Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision par laquelle le recteur de l'académie de Paris a implicitement refusé de lui octroyer le bénéfice de l'indemnité de sujétions liée à l'exercice des fonctions d'accompagnant d'élèves en situation de handicap (AESH) dans un établissement relevant de l'éducation prioritaire en application du décret n° 2015-1087 du 28 août 2015.
Par un jugement n° 2103242 du 14 décembre 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du recteur de l'académie de Paris par laquelle il a implicitement refusé d'octroyer à M. B... le bénéfice de l'indemnité de sujétions en application du décret du 28 août 2015 et enjoint au recteur de l'académie de Paris de lui verser l'indemnité de sujétions qu'il aurait dû percevoir depuis qu'il a été recruté en qualité d'AESH et lorsqu'il a été affecté au sein d'établissements relevant du programme " Réseau d'éducation prioritaire renforcé " (REP+) ou " Réseau d'éducation prioritaire " (REP) dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 février et 1er septembre 2023, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2103242 du 14 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du recteur de l'académie de Paris refusant implicitement d'octroyer à M. B... l'indemnité de sujétions en application du décret n° 2015-1087 du 28 août 2015 et a enjoint au recteur de l'académie de Paris de lui verser l'indemnité de sujétions qu'il aurait dû percevoir depuis qu'il a été recruté en qualité d'AESH et lorsqu'il a été affecté au sein de son établissement relevant du programme " réseau d'éducation prioritaire " dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement ;
2°) de rejeter la requête de M. B... présentée devant le tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- la décision contestée ne méconnaît pas le principe d'égalité qui ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que dans l'un ou l'autre cas la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier ;
- de par la nature de leurs missions et les conditions d'exercice de leurs fonctions, l'exercice dans les écoles et établissements relevant des programmes REP et REP + n'expose pas les AESH à des sujétions comparables à celles auxquelles sont exposés les personnels visés par le décret du 28 août 2015 ou même les assistants d'éducation (AED) ;
- leurs sujétions tiennent principalement à la nécessité de mettre en œuvre des compétences et des modes de travail particuliers eu égard aux difficultés économiques et sociales particulières des publics avec lesquels ils sont en contact ;
- les missions des AESH consistent essentiellement en une aide individualisée ou mutualisée aux élèves en situation de handicap ; ils n'ont vocation à prendre en charge soit un unique élève, soit un petit nombre d'élèves ; ils mettent en œuvre des méthodes particulières de travail adaptées au handicap des élèves qu'ils accompagnent et sont par nature exposés à des sujétions différentes des autres personnels du service public de l'éducation ; le fait que les élèves accompagnés soient scolarisés en éducation prioritaire ne se traduit en aucune manière ou de manière très marginale par des sujétions supplémentaires ;
- la seule référence à l'appartenance à la communauté éducative ne saurait suffire à considérer que les dispositions du décret du 28 août 2015 sont illégales ;
- si le pouvoir réglementaire, par un décret n° 2022-1534 du 8 décembre 2022 a décidé d'étendre, pour l'avenir, le bénéfice de l'indemnité en faveur des personnels exerçant dans les écoles ou établissements relevant des programmes REP et REP+, cette mesure ne saurait être interprétée comme la reconnaissance que l'absence d'inclusion des AESH parmi les bénéficiaires de cette indemnité était contraire au principe d'égalité mais la traduction d'une volonté politique de revaloriser ces fonctions ;
