Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 20 novembre 2023 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a classé sans suite le dossier de sa demande de titre de séjour.
Par une ordonnance n° 2314954/11 du 22 décembre 2023, la présidente de la 11ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 31 janvier 2024, Mme B..., représentée par Me Cujas, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance de la présidente de la 11ème chambre du tribunal administratif de Montreuil du 22 décembre 2023 ;
2°) d'annuler la décision du 20 novembre 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", ou de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du 20 novembre 2023 est insuffisamment motivée ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit et d'une erreur de fait ;
- la décision a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une ordonnance du 22 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bories a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... C... B..., ressortissante camerounaise née le 14 août 1989, déclare être entrée en France le 2 septembre 2013. Par un arrêté du 11 mai 2020, le préfet de la
Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un jugement n° 2006128 du 30 avril 2021, devenu définitif, le tribunal administratif de Montreuil a annulé les décisions du 11 mai 2020 par lesquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé d'accorder à Mme B... un délai de départ volontaire et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, et rejeté le surplus de ses conclusions. Mme B... a présenté à la préfecture de la Seine-Saint-Denis, le 21 juin 2023, une demande d'admission exceptionnelle au séjour. Par une décision du 20 novembre 2023, le préfet de la
Seine-Saint-Denis a classé sans suite le dossier de sa demande de titre de séjour au motif que l'intéressée fait l'objet d'une mesure d'éloignement assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français et qu'elle ne présente pas d'éléments nouveaux. Mme B... fait appel de l'ordonnance du 22 décembre 2023 par laquelle la présidente de la 11ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision préfectorale du 20 novembre 2023.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil / 2° Les documents justifiants de sa nationalité / 3° Les documents justifiants de l'état civil et de la nationalité de son conjoint, de ses enfants et de ses parents lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour pour motif familial / La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents / (...) ". Aux termes de l'article R. 431-11 du même code : " L'étranger qui sollicite la délivrance d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande les pièces justificatives dont la liste est fixée par arrêté annexé au présent code ". L'article R. 431-12 de ce code dispose que : " L'étranger admis à souscrire une demande de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour se voit remettre un récépissé qui autorise sa présence sur le territoire pour la durée qu'il précise (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'en dehors du cas d'une demande à caractère abusif ou dilatoire, l'autorité administrative chargée d'instruire une demande de titre de séjour ne peut refuser de l'enregistrer, et de délivrer le récépissé y afférent, que si le dossier présenté à l'appui de cette demande est effectivement incomplet. Le refus d'enregistrer une telle demande pour un motif ne relevant pas du caractère incomplet du dossier ou du caractère abusif ou dilatoire de la demande constitue une décision faisant grief susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir.
4. Pour refuser d'instruire la demande de titre de séjour de Mme B..., le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur les circonstances que l'intéressée a fait l'objet d'une mesure d'éloignement assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français et qu'elle ne présentait aucun élément nouveau à l'appui de sa demande. Toutefois, d'une part, le motif tiré de l'existence d'une précédente mesure d'éloignement assortie d'une interdiction de retour, au demeurant partiellement annulée par une décision du tribunal administratif de Montreuil, alors qu'aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne subordonne l'examen d'une demande de titre de séjour à la condition de l'exécution préalable, par le demandeur, de la mesure d'éloignement ou, le cas échéant, de l'interdiction de retour sur le territoire français dont il serait éventuellement l'objet, ne pouvait valablement justifier l'impossibilité de poursuivre l'instruction de la demande. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la requérante présentait, à l'appui de sa demande, des éléments nouveaux, tenant à sa signature d'un pacte civil de solidarité avec un étranger en situation régulière et à la naissance d'un enfant en 2021. Il suit de là que le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis une erreur de droit et une erreur de fait en classant sans suite le dossier de sa demande de titre de séjour.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la présidente de la 11ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande de titre de séjour de Mme B... serait incomplète ou présenterait un caractère abusif ou dilatoire, l'annulation de la décision du 20 novembre 2023 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a classé sans suite le dossier de sa demande de titre de séjour implique que celle-ci soit examinée. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis d'enregistrer la demande de titre de séjour de la requérante et de lui délivrer un récépissé dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de procéder à son examen en prenant en compte sa situation actuelle. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais d'instance :
7. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Mme B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance du 22 décembre 2023 de la présidente de la 11ème chambre du tribunal administratif de Montreuil et la décision du 20 novembre 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulées.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis d'enregistrer la demande de titre de séjour de Mme B... et de lui délivrer un récépissé dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de procéder à son examen.
Article 3 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... B..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Vidal, présidente de chambre,
- Mme Bories, présidente assesseure,
- M. Segretain, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 octobre 2024.
Le rapporteur,
C. BORIESLa présidente,
S. VIDAL
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA00474 2