Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 22 décembre 2020 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a refusé de lui reconnaître le statut d'apatride.
Par un jugement n° 2204615 du 31 janvier 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 3 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Ralitera, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 31 janvier 2023 ;
2°) d'enjoindre à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dans le délai de trente jours à compter de la notification de la décision à intervenir, de lui reconnaître le statut d'apatride :
3°) d'enjoindre à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dans le délai de soixante jours à compter de la notification de la décision à intervenir, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 1er de la convention de New-York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides ainsi que l'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que :
- il n'est pas de nationalité pakistanaise ni de nationalité française ;
- il a effectué des démarches sérieuses, assidues et répétées auprès des autorités malgaches.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 août 2024, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, représenté par Me Laymond, conclut au rejet de la requête.
Il soutient, à titre principal, que les moyens de la requête ne sont pas fondés et, à titre subsidiaire, que M. B..., ayant commis des crimes graves à Madagascar, il doit être exclu du champ d'application de la convention de New York du 28 septembre 1954.
Par un mémoire en réplique enregistré le 28 septembre 2024, M. B... conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens que précédemment.
Vu la décision du 17 mai 2023 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de New-York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides ;
- la loi n° 91-737 du 30 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Gobeill, rapporteur public,
- et les observations de Me Ralitera, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 22 décembre 2020, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a refusé de reconnaître à M. B... le statut d'apatride. M. B... fait appel du jugement du 31 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 582-1 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La qualité d'apatride est reconnue à toute personne qui répond à la définition de l'article 1er de la convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux apatrides en vertu de cette convention. ". L'article 1er de la convention de New-York du 28 septembre 1954 citée ci-dessus stipule que : " 1. Aux fins de la présente convention, le terme " apatride " désigne une personne qu'aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation. (...) ". Il incombe à toute personne se prévalant de la qualité d'apatride d'apporter la preuve qu'en dépit des démarches répétées et assidues, l'État de la nationalité duquel elle se prévaut a refusé de donner suite à ses démarches.
3. Pour rejeter la demande de M. B..., le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui a reconnu qu'il ne pouvait pas être regardé comme un ressortissant pakistanais, a relevé qu'il était né à Madagascar de deux parents issus de la communauté indo-pakistanaise karane et qu'il remplissait les conditions fixées par l'ordonnance n° 60-064 du 22 juillet 1960 portant code de la nationalité malgache pour se voir reconnaître comme un ressortissant de Madagascar.
4. M. B..., qui ne conteste pas les circonstances de droit et de fait invoquées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, soutient que l'État malgache refuse néanmoins de le considérer comme l'un de ses ressortissants. Le requérant se prévaut tout d'abord d'un jugement du 16 juin 2009 du tribunal de première instance d'Antananarivo confirmé par un arrêt du 10 juillet 2010 de la cour d'appel d'Antananarivo déclarant nuls et de nuls effets les certificats de nationalité malgache délivrés le 6 juillet 2000 à M. B... et à son père, au motif qu'ils avaient été " obtenus à l'aide de pièces fausses " et de l'arrêté d'extradition du garde des sceaux, ministre de la justice malgache en date du 11 mai 2010 relevant qu'il est d'une " nationalité indéterminée ". Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il a obtenu, postérieurement, le 21 septembre 2012, un nouveau certificat de nationalité malgache établit par le vice-président du tribunal de première instance de Mahajanga et indiquant qu'il est né à Madagascar, que ses parents sont malgaches et qu'il a la nationalité malgache " par application de l'article 91 du code de la nationalité malgache ". Si le requérant produit ensuite un courrier du ministre de la justice malgache du 25 avril 2018 indiquant que son transfèrement à Madagascar est refusé car " sa prétendue nationalité malgache a été contestée " et qu'il " est un apatride ", ce courrier se borne à faire référence à la décision d'extradition précitée et ne peut être regardé, compte tenu des circonstances dans lesquelles il est intervenu, comme de nature à caractériser un refus de Madagascar de le reconnaître comme l'un de ses ressortissants. Enfin, M. B... produit une décision de refus de délivrance de certificat de nationalité du tribunal de première instance d'Antananarivo du 16 février 2023 et une décision de refus de renouvellement de son passeport du 20 février 2023. Ces éléments, qui font seulement état de ce que les pièces produites par l'intéressé n'apportent pas la preuve de sa nationalité malgache, ne saurait toutefois caractériser, à eux seuls, ni l'existence de démarches sérieuses qui auraient été entreprises par M. B... pour se voir reconnaître la nationalité malgache, ni l'insuccès définitif de telles démarches, alors que l'intéressé ne donne aucune explication quant à la délivrance, le 21 septembre 2012, d'un certificat de nationalité malgache. Par suite, M. B... n'établit pas entrer dans le champ d'application des stipulations précitées de l'article 1er de la convention de New York du 28 septembre 1954.
5. Au surplus, aux termes de l'article 1er de la convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides : " (...) 2. Cette Convention ne sera pas applicable : (...) / iii) Aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser (...) b) Qu'elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays de leur résidence avant d'y être admises (...) ". Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été condamné à une peine de 28 ans de réclusion criminelle pour cinq assassinats et quatre tentatives commis à Madagascar. Dans ces conditions, la clause d'exclusion prévue au paragraphe 2 de l'article 1er de la convention de New York est opposable à M. B....
6. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- M. Stéphane Diémert, président-assesseur,
- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2024.
Le président-rapporteur,
I. A...L'assesseur le plus ancien,
S. DIÉMERT
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA02925