Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société d'exploitation des cinémas Hickson a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la décision en date du 19 novembre 2018 par laquelle le ministre de l'action et des comptes publics a accordé un agrément sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts à la société par actions simplifiée Ki Tii Ré au titre de la construction d'un cinéma multiplexe de 14 salles à Dumbéa.
Par un jugement n° 2200275 du 8 décembre 2022, le tribunal administratif de
Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 8 février 2023, 13 juin 2023 et 8 février 2024, la société d'exploitation des cinémas Hickson, représentée par Me Sacksick et Me Jouvin, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 8 décembre 2022 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) d'annuler la décision en date du 19 novembre 2018 par laquelle le ministre de l'action et des comptes publics a accordé un agrément sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts à la société par actions simplifiée Ki Tii Ré au titre de la construction d'un cinéma multiplexe de 14 salles à Dumbéa ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a intérêt et qualité à agir ;
- elle partage un " cercle d'intérêts " extrêmement étroit avec la société bénéficiaire de l'agrément litigieux, de nature à lui conférer un intérêt pour agir en raison des effets économiques qui résultent de sa délivrance ;
- l'exception de recours parallèle et la sécurité juridique ne peuvent lui être opposées ;
- cet agrément équivaut à une subvention ;
- l'agrément litigieux lui fait grief économiquement ;
- l'Etat est incompétent pour contrôler l'implantation des cinémas en Nouvelle-Calédonie ;
- la procédure d'agrément fiscal a permis un détournement de procédure ;
- les dispositions du code du cinéma et de l'image animée ne pouvaient être appliquées ;
- l'agrément méconnaît le III de l'article 217 undecies du code général des impôts ;
- elle reprend pour le surplus ses écritures de première instance.
Par des mémoires en défense enregistrés les 17 avril et 5 juillet 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable ;
- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
La SAS Ki Tii Ré n'a pas produit d'observations en défense.
Par ordonnance du 8 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 9 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;
- le code général des impôts
- le code de justice administrative dans sa rédaction applicable en Nouvelle-Calédonie.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public,
- les observations de Me Grairia, substituant Me Sacksick et Me Jouvin, pour la société d'exploitation des cinémas Hickson.
Une note en délibéré a été présentée le 7 novembre 2024 par la société d'exploitation des cinémas Hickson.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Société d'exploitation des cinémas Hickson (SECH), a sollicité, le 6 juin 2017, le bénéfice d'un agrément auprès de la direction générale des finances publiques afin de bénéficier du régime d'aide à l'investissement prévu par les dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, au titre d'un programme d'investissement consistant en la construction d'un cinéma multiplexe sur la commune du Mont-Dore. Par un courrier du 19 novembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics a indiqué qu'il envisageait de donner une suite défavorable à cette demande et a invité la société requérante à saisir la commission consultative nationale. Par courrier du 6 février 2019, le ministre a opposé un refus à la demande d'agrément à la suite de l'avis négatif rendu par cette commission le 20 janvier 2019. Par ailleurs, la société par actions simplifiée Ki Tii Ré (KTR) a sollicité le 19 avril 2017 le bénéfice des mêmes dispositions du code général des impôts au titre d'un programme d'investissement consistant en la construction d'un cinéma multiplexe sur la commune de Dumbéa. Par une décision du 19 novembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics a fait droit à sa demande et lui a accordé l'agrément fiscal sollicité. La SARL SECH relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 novembre 2018 par laquelle le ministre de l'action et des comptes publics a accordé l'agrément prévu par les dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts à la SAS KTR.
2. Aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts : " I.- Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent (...) en Nouvelle-Calédonie (...) dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34 (...) La réduction d'impôt prévue au présent I s'applique, dans les conditions prévues au vingt-sixième alinéa, aux investissements réalisés, par une société soumise de plein droit à l'impôt sur les sociétés dont les actions sont détenues intégralement et directement par des contribuables, personnes physiques, domiciliés en France au sens de l'article 4 B. En ce cas, la réduction d'impôt est pratiquée par les associés dans une proportion correspondant à leurs droits dans la société. L'application de cette disposition est subordonnée au respect des conditions suivantes : 1° Les investissements ont reçu un agrément préalable du ministre chargé du budget dans les conditions prévues au III de l'article 217 undecies (...) ".
3. Aux termes de l'article 217 undecies du même code : " III. - 1. Pour ouvrir droit à déduction, les investissements (...) doivent avoir reçu l'agrément préalable du ministre chargé du budget, après avis du ministre chargé de l'outre-mer. L'organe exécutif des collectivités d'outre-mer compétentes à titre principal en matière de développement économique est tenu informé des opérations dont la réalisation le concerne. / L'agrément est délivré lorsque l'investissement : a) Présente un intérêt économique pour le département dans lequel il est réalisé ; il ne doit pas porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou constituer une menace contre l'ordre public ou laisser présumer l'existence de blanchiment d'argent ; b) Poursuit comme l'un de ses buts principaux la création ou le maintien d'emplois dans ce département ; c) S'intègre dans la politique d'aménagement du territoire, de l'environnement et de développement durable ; d) Garantit la protection des investisseurs et des tiers. (...) ".
4. Une société est sans qualité à agir pour contester l'application individuelle par l'administration fiscale à une autre société de dispositions de la loi fiscale et par suite à demander l'annulation de la décision d'agrément accordée à cette autre société et permettant aux associés de cette dernière de bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'elle réalise. Ainsi et alors même que la société requérante était en concurrence avec la SAS KTR pour la création d'un cinéma multiplexe dans la région de Nouméa, que l'instruction de ces projets a été effectuée simultanément, que la réalisation du projet de la société concurrente a eu un impact sur l'activité de la société SECH, et sans que puissent être utilement invoquées les conditions de recevabilité d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre une aide, une subvention, une instruction administrative, ou une prise de position formelle sur une situation de fait au regard d'un texte fiscal, la SARL SECH est sans qualité pour demander l'annulation de la décision d'agrément accordée à la société concurrente.
5. Il résulte de tout ce qui précède que la société SECH n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouvelle Calédonie a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de la requête présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société d'exploitation des cinémas Hickson est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Société d'exploitation des cinémas Hickson, à la SAS Ki Tii Ré et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie et au ministre chargé de l'outre-mer.
Délibéré après l'audience du 6 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Vidal, présidente de chambre,
- M. Magnard, premier conseiller,
- M. Segretain, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2024.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLa présidente,
S. VIDAL
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en ce qui le concerne, ou à tous les commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA00538 2