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28/10/2024 | FRANCE | N°21PA06092

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 28 octobre 2024, 21PA06092


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée Theta Participations a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2011.



Par un jugement n° 2006665 du 29 septembre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



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Par une requête et des mémoires, enregistrés le 29 novembre 2021, le 4 janvier 2023 et le 3 avril 2023, la soc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Theta Participations a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2011.

Par un jugement n° 2006665 du 29 septembre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 29 novembre 2021, le 4 janvier 2023 et le 3 avril 2023, la société à responsabilité limitée Theta Participations, représentée par Me Thiébaut de la SELARLU Mercutio, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011 pour un montant de 2 559 705 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité de la procédure :

- si une décision de dégrèvement non motivée ne constitue pas, au sens le plus étroit, une prise de position formelle au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, les circonstances de l'espèce invitent à une autre appréciation que celle retenue par le juge de première instance ; en effet, elle pouvait légitimement s'attendre à ce que la direction nationale de vérification des situations fiscales (DNVSF) prenne en compte le 28 février 2020 la décision favorable de la direction de contrôle fiscal (DIRCOFI) d'Ile-de-France de mai-juin 2019 ; en prenant une décision défavorable, la DNVSF a méconnu les principes de sécurité juridique et de confiance légitime alors que le DIRCOFI concernant l'année 2013 venait de prendre une décision formelle qui lui était favorable et qu'il résulte des termes des documents rédigés par les deux directions que celles-ci menaient la rectification de concert, comme le démontre le fait que les propositions de rectification et les réponses aux observations du contribuable adressées par les deux directions fiscales sont identiques et non similaires ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

- en application de l'instruction 4 B-1-08 du 4 avril 2008, les titres ABCA détenus par ABCPG, qui sont des titres de participation sur le plan comptable et inscrits comme tels en comptabilité, bénéficient d'une présomption irréfragable de qualification en titres éligibles au régime des plus-values à long terme ;

- le bilan 2011 aurait dû présenter une proportion de 5,7% des valeurs mobilières de placement initialement retenues dans ce poste comptable soit 51 millions au lieu des 901 millions initiaux ; elle a en effet démontré que ABCA n'était pas propriétaire des valeurs mobilières de placement et n'entrait donc pas dans le champ de l'exclusion de l'alinéa 2 du a ter du I de l'article 219 du code général des impôts ;

- dans ce contexte, il apparaît également une rupture de l'égalité devant l'impôt et les charges publiques qui est garantie par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ce principe impliquant une appréciation des facultés contributives.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 juin 2022 et le 15 mars 2023 et un mémoire, non communiqué, enregistré le 17 avril 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Theta Participations ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 85-695 du 11 juillet 1985 ;

- la loi n° 95-885 du 4 août 1995 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Delage,

- les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique,

- et les observations de Me Thiebaut, représentant la société Theta Participations.

Considérant ce qui suit :

