Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Européenne premium assurances a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de retenue à la source au titre des années 2015 et 2016 qui ont été mis à sa charge ainsi que des majorations correspondantes.
Par un jugement n° 2001555/1-3 du 19 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 15 juin et 10 octobre 2023, la société Européenne premium assurances, représentée par Me Zamour et Me Zanzouri, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 19 avril 2023 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses :
3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi que la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les rémunérations versées à M. A... sont soumises au régime fiscal de l'article 62 du code général des impôts ;
- elles ne constituent ni des salaires, ni des bénéfices non commerciaux ;
- la doctrine référencée BOI-RSA-GER-10-30 est à cet égard invocable ;
- les revenus perçus n'entrent pas dans le champ de l'article 18 de la convention
franco-marocaine ;
- ils relèvent de l'article 23 de cette convention ;
- ils ne peuvent par suite pas être soumis à la retenue à la source de l'article 182 A du code général des impôts ;
- ils ne relèvent pas non plus des dispositions de l'article 182 B du code général des impôts ;
- la doctrine référencée BOI-RSA-GER-10-10-20 est à cet égard invocable ;
- le site officiel.gouv.fr des impôts rattache aux revenus non mentionnés par les conventions internationales les rémunérations des gérants majoritaires ;
- il est demandé à l'administration de fournir le document d'option de l'EURL à l'impôt sur les sociétés ;
- les rémunérations occultes ne sauraient être regardées comme des dividendes dont le traitement est régi par l'article 13 de la convention ;
- les sommes perçues ne sont pas liées à l'activité de l'établissement stable ;
- les majorations sont contestées par voie de conséquence.
Par un mémoire en défense enregistré les 11 et 13 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête de la société n'est recevable qu'à hauteur de la somme de 42 236 euros, les conclusions figurant dans la réclamation contentieuse et dans la demande introductive d'instance devant les premiers juges tendant seulement à la décharge des pénalités ;
- les moyens soulevés par la société Européenne premium assurances ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 11 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 13 novembre 2023.
Une note en délibéré a été présentée le 27 novembre 2024 par la société Européenne premium assurances.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention du 29 mai 1970 entre la République française et le Royaume du Maroc tendant à éliminer les doubles impositions et à établir des règles d'assistance mutuelle en matière fiscale ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public,
- et les observations de Me Zamour, représentant la société Européenne premium assurances.
Considérant ce qui suit :
1. La société Européenne premium assurances, dont M. A... est le gérant, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2015 et 2016. Des rappels de retenue à la source portant sur les années 2015 et 2016 ainsi que des pénalités ont été notifiés à la société par une proposition de rectification du 1er octobre 2018. La société requérante relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge de ces impositions et des majorations correspondantes.
Sur la retenue à la source établie sur les rémunérations versées à M. A... :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
2. Aux termes de l'article 182 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " I. - Donnent lieu à l'application d'une retenue à la source lorsqu'ils sont payés par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés, relevant de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, qui n'ont pas dans ce pays d'installation professionnelle permanente :/a. Les sommes versées en rémunération d'une activité déployée en France dans l'exercice de l'une des professions mentionnées à l'article 92 ;/b. Les produits définis à l'article 92 et perçus par les inventeurs ou au titre de droits d'auteur, ceux perçus par les obtenteurs de nouvelles variétés végétales au sens des articles L. 623-1 à L. 623-35 du code de la propriété intellectuelle ainsi que tous produits tirés de la propriété industrielle ou commerciale et de droits assimilés ;/c. Les sommes payées en rémunération des prestations de toute nature fournies ou utilisées en France./d. Les sommes, y compris les salaires, correspondant à des prestations sportives fournies ou utilisées en France, nonobstant les dispositions de l'article 182 A ; ".
3. L'administration a à l'origine établi une retenue à la source sur les rémunérations versées à M. A..., résident marocain, en se fondant sur les dispositions, applicables aux salaires versés, de l'article 182 A du code général des impôts, aux termes desquelles : " A l'exception des salaires entrant dans le champ d'application de l'article 182 A bis, les traitements, salaires, pensions et rentes viagères, de source française, servis à des personnes qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France donnent lieu à l'application d'une retenue à la source ". Si la société requérante soutient que les rémunérations versées à M. A... sont soumises au régime fiscal de l'article 62 du code général des impôts, l'administration, qui est en droit d'invoquer à tout moment de la procédure contentieuse tous moyens de nature à justifier du
bien-fondé des impositions contestées, dès lors, qu'ainsi qu'il est le cas en l'espèce, le contribuable n'a été privé d'aucune garantie attachée au nouveau fondement invoqué, fait valoir que les rémunérations soumises au régime fiscal de l'article 62 du code général des impôts et versées à M. A..., résident marocain peuvent être passibles de la retenue à la source sur la base des dispositions précitées de l'article 182 B du code général des impôts. La société requérante fait valoir que les rémunérations relevant de l'article 62 du code général des impôts ne sont pas des bénéfices non commerciaux et ne relèvent par suite pas non plus des dispositions de l'article 182 B du même code. Il résulte toutefois des dispositions de cet article que si les sommes versées en rémunération d'une activité déployée en France dans l'exercice de l'une des professions mentionnées à l'article 92 donnent lieu à l'application d'une retenue à la source, il en est de même des sommes payées en rémunération des prestations de toute nature fournies ou utilisées en France. Il suit de là que les prestations effectuées par un gérant majoritaire peuvent donner lieu à l'application d'une retenue à la source. Les doctrines administratives référencées BOI-RSA-GER-10-30 et BOI-RSA-10-10-20 invoquées, notamment en tant qu'elles indiquent que les rémunérations de gérant ne sont pas constitutives de bénéfices non commerciaux mais sont taxables sur le fondement de l'article 62 du code général des impôts, ne contiennent en tout état de cause aucune interprétation du c. de l'article 182 B du code général des impôts différente de ce qui précède.
