Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 25 mars 2021 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé sa nomination en qualité de stagiaire dans le corps des directeurs de la protection judiciaire de la jeunesse.
Par un jugement n° 2110563 du 10 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 3 janvier et 24 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Daïmallah, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 25 mars 2021 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé sa nomination en qualité de stagiaire dans le corps des directeurs de la protection judiciaire de la jeunesse ;
3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de le nommer en qualité de directeur de la protection judiciaire de la jeunesse stagiaire et de l'intégrer à l'école nationale de protection judiciaire de la jeunesse dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ;
- la décision contestée est entachée d'incompétence de son auteur ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un vice de procédure à défaut d'avoir été prise à l'issue d'une procédure contradictoire préalable et faute d'avoir été mis à même d'obtenir la communication de son dossier en méconnaissance de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ;
- les moyens se rattachant à la légalité interne de la décision contestée invoqués en première instance sont recevables ;
- elle est illégale à raison de l'illégalité de la décision de révocation du 11 janvier 2021 qui a repris les motifs d'une précédente sanction de révocation qui avait été annulée par le juge administratif, repose sur des faits prescrits ou est entachée d'inexactitude matérielle des faits, retient à tort la faute tenant à l'atteinte au crédit et au renom de la police nationale et est disproportionnée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'administration ne démontre pas que les faits qui lui sont reprochés et qui ont donné lieu à sa révocation le 11 janvier 2021 seraient incompatibles avec les fonctions de directeur des services de la protection judiciaire de la jeunesse.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par un courrier du 5 septembre 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que les moyens de légalité interne dirigés contre la décision attaquée sont fondés sur une cause juridique distincte de celle soulevée en première instance, et sont donc nouveaux en cause d'appel et, par suite, irrecevables.
Par un mémoire, enregistré le 10 septembre 2024, M. A..., représenté par Me Daïmallah, a répondu au moyen relevé d'office qui lui avait été communiqué en soutenant qu'il a soulevé des moyens de légalité interne dans sa requête introductive d'instance présentée devant les premiers juges.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement ;
- l'arrêté du 9 juillet 2008 fixant l'organisation en sous-directions de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dubois ;
- les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Daïmallah pour M. A....
Une note en délibéré présentée pour M. A... par Me Daïmallah a été enregistrée le 18 septembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., brigadier au sein de la police nationale, a, par une décision du directeur général de la police nationale du 11 janvier 2021, été révoqué de ses fonctions. Par un arrêté du 18 janvier 2021, l'intéressé a été admis au concours interne des directeurs de la protection judiciaire de la jeunesse. Après que la préfecture de police de Paris a informé le ministère de la justice du prononcé de la sanction disciplinaire de révocation ainsi que des faits sur lesquels elle se fonde, la sous-directrice des ressources humaines et des relations sociales de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, par une décision du 25 mars 2021, a refusé de nommer M. A... en qualité de stagiaire dans le corps des directeurs de service de la protection judiciaire de la jeunesse. M. A... fait appel du jugement du 10 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 : " Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté ".
3. A la date de la décision attaquée, M. A..., qui avait été révoqué de ses fonctions de brigadier au sein de la police nationale, n'avait plus la qualité de fonctionnaire. Il en résulte que, alors même qu'il s'était présenté au concours de directeur de la protection judiciaire de la jeunesse par la voie interne, les dispositions de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ne lui étaient pas applicables. Au demeurant, quand bien même le requérant avait été admis au concours interne de directeur des services de la protection judiciaire de la jeunesse, il ne disposait pas pour autant d'un droit à la nomination en qualité de stagiaire dans ce corps. Il en résulte que, alors même que la décision de ne pas nommer M. A... est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité de nomination sur le comportement adopté par l'intéressé dans l'exercice de fonctions antérieures et se trouve ainsi prise en considération de sa personne, elle n'est pas, dès lors qu'elle ne revêt pas davantage le caractère d'une sanction disciplinaire, au nombre des mesures qui ne peuvent légalement intervenir sans que l'intéressé ait été mis à même de prendre connaissance de son dossier. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que la décision en litige aurait méconnu les dispositions de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 faute pour M. A... d'avoir pu prendre connaissance de son dossier est inopérant. Par suite, les premiers juges, qui avaient préalablement visé ce moyen, n'étaient pas tenus d'y répondre, de sorte que le moyen tiré de ce que le jugement de première instance serait entaché d'omission à statuer doit être écarté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter de l'enregistrement de cet acte au recueil spécial mentionné à l'article L. 861-1 du code de la sécurité intérieure, lorsqu'il est fait application de cet article, ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / (...) 