1. La société Theta Participations, anciennement dénommée ABC Participation et Gestion (ABCPG), société mère d'un groupe fiscalement intégré, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012. Les liasses fiscales, souscrites au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2011, mentionnaient un résultat imposable de 6 657 251 euros, déterminé après application, au gain résultant de la cession des titres de la société ABC Arbitrage (ABCA), dont la société Theta Participations détenait 19,44% du capital, du régime d'exonération des plus-values à long terme prévu au a) quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts. Le service vérificateur a réintégré ce gain au résultat imposable, en estimant que ces titres ne constituaient pas, pour la société Theta Participations, des titres de participation mais des valeurs mobilières de placement. Ce rehaussement a été notifié à la société requérante, selon la procédure contradictoire, par une proposition de rectification du 15 décembre 2014. Il a été maintenu, par lettre du 13 avril 2015, à la suite des observations de la société présentées le 16 février 2015, puis confirmé par lettres des 27 juillet et 26 octobre 2015 à la suite du recours hiérarchique et de l'interlocution départementale. En outre, d'autres rectifications ont été notifiées au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2011 et au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2010. L'ensemble de ces rectifications ont été présentées par une lettre du 20 novembre 2015 à la société ABCPG, en sa qualité de redevable de l'impôt sur les sociétés en vertu des articles 223 A et suivants du code général des impôts en tenant compte de l'impact des déficits reportables au niveau du groupe intégré. Les rappels d'impôt sur les sociétés en résultant, assortis de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts, ont fait l'objet d'un avis de mise en recouvrement du 31 octobre 2016, établi au nom de la société Theta Participations en sa qualité de société intégrante. Compte tenu des résultats fiscaux déficitaires de la société mère du groupe, au titre des exercices clos les 31 décembre 2010 et 31 décembre 2012, les droits et intérêts de retard mentionnés dans l'avis de mise en recouvrement ne concernent que le seul exercice clos au 31 décembre 2011. Après admission partielle de sa réclamation préalable du 18 décembre 2018, la société Theta Participations a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge des impositions maintenues à sa charge. Elle relève appel du jugement du 29 septembre 2021 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité de la procédure :

2. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration (...) ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ".

3. Pour contester la régularité de la procédure d'imposition au titre de l'année 2011, la société requérante ne peut utilement invoquer l'existence d'une prise de position formelle au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales résultant d'une décision de dégrèvement prise au titre d'un exercice différent pour un litige de même nature dès lors que le non-respect de cette garantie est en tout état de cause sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition mais ressortit au bien-fondé de l'imposition.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

4. Aux termes du I de l'article 219 du code général des impôts dans sa version alors applicable : " (...) Le taux normal de l'impôt est fixé à 33,1/3 %. / Toutefois : / a. Le montant net des plus-values à long terme fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 19 %, dans les conditions prévues au 1 du I de l'article 39 quindecies et à l'article 209 quater. / Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2005, le taux d'imposition visé au premier alinéa est fixé à 15 %. / Pour les exercices ouverts à compter du 31 décembre 2007, le montant net des plus-values à long terme afférentes aux titres des sociétés à prépondérance immobilière définies au a sexies-0 bis cotées est imposé au taux prévu au IV. / L'excédent éventuel des moins-values à long terme ne peut être imputé que sur les plus-values à long terme imposables aux taux visés au présent a et réalisées au cours des dix exercices suivants. / (...) a ter. Le régime des plus-values et moins-values à long terme cesse de s'appliquer au résultat de la cession de titres du portefeuille réalisée au cours d'un exercice ouvert à compter du 1er janvier 1994 à l'exclusion des parts ou actions de sociétés revêtant le caractère de titres de participation et des parts de fonds commun de placement à risques ou de société de capital risque qui remplissent les conditions prévues au II ou au III bis de l'article 163 quinquies B à l'article 1er-1 de la loi n° 85-695 du 11 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier et qui sont détenues par l'entreprise depuis au moins cinq ans. / Pour les exercices ouverts à compter de la même date, le régime des plus ou moins-values à long terme cesse également de s'appliquer en ce qui concerne les titres de sociétés dont l'actif est constitué principalement par des titres exclus de ce régime ou dont l'activité consiste de manière prépondérante en la gestion des mêmes valeurs pour leur propre compte. (...) /Pour l'application des premier et deuxième alinéas, constituent des titres de participation les parts ou actions de sociétés revêtant ce caractère sur le plan comptable. Il en va de même (...) des titres ouvrant droit au régime des sociétés mères (...) si ces actions ou titres sont inscrits en comptabilité au compte de titres de participation ou à une subdivision spéciale d'un autre compte du bilan correspondant à leur qualification comptable (...) ". Aux termes du I a quinquies de l'article 219 du même code dans sa version alors applicable : " Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2006, le montant net des plus-values à long terme afférentes à des titres de participation fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 8 %. Ce taux est fixé à 0 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2007. / Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2007, une quote-part de frais et charges égale à 5 % du résultat net des plus-values de cession est prise en compte pour la détermination du résultat imposable. Cette quote-part de frais et charges est portée au taux de 10 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2011. / Les titres de participation mentionnés au premier alinéa sont les titres de participation revêtant ce caractère sur le plan comptable, les actions acquises en exécution d'une offre publique d'achat ou d'échange par l'entreprise qui en est l'initiatrice et les titres ouvrant droit au régime des sociétés mères si ces actions ou titres sont inscrits en comptabilité au compte titres de participation ou à une subdivision spéciale d'un autre compte du bilan correspondant à leur qualification comptable, à l'exception des titres des sociétés à prépondérance immobilière définis au troisième alinéa du a (...) ".