En ce qui concerne l'application de la convention fiscale franco-marocaine :
4. Aux termes de l'article 23 de la convention fiscale franco-marocaine du
29 mai 1970 : " Les revenus non mentionnés aux articles précédents ne sont imposables que dans l'Etat contractant du domicile fiscal du bénéficiaire, à moins que ces revenus ne se rattachent à l'activité d'un établissement stable que ce bénéficiaire posséderait dans l'autre Etat contractant ". La société requérante, qui a son siège social et son activité en France, a pour unique associé M. A.... Les rémunérations qu'elle verse à ce dernier doivent par suite être regardées comme se rattachant à l'activité d'un établissement stable que leur bénéficiaire possède en France. Elle n'est par suite pas fondée à se prévaloir des stipulations précitées pour soutenir que, dès lors que les sommes contestées n'ont pas le caractère de revenus mentionnés par la convention, les rémunérations qu'elle a versées à M. A... n'étaient imposables qu'au Maroc. Les mentions trouvées sur le site internet du service des impôts, notamment en tant qu'ils rattachent les revenus de gérants majoritaires aux revenus non mentionnés dans les conventions, ne font en tout état de cause pas de ces stipulations une interprétation différente.
Sur la retenue à la source établie sur les dividendes versés à M. A... :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
5. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ". Le 2 de l'article 119 bis du code général des impôts dispose que : " Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) ". Enfin, aux termes de l'article 108 du même code : " Les dispositions des articles 109 à 117 fixent les règles suivant lesquelles sont déterminés les revenus distribués par :/1° Les personnes morales passibles de l'impôt prévu au chapitre II du présent titre ;/ 2° Les personnes morales et sociétés en participation qui se sont volontairement placées sous le même régime fiscal en exerçant l'option prévue au 3 de l'article 206 ".
6. En application des dispositions de l'article 119 bis du code général des impôts, l'administration a soumis à la retenue à la source au taux de 15 % les sommes, qualifiées d'avantages occultes au sens de l'article 111 c du code général des impôts, dont a bénéficié M.A... à hauteur de 91 605 euros en 2015 et 62 089 euros en 2016.
7. En se bornant à faire valoir que " à titre liminaire, nous souhaitons avoir connaissance de l'existence de l'option à l'impôt sur les sociétés faite par l'EURL et demandons au service des impôts de bien vouloir nous transmettre le document d'option IS " sans contester formellement l'existence d'une option à cet impôt, la société requérante, qui a souscrit spontanément des déclarations d'impôt sur les sociétés depuis sa création en 2011, ne conteste pas valablement le principe de son imposition à l'impôt sur les sociétés et par suite l'application aux avantages consentis des dispositions combinées des article 109, 119 bis et 111 c du code général des impôts.
En ce qui concerne l'application de la convention fiscale franco-marocaine :
8. Aux termes de l'article 23 de la convention fiscale franco-marocaine du 29 mai 1970 : " Les revenus non mentionnés aux articles précédents ne sont imposables que dans l'Etat contractant du domicile fiscal du bénéficiaire, à moins que ces revenus ne se rattachent à l'activité d'un établissement stable que ce bénéficiaire posséderait dans l'autre Etat contractant ". La société requérante, qui a son siège social et son activité en France, a pour unique associé M. A... les sommes qu'elle verse à ce dernier doivent par suite être regardées, contrairement à ce qu'il est soutenu, comme se rattachant à l'activité d'un établissement stable que leur bénéficiaire possède en France. Elle n'est par suite, et en tout état de cause, pas fondée à se prévaloir des stipulations précitées pour soutenir que, au motif que les sommes en cause n'auraient pas le caractère de dividendes au sens de la convention et devraient en conséquence être regardées comme des revenus non mentionnés par celle-ci, lesdites sommes n'étaient imposables qu'au Maroc.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de
non-recevoir partielle opposée par l'administration, et les majorations n'étant contestées que par voie de conséquence des moyens précédemment examinés, que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Européenne premium assurances est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Européenne premium assurances et au ministre chargé du budget et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Vidal, présidente de chambre,
- Mme Bories, présidente assesseure,
- M. Magnard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 décembre 2024.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLa présidente,
S. VIDAL
La greffière,
C. ABDI-OUAMRANE
La République mande et ordonne ministre chargé du budget et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA02643 2