2° Les chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs, les chefs des services à compétence nationale mentionnés au deuxième alinéa de l'article 2 du décret du 9 mai 1997 susvisé ainsi que les hauts fonctionnaires et les hauts fonctionnaires adjoints mentionnés aux articles R. 1143-1 et R. 1143-2 du code de la défense (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 9 juillet 2008 fixant l'organisation en sous-directions de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse : " La direction de la protection judiciaire de la jeunesse comprend : / (...) la sous-direction des ressources humaines et des relations sociales (...) ". Aux termes de l'article 5 du même arrêté : " La sous-direction des ressources humaines et des relations sociales est chargée, en liaison avec le secrétariat général, d'élaborer, de conduire et d'évaluer les politiques de ressources humaines de la protection judiciaire de la jeunesse. Elle conduit une politique de dialogue social. Elle anime les politiques de formation en liaison avec l'Ecole nationale de la protection judiciaire de la jeunesse et participe à son conseil pédagogique. Elle élabore les textes statutaires et indemnitaires relatifs aux différents corps propres des personnels de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse. Elle assure la gestion des carrières incluant une gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences ainsi que la politique et la gestion des emplois fonctionnels. Elle autorise et coordonne les opérations de recrutement, d'affectation, de gestion administrative entre l'administration centrale et les services déconcentrés. Elle en assure la programmation. Elle assure le pilotage et la gestion des emplois et de la masse salariale ".
5. La décision en litige du 25 mars 2021 a été signée par Mme B... C..., sous-directrice des ressources humaines et des relations sociales à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse. Il résulte des dispositions précitées de l'arrêté du 9 juillet 2008 que cette sous-direction est notamment chargée de conduire les politiques des ressources humaines de la protection judiciaire de la jeunesse et les opérations de recrutement. Par ailleurs, en application des dispositions précitées du décret du 27 juillet 2005, Mme C..., dont l'acte portant renouvellement dans l'emploi de sous-directrice a été publié au journal officiel de la République française le 3 novembre 2020, peut signer au nom du ministre et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires de la sous-direction placée sous son autorité. Compte tenu de son objet, la décision en litige portant refus de nommer le requérant en qualité de stagiaire dans le corps des directeurs de service de la protection judiciaire de la jeunesse entre dans le champ des missions confiées à son signataire. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit ainsi être écarté.
6. En deuxième lieu, la décision en litige ne constitue pas une sanction et, dès lors que le requérant ne dispose d'aucun droit à être nommé en qualité de stagiaire dans le corps des directeurs de service de la protection judiciaire de la jeunesse à l'issue de sa réussite aux épreuves du concours interne, elle ne retire ou n'abroge aucune décision créatrice de droits ni ne refuse à l'intéressé un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui en remplissent les conditions légales pour l'obtenir. En conséquence, cette décision n'est pas au nombre de celles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Le moyen tiré de son insuffisance de motivation ne peut dès lors qu'être écarté comme inopérant.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ".
8. D'une part, quand bien même la décision en litige est prise en considération de la personne dès lors qu'elle se fonde sur les griefs qui ont justifié le prononcé de la sanction disciplinaire de la révocation, cette décision ne peut être regardée comme étant au nombre des décisions individuelles que mentionne l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration dès lors qu'elle a été prise en réponse à une demande de M. A... tendant à obtenir, après réussite aux épreuves du concours organisé à cet effet, son entrée dans le corps des directeurs de la protection judiciaire de la jeunesse. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté comme inopérant. Il en va de même, d'autre part, et ainsi qu'il a été dit au point 3 du présent arrêt, de la seconde branche du moyen relative à la méconnaissance des dispositions de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905.
9. En quatrième lieu, M. A... n'a soulevé dans le délai de recours contentieux devant le tribunal administratif de Paris que des moyens tirés de la légalité externe de la décision en litige, la partie de sa requête introductive d'instance intitulée " de la légalité interne " ne comportant aucun moyen se rattachant à cette cause juridique. S'il soutient que la décision contestée est illégale en raison de l'illégalité d'une précédente décision et qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, ces moyens, fondés sur une cause juridique distincte de celle soulevée en première instance avant l'expiration du délai de recours contentieux et qui ne sont pas d'ordre public, sont irrecevables en cause d'appel et ne peuvent, dès lors, qu'être écartés.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 mars 2021. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez, président de chambre,
- M. Delage président assesseur,
- M. Dubois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2024.
Le rapporteur,
J. DUBOIS
Le président,
A. BARTHEZ
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 23PA0002602