- à supposer même que le décret du 28 août 2015 dans sa version en vigueur jusqu'au 31 décembre 2022 soit déclaré contraire au principe d'égalité faute d'inclure les AESH dans le champ d'application des bénéficiaires du régime indemnitaire qu'il institue, cette déclaration d'illégalité n'aurait pas pour autant pour effet de donner une base légale au versement de l'indemnité REP ou REP + à un AESH dans les mêmes conditions que les autres personnels ;
- dans sa décision Fédération Sud Education, le Conseil d'Etat a implicitement reconnu que le pouvoir réglementaire disposait d'une marge de manœuvre pour remédier à cette inégalité de traitement ; dès lors juger que l'omission du pouvoir réglementaire d'inclure les AESH dans le champ des bénéficiaires de ce régime indemnitaire implique le versement de l'indemnité REP ou REP+ à ces agents reviendrait à empiéter sur les compétences du pouvoir réglementaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2023, M. B..., représenté par Me Abbar, conclut :
- à titre principal, au rejet de la requête ;
- à titre subsidiaire, à l'annulation de la décision du recteur de l'académie de Paris par laquelle il a implicitement refusé de lui octroyer le bénéfice de l'indemnité de sujétions en application du décret du 28 août 2015, avec toutes ses conséquences de droit et d'enjoindre au recteur de l'académie de Paris de lui verser l'indemnité de sujétions qu'il aurait dû percevoir depuis qu'il a été recruté en qualité d'accompagnant d'élèves en situation de handicap et lorsqu'il a été affecté au sein d'établissements relevant du programme " Réseau d'éducation prioritaire renforcé " ou " Réseau d'éducation prioritaire " ;
- à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un mémoire en intervention enregistré le 19 septembre 2023, le syndicat Sud Education Paris, représenté par Me Abbar, conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens que M. B....
Par une ordonnance en date du 20 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été reportée au 5 octobre 2023, à 12 heures.
Un mémoire a été enregistré le 16 septembre 2024 pour le ministre de l'éducation nationale, soit postérieurement à la clôture de l'instruction.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le décret n° 2015-1087 du 28 août 2015 ;
- le décret n° 2016-1171 du 29 août 2016 ;
- la circulaire du ministre de l'éducation nationale n° 2017-084 du 3 mai 2017 ;
- la circulaire du ministre de l'éducation nationale n° 2019-090 du 5 juin 2019 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Boizot ;
- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ;
- les observations de MM. Laloux et Yerbe pour le ministre de l'éducation nationale ;
- et les observations de Me Abbar pour M. B....
Une note en délibéré, enregistrée le 14 octobre 2024, a été présentée pour le ministre de l'éducation nationale.
Considérant ce qui suit :
1. Le 24 février 2020, M. B... a été recruté en qualité d'accompagnant des élèves en situation de handicap, a signé un contrat de travail à durée déterminée d'un an et a été affecté au sein du pôle inclusif d'accompagnement localisé rue Edgar Varèse à Paris dans le 18ème arrondissement. Par un courrier du 14 décembre 2020, M. B... a demandé au recteur de l'académie de Paris qu'il lui verse l'indemnité de sujétions allouée aux personnels exerçant dans des établissements relevant du programme " Réseau d'éducation prioritaire renforcé ". Par un jugement n° 2103242 du 14 décembre 2022, dont le ministre de l'éducation nationale interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du recteur de l'académie de Paris par laquelle il a implicitement refusé d'octroyer à M. B... le bénéfice de l'indemnité de sujétions en application du décret du 28 août 2015 et enjoint au recteur de l'académie de Paris de lui verser l'indemnité de sujétions qu'il aurait dû percevoir depuis qu'il a été recruté en qualité d'accompagnant d'élèves en situation de handicap et lorsqu'il a été affecté au sein d'établissements relevant du programme " Réseau d'éducation prioritaire renforcé " ou " Réseau d'éducation prioritaire " dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.
