Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Sanofi-Aventis France et la société Allianz global corporate et specialty SE ont demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2020 du ministre des solidarités et de la santé portant nomination des membres du collège d'experts placé auprès de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et chargé d'instruire les demandes des victimes du valproate de sodium ou de l'un de ses dérivés, en tant qu'il y nomme M. A... C..., ainsi que la décision implicite du 6 octobre 2020 et la décision expresse du 17 décembre 2020 rejetant leur recours gracieux contre cet arrêté.
Par un jugement n° 2101760 du 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 février 2022 et 23 mai 2023, la société Sanofi-Aventis France, aux droits de laquelle vient la société Sanofi Winthrop Industrie, et la société Allianz global corporate et specialty SE, représentées par la Selarl Altana, demandent à la cour :
1°) de solliciter auprès de l'ONIAM la communication des règles mises en place par le collège d'experts " valproate " afin de s'assurer que les liens entre les personnes qui saisissent le collège et l'association d'aide aux parents d'enfants souffrant du syndrome de l'anticonvulsivant (APESAC) soient connus, et ce afin de garantir une effectivité des règles de déport et d'éviter toute situation de nature à générer un doute quant à l'impartialité et l'indépendance des experts ;
2°) d'annuler le jugement du 14 décembre 2021 du tribunal administratif de Montreuil ;
3°) d'annuler le 5° de l'arrêté du 24 juillet 2020 du ministre des solidarités et de la santé en tant qu'il a nommé Monsieur A... C... en qualité de membre titulaire du collège d'experts placé auprès de l'ONIAM et les décisions rejetant leur recours gracieux contre cet arrêté ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- le tribunal ne s'est pas prononcé sur les exigences d'indépendance et d'impartialité qui s'appliquent aux membres du comité d'experts, au regard du droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la notion de conflit d'intérêts, telle qu'elle figure notamment dans la charte de déontologie de la juridiction administrative ;
- l'appartenance antérieure de M. C... au conseil scientifique de l'association d'aide aux parents d'enfants souffrant du syndrome de l'anticonvulsivant (APESAC) et sa participation à la rédaction du protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) portant sur l'embryo-foetopathie au valproate s'opposaient à sa nomination au sein du collège d'experts " valproate " ;
- à tout le moins, l'application des règles de déport devrait le conduire à se déporter à chaque fois que le demandeur est membre de l'APESAC ; or, cela ne ressort pas des pièces du dossier puisque si cela avait été le cas, dès lors que la quasi-totalité des demandeurs sont membres de l'APESAC, ce déport quasi systématique aurait empêché le fonctionnement normal du comité ;
- en considérant que les exposantes ne rapportaient pas la preuve du nombre de demandeurs dont le dossier est examiné par le collège d'experts pouvant présenter un lien avec l'APESAC, justifiant le déport de M. C..., le tribunal a inversé la charge de la preuve ;
- il en résulte que l'arrêté attaqué méconnaît le principe d'impartialité ainsi que les dispositions de l'article L. 1142-24-11 du code de la santé publique ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mai 2023, le ministre de la santé et de la prévention conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.
La requête a été transmise à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux qui n'a pas produit d'observations.
Un mémoire en réponse à une demande de maintien qui leur a été adressée sur le fondement de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative a été enregistrée le 21 mai 2024 pour la société Sanofi-Aventis France, aux droits de laquelle vient la société Sanofi Winthrop Industrie, et la société Allianz global corporate et specialty SE.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 ;
- le décret n° 2020-564 du 13 mai 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Aviges pour les sociétés requérantes, et de M. B... pour la ministre de la santé et de l'accès aux soins.
