite administration. La circonstance que, dans l'hypothèse où les premiers juges auraient fait droit à la demande de la société CDE, ils auraient pu être conduits à qualifier la commune de Nouméa comme redevable légal de la taxe litigieuse et à mettre ladite taxe à sa charge, ne peut être utilement invoquée dès lors qu'en tout état de cause ils se sont bornés, par le jugement attaqué, à rejeter la demande qui leur était soumise. Les premiers juges n'ont en outre pas déclaré le jugement commun à la commune de Nouméa. Ainsi, et alors même que l'article 50 du cahier des charges de la convention de délégation de service public prévoit que " les impôts relatifs aux immeubles du service et, notamment les impôts fonciers, sont à la charge de la Collectivité ", que l'application de cet article pourrait donner lieu à un litige distinct devant la juridiction administrative, litige dans le cadre duquel les décisions rendues dans la présente procédure contentieuse, si elles reconnaissent à la société CDE des droits réels sur les constructions en cause, ne seraient pas revêtues de l'autorité de la chose jugée, que la société CDE avait demandé que le jugement soit commun à la commune de Nouméa, et quelles que soient les formulations du courrier par lequel l'intervention de cette dernière a été sollicitée, la commune de Nouméa n'avait pas la qualité de partie en première instance dans ce litige. La requête d'appel de la commune de Nouméa est par suite irrecevable et ne peut qu'être rejetée, y compris les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie tendant à l'application de cet article.
Sur la requête de la société CDE :
En ce qui concerne l'intervention de la commune de Nouméa :
4. Il résulte de l'instruction que l'article 50 du cahier des charges de la convention de délégation de service public prévoit que " les impôts relatifs aux immeubles du service et, notamment les impôts fonciers, sont à la charge de la Collectivité ". La commune de Nouméa doit dès lors être regardée comme justifiant d'un intérêt suffisant à l'annulation du jugement attaqué et à la décharge des impositions mises à la charge de la société CDE. Son intervention doit dès lors être admise.
5. Toutefois les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué, tirés d'une cause juridique distincte de celle soulevée par la société requérante dans le délai d'appel, ne peuvent être valablement soulevés devant la Cour.
En ce qui concerne les conclusions aux fins de décharge d'imposition :
6. En premier lieu, aux termes de l'article 160 du code des impôts de la
Nouvelle-Calédonie : " La contribution foncière des propriétés bâties est établie, sauf exemption prévue par le présent titre, sur toutes les constructions fixées au sol à perpétuelle demeure, ainsi que sur l'outillage fixe des établissements industriels, et toutes installations commerciales ou industrielles assimilables à des constructions ". Aux termes de l'article 162 du même code : " La contribution foncière est établie pour l'année entière sans possibilité de fractionnement, d'après les faits existant au 1er janvier de l'année d'imposition, au nom du propriétaire ou usufruitier du terrain ou de la construction, même édifiée sur sol d'autrui, de l'emphytéote, ou du preneur à bail à construction ou assimilé ". Aux termes de l'article LP. 163 du même code : " Sont exonérés à titre permanent de la contribution foncière : 1) les propriétés de l'Etat, de la Nouvelle-Calédonie, des communes affectées à un service public ou d'utilité générale et non productives de revenus (...) ". Enfin, aux termes de l'article 32 de la loi du pays du 11 janvier 2002 portant sur le domaine public maritime de la Nouvelle-Calédonie et des provinces : " Dans le cadre de projets économiques nécessitant un investissement important, les autorisations d'occupation temporaire délivrées sur le domaine public maritime artificiel et sur la zone des pas géométriques peuvent conférer au titulaire un droit réel sur la parcelle de domaine public dont l'occupation est autorisée ainsi que sur les ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier réalisés pour l'exercice de l'activité autorisée par le titre d'occupation. Les autorisations d'occupation temporaire délivrées sur le rivage et le sol des eaux intérieures pour la réalisation de fermes aquacoles ou de complexes touristiques peuvent également conférer un droit réel aux titulaires. Ce droit donne à son titulaire, pour la durée et dans les conditions et limites précisées aux articles suivants, les prérogatives et obligations du propriétaire ".