Sur l'intervention volontaire du syndicat Sud Education Paris :
2. Le syndicat Sud Education Paris, qui tend aux mêmes fins que la requête de M. B... justifie d'un intérêt suffisant au maintien du jugement attaqué. Ainsi, son intervention à l'appui de la requête formée par M. B... est recevable.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. D'une part, en vertu des dispositions des articles 1er et 6 du décret du 28 août 2015, une indemnité de sujétions est allouée aux personnels enseignants, aux conseillers principaux d'éducation, aux personnels de direction, aux personnels administratifs et techniques, aux psychologues de l'éducation nationale de la spécialité " éducation, développement et apprentissage " qui exercent leurs fonctions dans les écoles ou établissements relevant, respectivement, du programme " Réseau d'éducation prioritaire renforcé " (REP+) ou du programme " Réseau d'éducation prioritaire " (REP), ainsi qu'aux personnels sociaux et de santé affectés dans ces écoles ou établissements. En vertu de l'article 11 du même décret, cette indemnité de sujétions est allouée aux psychologues de l'éducation nationale de la spécialité " éducation, développement et conseil en orientation scolaire et professionnelle " ainsi qu'aux personnels sociaux et de santé qui, même sans être affectés dans les écoles ou établissements relevant des programmes REP+ ou REP, exercent leurs fonctions dans au moins une de ces écoles ou établissements.
4. D'autre part, aux termes de l'article 1err du décret du 29 août 2016 relatif aux agents contractuels recrutés pour exercer des fonctions d'enseignement, d'éducation et d'orientation dans les écoles, les établissements publics d'enseignement du second degré ou les services relevant du ministre chargé de l'éducation nationale : " Des agents contractuels peuvent être recrutés pour exercer des fonctions d'enseignement, d'éducation et d'orientation dans les écoles, les établissements publics d'enseignement du second degré ou les services relevant du ministre chargé de l'éducation nationale, en application des articles 4, 6, 6 bis, 6 quater et 6 quinquies de la loi du 11 janvier 1984. (...) ". Aux termes de l'article 11 du même décret : " Les agents contractuels régis par le présent décret perçoivent, dans les mêmes conditions que les agents titulaires exerçant les mêmes fonctions, les primes et indemnités dont ces derniers bénéficient, sauf disposition réglementaire en réservant expressément le bénéfice aux seuls fonctionnaires ". En conséquence de ces dispositions, les agents contractuels exerçant des fonctions d'enseignement, d'orientation et d'éducation dans les écoles ou établissements relevant des programmes REP+ ou REP bénéficient de l'indemnité de sujétions prévue par le décret du 28 août 2015.
5. En outre, aux termes de l'article L. 917-1 du code de l'éducation dans sa version applicable au présent litige : " Des accompagnants des élèves en situation de handicap peuvent être recrutés pour exercer des fonctions d'aide à l'inclusion scolaire de ces élèves, y compris en dehors du temps scolaire. Ils sont recrutés par l'Etat, par les établissements d'enseignement mentionnés au chapitre II du titre Ier et au titre II du livre IV de la deuxième partie ou par les établissements mentionnés à l'article L. 442-1. Lorsqu'ils sont recrutés par ces établissements, leur recrutement intervient après accord du directeur académique des services de l'éducation nationale. (...) Ils peuvent exercer leurs fonctions dans l'établissement qui les a recrutés, dans un ou plusieurs autres établissements ainsi que, compte tenu des besoins appréciés par l'autorité administrative, dans une ou plusieurs écoles. Dans ce dernier cas, les directeurs d'école peuvent participer à la procédure de recrutement. (...) Les accompagnants des élèves en situation de handicap bénéficient d'une formation spécifique pour l'accomplissement de leurs fonctions, mise en œuvre en collaboration avec les associations d'aide aux familles d'enfants en situation de handicap. (...) Ils sont recrutés par contrat d'une durée de trois ans, renouvelable une fois. Lorsque l'Etat conclut un nouveau contrat avec une personne ayant exercé pendant six ans en qualité d'accompagnant des élèves en situation de handicap en vue de poursuivre ces missions le contrat est à durée indéterminée. Pour l'appréciation de la durée des six ans, les services accomplis à temps incomplet et à temps partiel sont assimilés à des services à temps complet. Les services accomplis de manière discontinue sont pris en compte, sous réserve que la durée des interruptions n'excède pas quatre mois. Les services accomplis en qualité d'assistant d'éducation pour exercer des fonctions d'aide à l'inclusion scolaire des élèves en situation de handicap sont assimilés à des services accomplis en qualité d'accompagnant des élèves en situation de handicap ".
