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06/12/2024 | FRANCE | N°23PA02078

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 06 décembre 2024, 23PA02078


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Charpente Cenomane a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle l'établissement public du Palais de la découverte et de la Cité des sciences et de l'industrie (Universcience) a rejeté sa réclamation notifiée le 25 février 2021 et de condamner Universcience à lui verser la somme de 232 248 euros assortie des intérêts moratoires, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison du décalage du chantie

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Charpente Cenomane a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle l'établissement public du Palais de la découverte et de la Cité des sciences et de l'industrie (Universcience) a rejeté sa réclamation notifiée le 25 février 2021 et de condamner Universcience à lui verser la somme de 232 248 euros assortie des intérêts moratoires, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison du décalage du chantier de réalisation des structures éphémères de l'opération " Hors les murs ".

Par un jugement n° 2114164/4-2 du 13 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 mai 2023 et le 8 septembre 2023, la société Charpente Cenomane, représenté par la SARL Chrome avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 mars 2023 ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle l'établissement public du Palais de la découverte et de la Cité des sciences et de l'industrie (Universcience) a rejeté sa réclamation notifiée le 25 février 2021 et de condamner Universcience à lui verser la somme de 232 248 euros assortie des intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge d'Universcience une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, ses conclusions à fin d'annulation de la décision de rejet de son mémoire en réclamation sont recevables ;

- le report de son intervention décidé par Universcience lui a causé un préjudice direct à hauteur de 3 648 euros pour le temps de manutention et de protection supplémentaire de ses installations, et de 9 600 euros pour l'occupation de son entrepôt ;

- elle a également subi un préjudice assimilable à une perte d'industrie, correspondant au défaut d'amortissement de ses frais généraux ainsi qu'à la perte de marge nette qu'elle entendait réaliser ;

- la responsabilité contractuelle d'Universcience est engagée en raison de la faute commise dans l'exercice de ses missions de direction du chantier et de mise en œuvre du marché, à l'origine de l'allongement du chantier ;

- la situation à l'origine du décalage du chantier doit être qualifiée de sujétions imprévues ayant entraîné un bouleversement du contrat et ouvrant droit à indemnisation ;

- elle est fondée à demander l'indemnisation de ses préjudices en application de l'article 20.3 du CCAG FCS de 2009, du fait du défaut de mise à disposition du site.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2023, l'établissement public du Palais de la découverte et de la Cité des sciences et de l'industrie (Universcience) conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société

Charpente Cenomane au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le moyen de régularité soulevé contre le jugement n'est pas fondé ;

- la société requérante ne démontre pas que les préjudices dont elle demande réparation sont la conséquence d'une faute d'Universcience dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction ou d'une sujétion imprévue ayant bouleversé l'économie générale du contrat ;

- le montant des préjudices allégués n'est pas justifié.

Par ordonnance du 25 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 16 mai 2024.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ;

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics ;

- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bruston,

- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,

- et les observations de Me Pic-Blanchard, représentant la société Charpente Cenomane, et de Me Larmet, représentant l'établissement public du Palais de la découverte et de la Cité des sciences et de l'industrie.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement signé le 17 mai 2019, l'établissement public du Palais de la découverte et de la Cité des sciences et de l'industrie (Universcience) a confié au groupement conjoint constitué de la société Construire, architecte, et de la société Charpente Cenomane, chargée de la construction, un marché de conception et de réalisation des structures éphémères de l'opération " Hors les murs ". Ce marché de fournitures à prix forfaitaire a été conclu pour un montant total hors taxes de 1 575 000 euros, dont 1 500 000 euros pour la part confiée à la société Charpente Cenomane, et pour une durée de cinq ans, comprenant la réalisation, l'exploitation et le démontage, à terme, des structures. Universcience a informé, le 11 décembre 2019, la société Charpente Cenomane de la nécessité de décaler la phase de " réalisation " sur site du

2 février 2020 au 6 avril 2020. Le 20 janvier 2020, la société Charpente Cenomane a transmis à Universcience un état provisoire des préjudices qu'elle estimait subir en raison de ce décalage. Le 8 avril 2020, les parties ont signé un avenant n° 2, ayant pour objet l'évolution du calendrier d'exécution des prestations, entérinant le début de la phase " réalisation " au 13 avril 2020, ainsi que l'évolution du montant du marché, porté à 1 658 193,55 euros hors taxes. Par un courrier du 28 mai 2020, Universcience a informé la société Charpente Cenomane de son refus de lui verser les sommes demandées dans sa réclamation. Le 25 février 2021, la société Charpente Cenomane a transmis une réclamation actualisée définitive, pour une somme de 232 248 euros. Le silence gardé par Universcience a fait naître une décision implicite de rejet le 25 avril 2021. La société Charpente Cenomane relève appel du jugement du 13 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite par laquelle Universcience a rejeté sa réclamation notifiée le 25 février 2021, et de condamnation de cet établissement public à lui verser la somme de 232 248 euros, assortie des intérêts moratoires en vigueur.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le refus opposé par Universcience à la demande préalable d'indemnisation formée le 25 février 2021 par la société Charpente Cenomane a eu pour seul effet de lier le contentieux et n'est pas détachable de l'exécution du contrat. Dès lors, le tribunal administratif n'a pas entaché son jugement d'irrégularité en jugeant que les conclusions tendant à l'annulation de cette décision devaient être rejetées comme irrecevables.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'alors que la société Charpente Cenomane avait transmis un planning approuvé par le maître d'ouvrage, décomposant ses temps d'intervention et prévoyant qu'elle devait intervenir sur site à compter du 3 février 2020, nécessitant en amont un début de production en ateliers au 2 décembre 2019, un ordre de service de démarrage daté du 29 janvier 2020 a cependant prescrit une date de première intervention sur site le 13 avril 2020, soit avec un décalage de deux mois. La société Charpente Cenomane soutient que l'établissement public a commis plusieurs fautes qui ont entraîné le décalage de son intervention sur site, d'une part, dans la direction du chantier, en ne procédant pas à la transplantation des arbres et en ne mettant pas tout en œuvre pour que la ville de Paris procède, dans les délais prévus, à la taille des arbres nécessaire à son intervention sur site, d'autre part, en l'informant tardivement du report de son intervention, et enfin, dans l'estimation de ses besoins, en annonçant tardivement une modification des prestations demandées.