7. Dans le cadre d'une délégation de service public ou d'une concession de travaux mettant à la charge du cocontractant les investissements correspondant à la création ou à l'acquisition des biens nécessaires au fonctionnement du service public, l'ensemble de ces biens, meubles ou immeubles, appartient, dans le silence de la convention, dès leur réalisation ou leur acquisition à la personne publique.
8. Lorsque des ouvrages nécessaires au fonctionnement du service public, et ainsi constitutifs d'aménagements indispensables à l'exécution des missions de ce service, sont établis sur la propriété d'une personne publique, ils relèvent de ce fait du régime de la domanialité publique. La faculté offerte aux parties au contrat d'en disposer autrement s'exerce, en ce qui concerne les droits réels dont peut bénéficier le cocontractant sur le domaine public, en tenant compte des règles définies par la loi du pays n° 2002-17 du 11 janvier 2002 sur le domaine public maritime de la Nouvelle-Calédonie et des provinces et la loi du pays n° 2007-2 du 13 février 2007 relative aux occupations constitutives de droits réels sur le domaine public de la
Nouvelle-Calédonie, des provinces et de leurs établissements publics, modifiée par la loi du pays n° 2012-6 du 5 septembre 2012 comportant des dispositions spécifiques sur la constitution de droits réels sur le domaine public de la Nouvelle-Calédonie et des provinces, et à condition que la nature et l'usage des droits consentis ne soient pas susceptibles d'affecter la continuité du service public.
9. Le contrat peut attribuer au délégataire ou au concessionnaire, pour la durée de la convention, la propriété des ouvrages qui, bien que nécessaires au fonctionnement du service public, ne sont pas établis sur la propriété d'une personne publique, ou des droits réels sur ces biens, sous réserve de comporter les garanties propres à assurer la continuité du service public, notamment la faculté pour la personne publique de s'opposer à la cession, en cours de délégation, de ces ouvrages ou des droits détenus par la personne privée.
10. Il résulte de l'instruction que l'ensemble immobilier, constitutif d'aménagements indispensables à l'exécution des missions du service public d'assainissement, et à raison duquel la SAS CDE a été assujettie à la taxe foncière sur les propriétés bâties, a été édifié pour partie sur une parcelle située à Magenta sur le domaine public maritime en exécution de la convention d'occupation temporaire signée le 11 octobre 2012 et pour partie sur une parcelle située avenue James Cook sur le domaine public de la commune de Nouméa en exécution de la convention d'occupation temporaire signée le 18 mars 2010, pour la construction et l'exploitation de deux stations d'épuration et de leur réseau collecteur ainsi que pour l'établissement et l'exploitation de leur outillage public. Les cahiers des charges prévoyaient le financement des deux stations d'épuration par le mécanisme d'investissements outre-mer prévu par l'article 199 undecies B du code général des impôts métropolitain. L'opération de construction immobilière des stations d'épuration a ainsi été financée par deux sociétés de portage, la SNC EDC et la SAS STEP IMMO 2012, avec pour conséquence la vente par la SAS CDE des stations d'épuration et de leur équipement dès leur achèvement à ces deux sociétés de portage par actes de vente du 5 novembre et 31 décembre 2012, suivie de la mise à disposition à la SAS CDE de ces biens par ces mêmes sociétés de portage dans le cadre d'un montage locatif, puis de la vente de ces mêmes biens par ces sociétés de portage à la SAS CDE par actes de vente des 29 décembre 2017 et 27 décembre 2018. Il était précisé en outre dans les conventions d'occupation temporaire qu'à la cessation de l'autorisation d'occupation, la commune de Nouméa deviendra propriétaire de ces biens de plein droit. Il résulte de ce qui vient d'être dit, et alors même que l'article 199 undecies B n'impliquerait pas nécessairement la possession de droits réels par le concessionnaire, que les conventions d'autorisation d'occupation temporaire ont entendu créer des droits réels au profit du bénéficiaire de l'autorisation d'occupation temporaire sur les biens immobiliers pendant la durée de la convention. La circonstance que la sortie de l'opération de défiscalisation a replacé les différents acteurs dans la situation légale qui existait antérieurement à l'opération n'est pas de nature à remettre