5. Alors d'ailleurs que la société requérante ne soutient pas, devant la cour, qu'elle bénéficierait, sur le terrain de la loi fiscale, d'une présomption irréfragable de qualification de titres de participations pour les titres en litige, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.

6. En premier lieu, il résulte de la première phrase du 3ème alinéa du a ter du I de l'article 219 du code général des impôts, éclairée par les travaux préparatoires de l'article 2 de la loi de finances rectificative pour 1995 du 4 août 1995, que les titres qui revêtent, sur le plan comptable, le caractère de titres de participation, c'est-à-dire ceux dont la possession durable est estimée utile à l'activité de l'entreprise, notamment parce qu'elle permet d'exercer une influence sur la société émettrice des titres ou d'en assurer le contrôle, une telle utilité pouvant notamment être caractérisée si les conditions d'achat des titres en cause révèlent l'intention de l'acquéreur d'exercer une influence sur la société émettrice et lui donnent les moyens d'exercer une telle influence, sont nécessairement soumis au régime des plus-values et moins-values à long terme, que ces titres ouvrent droit ou non au régime des sociétés mères. Il en résulte qu'une inscription de ces titres en comptabilité dans un compte de titres de participation, qui est commandée par le respect de la réglementation comptable à laquelle se réfère la loi fiscale, ne matérialise aucune décision de gestion de l'entreprise. Une telle écriture comptable peut, si la qualification de titres de participation retenue s'avère erronée, être corrigée tant à l'initiative de l'administration que, sous réserve que cette erreur ne revête pas un caractère délibéré, de l'entreprise.

7. La société Theta Participations soutient, sur le terrain de la loi fiscale, que l'inscription initiale en valeurs mobilières de placement dans le bilan de la société ABCA ne reflétait pas la réalité dès lors que le bilan 2011 aurait dû présenter une proportion de 5,7% des valeurs mobilières de placement initialement retenues dans ce poste comptable soit 51 millions d'euros au lieu des 901 millions d'euros initiaux. A cet effet, elle fait valoir que la société ABCA n'était pas propriétaire des valeurs mobilières de placement compte tenu de l'activité d'arbitrage de " prime brokerage " exercée par la société ABC Asset Management. Au-delà des 5,7%, les titres auraient donc été prêtés par les filiales de la société Barclay's auxquelles elle est liée par contrats. La société produit divers documents, dont une attestation établie le 4 novembre 2015 par les commissaires aux comptes de la société ABCA qui indiquent ne pas avoir d'observations à formuler sur la conformité, au regard de l'analyse juridique réalisée par le cabinet d'avocats Jones Day et aux principes comptables français, des montants relatifs aux titres concernés dans les bilans clos aux 31 décembre 2011, 31 décembre 2012 et 31 décembre 2013, et un mémorandum du cabinet d'avocats Jones Day analysant les termes d'un accord de courtage privilégié conclu entre la société Barclays Capital Securities Limited (BCSL) et un client.