Considérant ce qui suit :
1. La société Sanofi-Aventis France, aux droits de laquelle vient la société Sanofi Winthrop Industrie, et la société Allianz global corporate et specialty SE ont demandé au tribunal administratif de Montreuil l'annulation de l'arrêté du 24 juillet 2020 du ministre des solidarités et de la santé portant nomination des membres du collège d'experts placé auprès de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et chargé d'instruire les demandes des victimes du valproate de sodium ou de l'un de ses dérivés, en tant qu'il y nomme M. A... C... en qualité de membre titulaire au titre des médecins proposés par les associations d'usagers du système de santé agréées au niveau national, ainsi que l'annulation de la décision implicite du 6 octobre 2020 et de la décision expresse du 17 décembre 2020, rejetant leur recours gracieux contre cet arrêté. La société Sanofi Winthrop Industrie et la société Allianz Global Corporate et Specialty SE relèvent appel du jugement du 14 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 1142-24-10 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 : " Toute personne s'estimant victime d'un préjudice en raison d'une ou de plusieurs malformations ou de troubles du développement imputables à la prescription, avant le 31 décembre 2015, de valproate de sodium ou de l'un de ses dérivés pendant une grossesse, ou le cas échéant, son représentant légal s'il s'agit d'un mineur ou ses ayants droit, peut saisir l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales en vue d'obtenir la reconnaissance de l'imputabilité de ces dommages à cette prescription (...) ". Aux termes de l'article L. 1142-24-11 de ce code : " Un collège d'experts placé auprès de l'office procède à toute investigation utile à l'instruction de la demande (...) / La composition du collège d'experts et ses règles de fonctionnement, propres à garantir son indépendance, son impartialité et le respect du principe du contradictoire (...) sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Et aux termes de l'article L. 1142-24-12 du même code : " S'il constate un ou plusieurs dommages mentionnés à l'article L. 1142-24-10 qu'il impute à la prescription, avant le 31 décembre 2015, de valproate de sodium ou de l'un de ses dérivés pendant une grossesse, le collège d'experts émet un avis sur les circonstances, les causes, la nature et l'étendue de ces dommages ainsi que sur la responsabilité de l'une ou de plusieurs des personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 1142-5 ou de l'Etat, au titre de ses pouvoirs de sécurité sanitaire (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 1142-63-18 du code de la santé publique, dans sa version issue du décret du 13 mai 2020 relatif à l'indemnisation des victimes du valproate de sodium et de ses dérivés : " I. - Le collège d'experts mentionné à l'article L. 1142-24-11 comprend, outre son président, membre du Conseil d'Etat, magistrat de l'ordre administratif ou magistrat de l'ordre judiciaire : / 1° Un médecin compétent dans le domaine de la pédopsychiatrie ; / 2° Un médecin compétent dans le domaine de la neuropédiatrie ; / 3° Trois personnes compétentes dans les domaines de la réparation du dommage corporel et de la responsabilité médicale ; / 4° Un médecin proposé par le président du Conseil national de l'ordre des médecins ; / 5° Un médecin proposé par les associations d'usagers du système de santé ayant fait l'objet d'un agrément au niveau national dans les conditions prévues à l'article L. 1114-1 ; / 6° Un médecin proposé par les entreprises pratiquant l'assurance de responsabilité civile médicale prévue à l'article L. 1142-2 ; / 7° Un médecin proposé par les producteurs, exploitants et fournisseurs de médicaments contenant du valproate de sodium et de ses dérivés (...) ". L'article R. 1142-63-20 du même code prévoit que : " Les membres du collège sont soumis aux dispositions de l'article L. 1451-1. / Lors de chaque séance, les membres du collège signalent, s'il y a lieu, qu'ils ont un lien direct ou indirect, d'ordre familial, professionnel ou financier, avec les personnes dont la demande est examinée ou avec les professionnels de santé, établissements de santé, services ou organismes de santé ou producteurs, exploitants ou distributeurs de produits de santé concernés par cette demande. / Lorsque tel est le cas, ils ne peuvent pas participer à la préparation des avis ni siéger durant les travaux du collège. "
4. Enfin, aux termes de l'article L. 1451-1 du code de la santé publique : " (...) les membres des instances collégiales, des commissions, des groupes de travail et conseils des autorités et organismes mentionnés aux articles (...) L. 1142-22 (...) sont tenus, lors de leur prise de fonctions, d'établir une déclaration d'intérêts. / Cette déclaration (...) mentionne les liens d'intérêts de toute nature, directs ou par personne interposée, que le déclarant a, ou qu'il a eus pendant les cinq années précédant sa prise de fonctions, avec des entreprises, des établissements ou des organismes dont les activités, les techniques et les produits entrent dans le champ de compétence de l'autorité sanitaire au sein de laquelle il exerce ses fonctions ou de l'organe consultatif dont il est membre ainsi qu'avec les sociétés ou organismes de conseil intervenant dans les mêmes secteurs (...) ".
