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27/12/2024 | FRANCE | N°24PA03326

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 27 décembre 2024, 24PA03326


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 22 juin 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2307909

du 2 juillet 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure dev...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 22 juin 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2307909 du 2 juillet 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des pièces complémentaires enregistrées le 25 juillet 2024, Mme B..., représentée par Me Calvo Pardo, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2307909 du 2 juillet 2024 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 juin 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non admission dans le système d'informations Schengen ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :

- elles ont été prises au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur des informations provenant du fichier de traitement des antécédents judiciaires sans justifier d'une saisine complémentaire des services de police, de gendarmerie ou du parquet ;

- elles sont entachées d'une erreur de droit dès lors qu'elles sont fondées à tort sur l'existence de précédentes mesures d'éloignement ; le tribunal n'a pas répondu à ce moyen ;

- elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Ivan Luben a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante chinoise née le 2 juillet 1981, est entrée en France en juillet 2013 selon ses déclarations. Le 15 avril 2022, elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 22 juin 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Mme B... fait appel du jugement du 2 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte des termes du jugement attaqué, ainsi que le soutient Mme B..., que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commis le préfet de la Seine-Saint-Denis en se fondant sur l'existence de précédentes mesures d'éloignement pour refuser de lui délivrer un titre de séjour. Cette omission à statuer sur un moyen qui n'était pas inopérant a entaché d'irrégularité le jugement du tribunal administratif de Montreuil et Mme B... est fondée à en demander l'annulation.

3. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

En ce qui concerne les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 40-29 code de procédure pénale : " I. - Dans le cadre des enquêtes prévues à l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, (...) les données à caractère personnel figurant dans le traitement qui se rapportent à des procédures judiciaires en cours ou closes, à l'exception des cas où sont intervenues des mesures ou décisions de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenues définitives, ainsi que des données relatives aux victimes, peuvent être consultées, sans autorisation du ministère public, par : 1° Les personnels de la police et de la gendarmerie habilités selon les modalités prévues au 1° et au 2° du I de l'article R. 40-28 ; / (...) / 5° Les personnels investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités par le représentant de l'Etat. L'habilitation précise limitativement les motifs qui peuvent justifier pour chaque personne les consultations autorisées. Lorsque la consultation révèle que l'identité de la personne concernée a été enregistrée dans le traitement en tant que mise en cause, l'enquête administrative ne peut aboutir à un avis ou une décision défavorable sans la saisine préalable, pour complément d'information, des services de la police nationale ou des unités de la gendarmerie nationale compétents et, aux fins de demandes d'information sur les suites judiciaires, du ou des procureurs de la République compétents. Le procureur de la République adresse aux autorités gestionnaires du traitement un relevé des suites judiciaires devant figurer dans le traitement d'antécédents judiciaires et relatif à la personne concernée. Il indique à l'autorité de police administrative à l'origine de la demande si ces données sont accessibles en application de l'article 230-8 du présent code (...) ".

5. L'arrêté contesté relève que Mme B... est connue au fichier de traitement des antécédents judiciaires pour exécution d'un travail dissimulé et emploi d'un étranger non muni d'une autorisation de travail salarié. Si l'intéressée soutient qu'elle n'a jamais été condamnée ni même poursuivie par les autorités judiciaires et que le préfet de la Seine-Saint-Denis ne justifie pas avoir préalablement saisi les services de la police ou de la gendarmerie nationale et le procureur de la République pour des compléments d'information en ce sens, cette carence alléguée, à la supposer avérée, n'est pas, par elle-même, de nature à entacher d'irrégularité les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.

6. En deuxième lieu, Mme B... soutient que le préfet de la Seine-Saint-Denis ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, se fonder sur l'existence de précédentes mesures d'éloignement pour refuser de l'admettre exceptionnellement au séjour. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, que le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était pas fondé, notamment, sur ce motif erroné.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ". En outre, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. Mme B... se prévaut de sa présence ininterrompue en France depuis juillet 2013, de sa vie familiale aux côtés de son époux et de leurs deux enfants et de sa bonne intégration dans la société française. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressée s'est maintenue sur le territoire à la faveur de sa soustraction à deux précédentes mesures d'éloignement prises à son encontre en 2014 et en 2020. Par ailleurs, la requérante ne justifiait d'aucune insertion professionnelle à la date de la décision contestée. Enfin rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue dans son pays d'origine, qui est également celui de son mari en situation irrégulière. Ainsi Mme B... n'établit pas l'existence de considérations humanitaires ou d'un motif exceptionnel justifiant son admission au séjour. Pour les mêmes motifs, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions et stipulations précitées doivent être écartés.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

10. Mme B... soutient que l'arrêté contesté porte une atteinte manifestement disproportionnée à l'intérêt supérieur de son fils mineur âgé de douze ans et scolarisé en France depuis le cours préparatoire. Toutefois l'intéressée n'établit pas que son enfant ne pourrait poursuivre sa scolarité dans de bonnes conditions en Chine où il a passé les premières années de sa vie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

11. En premier lieu, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français vise les dispositions précitées des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que l'examen d'ensemble de la situation de Mme B... a été effectué au regard de ces dispositions. Ainsi, le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'était pas tenu de répéter l'ensemble des éléments de fait d'ores et déjà mentionnés dans son arrêté ni de se prononcer expressément sur chacun des critères mentionnés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a suffisamment motivé sa décision.

12. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en prononçant à l'encontre de Mme B... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 22 juin 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles relatives aux frais du litige ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2307909 du 2 juillet 2024 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Montreuil et le surplus de ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- M. Stéphane Diémert, président assesseur,

- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 décembre 2024.

Le président-rapporteur,

I. LUBEN

Le président assesseur,

S. DIÉMERT

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA03326 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24PA03326
Date de la décision : 27/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: M. GOBEILL
Avocat(s) : CALVO PARDO

Origine de la décision
Date de l'import : 05/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-27;24pa03326 ?
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