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23/10/2024 | FRANCE | N°23PA03210

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 23 octobre 2024, 23PA03210


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 1er juin 2022 par lequel le ministre de l'intérieur lui a infligé un blâme, d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de reconstituer sa carrière et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Par un jugement n° 2206679/5-2 et n° 2217462/5-2 du 1er juin 2023, le tribunal admini

stratif de Paris a rejeté sa demande.





Procédure devant la Cour :



Par une r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 1er juin 2022 par lequel le ministre de l'intérieur lui a infligé un blâme, d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de reconstituer sa carrière et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2206679/5-2 et n° 2217462/5-2 du 1er juin 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Béguin, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er juin 2023 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er juin 2022 lui infligeant un blâme ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er juin 2022 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le dossier administratif auquel il a eu accès n'était pas complet, ce qui caractérise un vice de procédure ;

- l'enquête administrative qui a conduit à la sanction litigieuse a été menée de manière irrégulière, en raison de l'imprécision de sa convocation à une audition, de l'absence de réponse à ses demandes d'actes, et de l'attitude partiale de sa hiérarchie à son égard ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;

- la sanction prononcée est disproportionnée ;

- il est victime de harcèlement moral de la part de sa hiérarchie.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 juin 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 800 euros soit mise à la charge du requérant sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Un mémoire en réplique a été produit pour M. B... le 5 septembre 2024 et n'a pas été communiqué.

Par une ordonnance du 7 août 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 septembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bories,

- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public,

- et les observations de Me Béguin, représentant M. B..., présent.

Une note en délibéré a été produite pour M. B... le 10 octobre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., capitaine de police, est affecté à la brigade de police secours de nuit du commissariat central du 16ème arrondissement de Paris depuis le 21 décembre 2020. Le 1er juin 2022, le ministre de l'intérieur a prononcé un blâme à son encontre. Par un jugement du 1er juin 2023, le tribunal administratif de Paris a notamment rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas été fait droit à ses conclusions d'annulation de l'arrêté ministériel du 1er juin 2022.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 532-4 du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes. L'administration doit l'informer de son droit à communication du dossier ". Aux termes de l'article 1er du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'État : " L'administration doit dans le cas où une procédure disciplinaire est engagée à l'encontre d'un fonctionnaire informer l'intéressé qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de tous les documents annexes et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. / Les pièces du dossier et les documents annexes doivent être numérotés ".

3. Il ressort des pièces du dossier que les poursuites disciplinaires dont M. B... a fait l'objet ont été engagées par un courrier du 4 avril 2022, qui informait l'intéressé notamment de son droit à communication de son dossier et à l'assistance d'un ou plusieurs défenseurs de son choix. Le requérant soutient que ce dossier était incomplet, dès lors que n'y figurait pas la mention de l'annulation, par les juridictions administratives, de quatre de ses comptes-rendus d'évaluation professionnelle et d'une sanction disciplinaire prononcée en 2015. Cette circonstance, à la supposer établie, est toutefois inopérante, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, d'une part, que la sanction attaquée, exclusivement prononcée à raison de faits commis en décembre 2019, serait fondée sur des éléments qui ont donné lieu à l'une de ces procédures contentieuses ni, d'autre part, que ces éléments, dont le requérant ne pouvait au demeurant ignorer l'existence, auraient été utiles à sa défense.

4. En deuxième lieu, si M. B... se prévaut de l'irrégularité de l'enquête administrative préalable à la sanction litigieuse, à raison de l'imprécision de la convocation pour un entretien le 7 avril 2020, laquelle ne précise pas les faits qui lui sont reprochés et ne l'informe pas du droit qu'il a de se taire, de l'absence de confrontations avec ses collègues, et de la partialité de ses supérieurs hiérarchiques à son égard, les conditions dans lesquelles une enquête administrative est diligentée au sujet de faits susceptibles de donner ultérieurement lieu à l'engagement d'une procédure disciplinaire sont, par elles-mêmes, sans incidence sur la régularité de cette procédure. Le moyen doit ainsi être écarté dans toutes ses branches.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. (...) ". Aux termes de l'article L. 530-1 de ce code : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. ". Aux termes de l'article L. 533-1 du même code : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : (...) / b) Le blâme (...) ".

6. En l'absence de disposition législative contraire, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen.

7. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction au regard des seuls documents ou pièces que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire pouvait ainsi retenir et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

8. Il est reproché à M. B... d'avoir eu un comportement inapproprié à l'égard de deux de ses subordonnées, au cours des vacations du 4 au 5 décembre puis du 7 au 8 décembre 2019. Le requérant conteste la réalité de ces faits.

9. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et en particulier des conclusions du rapport d'enquête administrative, que le requérant a tenu à deux gardiennes de la paix des propos déplacés, interrogeant l'une d'elle avec insistance sur ses origines et entreprenant la seconde sur sa vie prie privée de manière grivoise. Ces faits, attestés par des témoignages convergents et circonstanciés, constituent un manquement aux devoirs de dignité et d'exemplarité attendus d'un capitaine de police dans l'exercice de ses fonctions. Dans ces conditions, en estimant que les faits reprochés au requérant constituaient une faute de nature à justifier une sanction, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire ne les a pas inexactement qualifiés. Enfin, la sanction du blâme ne revêt pas un caractère disproportionné au regard de la nature des fautes commises, sans qu'ait d'incidence la circonstance que l'intéressé n'ait pas d'antécédents disciplinaires.

10. En dernier lieu, M. B... soutient que la sanction prononcée à son encontre a pour origine le harcèlement moral dont il dit être victime de la part de ses supérieurs hiérarchiques depuis 2013. Il n'apporte toutefois, à l'appui de ses allégations, aucun élément susceptible de démontrer que la sanction litigieuse aurait pour fondement, non les faits de décembre 2019 évoqués au point précédent, mais une animosité de ses supérieurs hiérarchiques, développée au cours de son affectation au commissariat du 4ème arrondissement de Paris et poursuivie depuis sa mutation dans le 16ème arrondissement le 21 décembre 2020.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme demandée par le ministre de l'intérieur au même titre.

DECIDE:

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le ministre de l'intérieur sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 9 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vidal, présidente de chambre,

- Mme Bories, présidente assesseure,

- M. Segretain, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 octobre 2024.

La rapporteure,

C. BORIES

La présidente,

S. VIDAL

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA03210 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03210
Date de la décision : 23/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: Mme Colombe BORIES
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : BEGUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-23;23pa03210 ?
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