5. D'une part, il résulte de l'instruction, en particulier des termes de la convention d'occupation du domaine public produite par Universcience, que la préparation du site appartenant au domaine de la ville de Paris, notamment la taille des arbres, préalable indispensable à l'intervention de la société requérante sur site, était contractuellement à la charge de la

ville de Paris, tandis que le transplantation de plusieurs autres arbres dans l'enceinte d'un espace vert de la ville de Paris, qui devait être matériellement réalisée par Universcience, ne pouvait être mise en œuvre sans l'aval de la ville, propriétaire du domaine. Or, cette dernière a annoncé à l'établissement public, le 10 décembre 2019, après plusieurs relances de ce dernier, attestées par la production de courriels, qu'elle avait reporté son intervention sur les arbres au 30 mars 2020. Toutefois, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, il ne résulte pas de l'instruction que l'établissement public défendeur disposait de pouvoirs de contrôle et de direction à l'encontre de la ville de Paris. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction qu'une information tardive de la société Charpente Cenomane sur la nécessité de reporter son intervention serait à l'origine d'une aggravation du retard pris par le chantier, dès lors que la société a pu se conformer aux nouveaux délais qui lui ont été prescrits.

6. D'autre part, s'il résulte de l'instruction, notamment de l'avenant n° 2 conclu le

8 avril 2020 afin d'acter les moins-values et plus-values générées par les modifications des prestations, que l'établissement public a sollicité des modifications dans les prestations dues au marché, entraînant une augmentation du montant du marché pour l'entreprise requérante de 83 193,55 euros hors taxes, il ne résulte en revanche pas de l'instruction que ces modifications, arrêtées lors d'une réunion tenue le 19 décembre 2019, aient eu un impact sur le respect des délais contractuels, alors que les opérations sur les arbres, nécessaires à l'intervention de l'entreprise sur site, n'ont pas été réalisées avant mars 2020, empêchant la réalisation des travaux sur site avant cette date. Par suite, la société requérante n'établit pas le lien entre les modifications de prestations demandées et le retard invoqué.

7. Il résulte de ce qui précède que la société Charpente Cenomane n'est pas fondée à soutenir que l'établissement public Universcience aurait commis des fautes à l'origine de l'allongement de la durée du chantier.

8. En second lieu, ne peuvent être regardées comme des sujétions techniques imprévues que des difficultés matérielles rencontrées lors de l'exécution d'un marché, présentant un caractère exceptionnel, imprévisibles lors de la conclusion du contrat et dont la cause est extérieure aux parties.

9. Il résulte de l'instruction que le retard pris par la ville de Paris, dans la taille des arbres nécessaire à l'intervention de la société requérante sur site ne peut être regardé comme une difficulté exceptionnelle, dès lors que cette circonstance n'est à l'origine que d'un décalage du calendrier de onze semaines, soit une ampleur relativement limitée au regard de la durée totale du marché prévu pour une durée de cinq ans. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à solliciter une indemnisation au titre des sujétions imprévues.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article 20.3 du CCAG FCS applicable au marché : " 20.3. Si la disposition des locaux désignés entraîne des difficultés exceptionnelles de manutention, non prévues par les documents particuliers du marché, les frais supplémentaires de livraison qui en résultent sont rémunérés distinctement. Ces prestations de manutention donnent lieu à l'établissement d'un avenant. ". La société Charpente Cenomane ne peut utilement invoquer ces stipulations en l'absence de conclusion d'un avenant relatif à des prestations de manutentions supplémentaires.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Charpente Cenomane n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais de l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'établissement public Universcience, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par la société Charpente Cenomane sur le fondement de ces dispositions. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société

Charpente Cenomane la somme de 1 500 euros à verser à Universcience au titre des frais de justice.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Charpente Cenomane est rejetée.

Article 2 : La société Charpente Cenomane versera une somme de 1 500 euros à l'Etablissement public du palais de la découverte et de la cité des sciences et de l'industrie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Charpente Cénomane et à l'Etablissement public du palais de la découverte et de la cité des sciences et de l'industrie.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Doumergue, présidente,

Mme Bruston, présidente assesseure,

M. Mantz, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2024.

La rapporteure,

S. BRUSTON

La présidente,

M. DOUMERGUE

La greffière,

E. FERNANDO

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 23PA02078 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02078
Date de la décision : 06/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: Mme Servane BRUSTON
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : SEBAN ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-06;23pa02078 ?
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