6. Enfin, il ressort de la circulaire n° 2017-084 du 3 mai 2017 intitulée " missions et activités des personnels chargés de l'accompagnement des élèves en situation de handicap " que les AESH contribuent à la mise en œuvre du projet personnalisé de scolarisation et participent aux réunions des équipes de suivi de la scolarisation. La circulaire précise que les accompagnants ont pour mission d'assurer les conditions de sécurité et de confort, d'aider aux actes essentiels de la vie et de favoriser la mobilité. Pour ce faire, ils doivent stimuler les activités sensorielles, motrices et intellectuelles de l'élève en fonction de son handicap, de ses possibilités et de ses compétences, utiliser des supports adaptés et conçus par des professionnels, pour l'accès aux activités, comme pour la structuration dans l'espace et dans le temps, faciliter l'expression de l'élève, l'aider à communiquer, rappeler les règles à observer durant les activités, contribuer à l'adaptation de la situation d'apprentissage, en lien avec l'enseignant, par l'identification des compétences, des ressources, des difficultés de l'élève, soutenir l'élève dans la compréhension et dans l'application des consignes pour favoriser la réalisation de l'activité conduite, assister l'élève dans l'activité d'écriture et la prise de notes, quel que soit le support utilisé et appliquer les consignes prévues par la réglementation relative aux aménagements des conditions de passation des épreuves d'examens ou de concours et dans les situations d'évaluation, lorsque sa présence est requise. Les accompagnants d'élèves en situation de handicap doivent par ailleurs accompagner les élèves dans les activités de la vie sociale et relationnelle, participer à la mise en œuvre de l'accueil en favorisant la mise en confiance de l'élève et de l'environnement, favoriser la communication et les interactions entre l'élève et son environnement, sensibiliser l'environnement de l'élève au handicap et prévenir les situations de crise, d'isolement ou de conflit, favoriser la participation de l'élève aux activités prévues dans tous les lieux de vie considérés et contribuer à définir le champ des activités adaptées aux capacités, aux désirs et aux besoins de l'élève. La circulaire du ministre de l'éducation nationale n° 2019-090 du 5 juin 2019 précise que les accompagnants d'élèves en situation de handicap sont considérés comme des membres à part entière de la communauté éducative et comme participant au collectif de travail des écoles.
7. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. Ces modalités de mise en œuvre du principe d'égalité sont applicables à l'édiction de normes régissant la situation d'agents publics qui, en raison de leur contenu, ne sont pas limitées à un même corps ou à un même cadre d'emplois de fonctionnaires.
8. Il ressort des pièces du dossier que le décret du 28 août 2015 a institué une indemnité, dite de sujétions, au bénéfice des personnels qu'il énumère et qui sont affectés ou exercent dans les écoles ou établissements relevant des programmes REP+ ou REP. Cette indemnité vise, d'une part, à prendre en compte les sujétions particulières attachées aux conditions d'exercice par ces personnels de leurs fonctions et à les inciter à demander une affectation et à servir durablement dans ces écoles ou établissements, de façon à y améliorer la stabilité des équipes pédagogiques et de vie scolaire, et, d'autre part, à la suite de la modification du décret du 28 août 2015 par le décret du 28 juin 2021, à valoriser l'engagement professionnel collectif des équipes exerçant dans une école ou un établissement relevant du programme REP+.
9. Le décret du 28 août 2015 accorde le bénéfice de cette indemnité de sujétions à l'ensemble des personnels enseignants, des conseillers principaux d'éducation, des personnels de direction, des personnels administratifs et techniques, et des psychologues de l'éducation nationale de la spécialité " éducation, développement et apprentissage " qui exercent leurs fonctions dans les écoles ou établissements relevant des programmes REP+ et REP. En vertu des dispositions du décret du 29 août 2016, les agents contractuels recrutés pour exercer des fonctions d'enseignement, d'éducation et d'orientation dans ces mêmes écoles ou établissements bénéficient également de cette indemnité de sujétions, sans qu'y fasse obstacle, le cas échéant, la circonstance qu'ils soient recrutés par contrat à durée déterminée.