8. Toutefois, ce mémorandum, qui conclut au transfert de propriété des titres à BCSL en cas d'utilisation de ces titres par cette dernière, expose des développements de manière au demeurant non catégorique et ne justifie en tout état de cause pas, en l'absence de pièces justificatives, que la société ABCA ne détenait que 5,7% des valeurs mobilières inscrites au bilan de l'exercice 2011 ; il en est de même de l'attestation établie le 7 juillet 2015 par le président-directeur-général de la société ABC Arbitrage. Au demeurant, les commissaires aux comptes ajoutent qu'" il ne [leur] appartient pas de [se] prononcer sur l'analyse juridique menée par le cabinet d'avocats Jones Day ". Dans ces conditions, ces éléments ne permettent pas d'établir que les titres en cause, inscrits au cours des exercices 2011 à 2014 au bilan de la société ABCA, auraient donné lieu à un transfert effectif de propriété, alors que c'est cette dernière société qui a conclu les contrats de " prime brokerage ", la société ABC Asset Management ayant réalisé les opérations dans le cadre d'un mandat de gestion. Ainsi, dans les termes dans lesquels ils sont rédigés, ni ces documents ni les stipulations des contrats conclus entre la société ABCA et les filiales de la Barclay's ne permettent d'établir que les titres litigieux ne seraient pas la propriété de la société ABCA malgré leur inscription au bilan de celle-ci.

9. La société se prévaut encore de l'annexe aux comptes sociaux 2015, qui fait état de l'analyse juridique de la société selon laquelle, parmi les titres négociés par la société ABC Arbitrage dans le cadre des contrats de " prime brokerage " conclus avec les banques, seuls ceux pour lesquels les banques n'ont pas exercé leur droit d'utilisation prévu aux contrats doivent être toujours regardés comme la propriété d'ABC Arbitrage ; cette annexe fait également état d'un recalcul du bilan 2014 conforme à cette nouvelle analyse. Toutefois, cette annexe se borne à renvoyer sans plus de précision à l'analyse juridique menée par la société selon laquelle le critère de propriété des titres serait l'exercice ou non par les banques de leur droit d'utilisation. En tout état de cause, ces éléments, comme la nouvelle présentation des comptes adoptée à compter de l'exercice clos au 31 décembre 2015, sont postérieurs à l'exercice en litige et ne suffisent pas à démontrer que les comptes établis par la société ABC Arbitrage à clôture de l'exercice 2011, comme d'ailleurs des exercices clos en 2012 et 2013, seraient erronés. Comme le soutient le ministre, la société ABCA exerce ainsi de manière prépondérante une activité de gestion pour son propre compte de titres exclus du régime des plus-values à long terme.

10. Par ailleurs, il n'est pas contesté que les titres détenus par la société ABCA inscrits à son bilan ne sont, à l'exclusion des titres de la société ABC Arbitrage Asset Management, ni des titres de participation ni des parts de fonds commun de placement à risques, de fonds professionnel de capital investissement ou de société de capital-risque qui remplissent les conditions prévues au II ou au III bis de l'article 163 quinquies B du code général des impôts issus de la loi n° 85-695 du 11 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier et qui sont détenus par l'entreprise depuis au moins cinq ans au sens et pour l'application des dispositions citées au point 4 et ils n'étaient donc pas susceptibles de bénéficier de l'exonération en litige. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration fiscale a considéré que les titres cédés par la société ABCPG, devenue société Theta Participations, entraient dans le champ des exclusions des plus-values à long terme prévu au deuxième alinéa du a ter du I de l'article 219 du code général des impôts en vertu duquel le régime des plus ou moins-values à long terme cesse également de s'appliquer en ce qui concerne les titres de sociétés dont l'actif est constitué principalement par des titres exclus de ce régime.