5. En premier lieu, les dispositions de la charte de déontologie des magistrats administratifs, qui ne s'appliquent qu'aux magistrats administratifs, ne peuvent pas être utilement invoquées dans le présent litige.
6. En deuxième lieu, le protocole national de diagnostic et de soins intitulé " embryo-fœtopathie au valproate " daté de mai 2017 constitue un document de référence scientifique répertoriant les critères cliniques d'identification de l'embryo-fœtopathie au valproate ainsi que les modalités de son diagnostic et de prise en charge des différents troubles du développement qu'elle cause. Il ne contient aucune mention relative à la responsabilité des producteurs de médicaments contenant du valproate ou de l'État, et son examen ne révèle aucune prise de position personnelle de ses auteurs ni aucun lien d'intérêt direct ou indirect au sens des dispositions précitées. Par suite, la seule circonstance que ce document soit utilisé par les experts lorsqu'ils doivent déterminer si les préjudices dont la réparation est demandée sont imputables au valproate de sodium et que M. C... ait participé à sa rédaction, au même titre, en outre, que cinq autres médecins et un groupe de travail multidisciplinaire composé de 25 personnes, dont les contributions respectives ne sont pas précisées, ne peut être regardée comme entachant sa nomination d'une méconnaissance du principe d'impartialité.
7. En troisième lieu, s'il est constant que M. C... a participé jusqu'en février 2020 au conseil scientifique de l'association d'aide aux parents d'enfants souffrant du syndrome de l'anticonvulsivant (APESAC), lequel a notamment pour mission " la fourniture d'un argumentaire scientifique et médical adéquat, en appui dans les conflits médiatiques et judiciaires ", sa seule appartenance à ce conseil, qui avait pris fin plusieurs mois avant sa nomination, ne peut, en elle-même, caractériser un manquement au principe d'impartialité susceptible d'entacher d'illégalité l'arrêté attaqué. Elle ne peut pas davantage démontrer l'existence d'un lien direct ou indirect, d'ordre familial, professionnel ou financier avec celles des personnes dont la demande est examinée par le comité d'experts qui seraient membres de l'APESAC, et ce alors que cette association, ainsi que la société requérante le rappelle elle-même, comprend plus de 1 000 membres. Par suite, la circonstance que M. C... ait siégé lors de l'examen de trois demandes, produites au dossier de l'instance, concernant des membres de l'APESAC partie à l'action de groupe initiée par cette association, ne suffit pas à elle seule pour établir que les avis du comité auraient, dans ces affaires en particulier ou de façon générale, été de ce seul fait rendus en méconnaissance des règles d'indépendance et d'impartialité.
8. Par suite, la nomination de M. C... au sein du collège des experts " valproate " ne méconnaît ni les dispositions, citées aux points 3 et 4, des articles L. 1451-1 et R. 1142-63-20 du code de la santé publique ni, en tout état de cause, le principe d'impartialité qui résulte des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Il résulte de ce qui précède que la société Sanofi Winthrop Industrie et la société Allianz global corporate et specialty SE ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé au regard des principes d'indépendance et d'impartialité invoqués, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 juillet 2020 en tant qu'il nomme M. A... C... et des décisions de rejet de leur recours gracieux contre cet arrêté. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la communication sollicitée par les requérantes, leurs conclusions aux fins d'annulation ainsi que, par voie de conséquences, celles qu'elles ont présentées au titre des frais liés à l'instance, doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Sanofi Winthrop Industrie et de la société Allianz global corporate et specialty SE est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sanofi Winthrop Industrie, à la société Allianz global corporate et specialty SE et à la ministre de la santé et de l'accès aux soins.
Copie en sera adressée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux.
Délibéré après l'audience du 9 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 décembre 2024.
La rapporteure,
C. Vrignon-VillalbaLa présidente,
A. Menasseyre
La greffière,
N. Couty
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA00729