10. Il ressort des pièces du dossier que les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) participent, de par leur mission d'assistance aux équipes éducatives, au sein des établissements d'enseignement et notamment à l'occasion du temps scolaire, à l'exercice des fonctions d'enseignement et à l'engagement professionnel collectif de ces équipes, et que, dès lors, au regard de la nature de leurs missions et des conditions d'exercice de leurs fonctions, et ce quel que soit le mode de leur intervention, aux côtés d'un ou de plusieurs élèves, les AESH servant dans les écoles ou établissements relevant des programmes REP+ et REP sont exposés à des sujétions comparables à celles des personnels titulaires et contractuels bénéficiant de l'indemnité de sujétions en application des décrets du 28 août 2015 et du 29 août 2016. Si le ministre fait valoir que les élèves en situation de handicap ne supportent pas, à raison de leur scolarisation dans les secteurs concernés, de difficultés spécifiques, autres que leur handicap, de nature à justifier que des sujétions particulières soient reconnues, il ne ressort pas des pièces du dossier que les sujétions propres aux activités d'enseignement dans les secteurs REP+ et REP n'affectent pas, également, les élèves scolarisés dans ces secteurs et atteints d'un handicap, et que, dès lors, elles ne se cumulent pas à leur handicap. Si le ministre fait valoir en outre que les AESH n'apportent leur assistance qu'à un nombre restreint d'élèves, et que cette assistance n'est dès lors pas affectée lorsqu'elle a lieu dans un établissement relevant des programmes REP+ et REP, mais peut même se voir allégée dès lors que les classes ouvertes dans ces établissements bénéficient d'un système de dédoublement, cette prise en charge d'un effectif réduit d'élèves, qui d'ailleurs prévaut également en dehors des secteurs REP+ et REP, tient compte précisément des contraintes spécifiques aux élèves en situation de handicap. A cet égard, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'indemnité en cause ne soit pas également versée à des personnels effectuant leur service dans des classes dédoublées. Enfin, les autres circonstances, avancées par le ministre, tenant à la particularité du statut des AESH et de leur mode de recrutement, et à la durée maximale de leur période d'engagement, qui reste, en l'état des dispositions applicables à la date de la présente décision, limitée à six années, ne sont pas de nature, eu égard à l'objet de l'indemnité instituée par le décret du 28 août 2015, à justifier de les exclure du bénéfice de l'indemnité en cause.
11. Ainsi, eu égard à l'objectif poursuivi par l'institution d'une indemnité spécifique au bénéfice des personnels affectés dans un établissement d'enseignement situé en zone " Réseau d'éducation prioritaire " ou " Réseau d'éducation prioritaire renforcé " pour tenir compte des sujétions inhérentes à l'exercice des missions dans ces établissements, aux conditions sus-rappelées dans lesquelles les accompagnants d'enfants en situation de handicap apportent leur concours au service public de l'enseignement dans ces établissements et à l'existence de sujétions comparables, le refus d'octroyer à l'intimé l'indemnité en litige a porté atteinte à l'égalité de traitement entre agents publics, il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 14 décembre 2022.
Sur les frais du litige :
12. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Abbar, avocate de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Abbar de la somme totale de 2 000 euros.
D E C I D E :
Article 1er : L'intervention du syndicat Sud Education Paris est admise.
Article 2 : La requête du ministre de l'éducation nationale est rejetée.
Article 3 : L'Etat versera à Me Abbar, conseil de M. B..., une somme de 2 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de l'éducation nationale, à M. A... B... et au syndicat Education Sud Paris.
Délibéré après l'audience du 11 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- Mme Boizot, première conseillère,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 8 novembre 2024.
La rapporteure,
S. BOIZOTLe président,
S. CARRERELa greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA00613 2