11. En deuxième lieu, il résulte des dispositions citées au point 4, éclairées par les travaux préparatoires de l'article 2 de la loi de finances rectificative pour 1995 du 4 août 1995 duquel est issu le 3e alinéa du a ter de l'article 219 du code général des impôts, que des titres ouvrant droit au régime des sociétés mères sans revêtir, sur le plan comptable, le caractère de titres de participation sont soumis au régime fiscal des plus-values et moins-values à long terme à la condition qu'ils soient inscrits en comptabilité dans une subdivision spéciale d'un compte du bilan - autre qu'un compte de titres de participation - correspondant à leur qualification comptable telle que, notamment, un sous-compte de plus-values à long terme dans un compte de valeurs de placement. Il suit de là que la seule circonstance que la société Theta Participations et sa filiale soient éligibles au régime mère-fille ne permet pas d'en déduire que la requérante devait nécessairement bénéficier du régime de faveur, qui est subordonné à la qualification de titres de participation. Il en résulte également que la société requérante n'est pas fondée à invoquer l'intention du législateur au soutien de ses conclusions.

12. En troisième lieu, la société n'a pas soulevé de question prioritaire de constitutionnalité par un mémoire distinct, ainsi que l'exige l'article R. 771-3 du code de justice administrative. Dès lors, elle n'est pas recevable à soutenir que l'application des dispositions législatives en cause méconnaîtrait le principe de l'égalité devant l'impôt et les charges publiques, ainsi que l'exigence de prise en compte des facultés contributives garantis par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

13. En premier lieu, la société Theta Participations soutient que les titres en litige bénéficieraient d'une présomption irréfragable de qualification de titres de participation sur le fondement de la doctrine administrative. Toutefois, elle ne peut à cet effet utilement invoquer les énonciations de l'instruction 4B-1-08 du 4 avril 2008 selon lesquelles lorsque les titres en question sont des titres de participation sur le plan comptable, inscrits comme tels en comptabilité, et qu'ils donnent également accès au régime des sociétés mères, la présomption simple de qualification en titres éligibles au régime de plus-value à long terme se transforme en présomption irréfragable. En effet, comme l'a jugé à bon droit le tribunal, les éléments de doctrine ainsi invoqués n'ajoutent pas à la loi fiscale.

14. En second lieu, la requérante se prévaut de ce qu'à l'issue du contrôle exercé au titre de l'exercice 2013 opéré par la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France, celle-ci a totalement abandonné une rectification de même nature que celle contestée dans le présent litige et soutient que le ministère des finances ne pouvait prendre des positions divergentes s'agissant de rectifications identiques. Toutefois, une décision de dégrèvement, non motivée prise par l'administration fiscale en ce qui concerne des rectifications similaires de la société au titre de l'année 2013 ne constitue pas une prise de position formelle de l'administration sur l'appréciation d'une situation de fait au regard du texte fiscal de nature à entraîner, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, le bénéfice du même dégrèvement. Par suite, et quelles que soient les similarités de rédaction entre les propositions de rectification adressées par les deux directions à la société requérante, ce moyen ne peut qu'être écarté.

15. En outre, la société, qui ne peut ainsi se prévaloir des dispositions précitées de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales n'est, pour les mêmes motifs, pas davantage fondée à soutenir que les impositions litigieuses auraient été établies en méconnaissance du principe de sécurité juridique ou, en tout état de cause, du principe de confiance légitime.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la société Theta Participations n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Theta Participations est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société à responsabilité limitée Theta Participations et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie en sera adressée à l'administrateur général chargé de la direction nationale de vérification des situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Barthez, président de chambre,

- M. Delage, président assesseur,

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la cour, le 28 octobre 2024.

Le rapporteur,

Ph. DELAGELe président,

A. BARTHEZ

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°21PA06092


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06092
Date de la décision : 28/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. MARJANOVIC
Rapporteur ?: M. Vladan MARJANOVIC
Rapporteur public ?: Mme DE PHILY
Avocat(s) : AARPI TOWERY

Origine de la décision
Date de l'import : 03/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-28;21pa06092 ?
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