en cause l'existence et la consistance de ces droits réels, qui ont permis ladite opération. La société CDE était, par suite, redevable de la taxe foncière sur les propriétés bâties, au sens et en application de l'article 162 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, alors même qu'elle n'a pas bénéficié d'un bail à construction ni de droits réels procédant de sa seule qualité de preneur à bail et sans qu'elle puisse utilement se prévaloir des dispositions de l'article 3 de la loi de pays du 13 février 2007, laquelle conditionne le bénéfice d'un droit réel à une autorisation expresse accordée au titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public, cette loi ne s'appliquant, aux termes de son article 1er, qu' " au domaine public artificiel de la Nouvelle-Calédonie, des provinces et de leurs établissements publics, à l'exclusion du domaine public maritime artificiel qui demeure régi par les dispositions de la loi du pays n° 2001-017 du 11 janvier 2002 sur le domaine public maritime de la Nouvelle-Calédonie et des provinces ". Les circonstances que l'article 50 de la délégation de service public ait prévu de mettre cette contribution à la charge de la commune de Nouméa, que les ouvrages doivent devenir la propriété de la commune à l'expiration du bail, et que les ouvrages ont été versés au périmètre affermé de la délégation de service public par
procès-verbaux du 20 janvier 2016 sont sans effet sur la qualité de redevable de cette contribution par la SAS CDE. L'imposition trouvant son fondement dans l'application de l'article 162 du code des impôts, le moyen tiré de ce que l'article 1400 du code général des impôts est inapplicable en Nouvelle-Calédonie et ne saurait en tout état de cause recevoir application en absence de mutation cadastrale est inopérant. La doctrine référencée BOI-BIC-RICI-20-10-10-20 n° 300 et 310 relative à l'application en métropole des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts ne peut en tout état de cause être valablement invoquée par la société requérante qui n'a pas été imposée sur le fondement de ces dispositions.
11. En deuxième lieu, l'imposition trouvant son origine dans l'application de la loi fiscale, le moyen tiré de ce qu'elle entrainerait une discrimination entre délégataires ultramarins et délégataires métropolitains, ne saurait être valablement invoqué en absence d'un mémoire distinct soulevant une question prioritaire de constitutionnalité.
12. En troisième lieu, en se bornant à faire valoir que le montant des impositions serait " discutable " et qu'il y aurait des différences inexpliquées entre les impositions des différentes constructions eu égard à leurs coûts de construction et à leur caractéristiques techniques, la commune de Nouméa, qui n'a assorti avant la clôture de l'instruction ses observations en intervention d'aucune précision permettant de constater que les bases d'imposition de l'une ou l'autre des constructions seraient exagérées, ne met pas la cour en mesure d'apprécier le bien-fondé et la portée de son moyen.
13. Enfin, la société CDE étant le redevable légal des impositions en cause, les moyens relatifs à l'exonération dont pourrait se prévaloir la commune de Nouméa sont en tout état de cause inopérants.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS CDE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de la requête présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Il n'appartient pas au juge de l'impôt de déclarer opposable à un tiers la décision qu'il rend sur la demande en décharge d'impositions présentée par un contribuable.
DECIDE :
Article 1er : L'intervention de la commune de Nouméa dans la requête 22PA05428 est admise.
Article 2 : Les requêtes de la société par actions simplifiée Calédonienne des eaux et de la commune de Nouméa sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Calédonienne des eaux, au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et à la commune de Nouméa.
Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 18 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Vidal, présidente de chambre,
- Mme Bories, présidente assesseure,
- M. Magnard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 octobre 2024.
Le rapporteur,
F. MAGNARD
La présidente,
S. VIDAL
La greffière,
C. ABDI-OUAMRANE
La République mande et ordonne au ministre auprès du Premier ministre, chargé des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Nos 22PA05428, 23PA00345 2