Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Matignon Alternatif a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution des impositions primitives de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de taxe additionnelle ainsi que des frais de gestion qu'elle a acquittés au titre des années 2017, 2018 et 2019.
Par un jugement nos 2105189, 2106870 du 6 juillet 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 septembre et 27 décembre 2023, la société Matignon Alternatif, représentée par Me Pichot demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 6 juillet 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- une activité de gestion de son propre portefeuille de valeurs mobilières qui ne donnerait lieu à aucune opération spéculative ou ne faisant pas appel à des moyens humains ou matériels ne saurait être considérée comme une activité professionnelle assujettie à la CVAE ;
- la société ne réalise pas une activité de gestion d'un portefeuille de valeurs mobilières pour le compte de ses associés ;
- elle n'a d'ailleurs quasiment pas distribué de dividendes à ses associés ;
- elle ne réalise pas d'opérations spéculatives habituelles et répétées dans le cadre de la gestion de son portefeuille de valeurs mobilières ;
- l'activité de la société se limite à la gestion de son propre patrimoine ;
- elle ne dispose pas de moyens matériels et humains ;
- l'activité de gestion de portefeuille pour le compte de tiers est une activité réglementée dont l'exercice suppose l'obtention préalable d'un agrément de la part de l'Autorité des marchés financiers ;
- le fait de bénéficier de services de gestion de portefeuille pour compte de tiers ou de conseils en investissements financiers ne saurait caractériser l'exercice d'une activité ;
- la lettre de Madame B... A... du 9 juin 2010 relative aux SICAV est invocable par analogie ;
- les critères prévus à l'article 1586 IV ne peuvent lui être opposés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens présentés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public,
- et les observations de Me Pichot, représentant la société Matignon Alternatif.
Considérant ce qui suit :
1. La société Matignon Alternatif relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution des impositions primitives de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle ainsi que des frais de gestion qu'elle a acquittés au titre des années 2017, 2018 et 2019.
2. Aux termes de l'article 1586 ter du code général des impôts : " I. Les personnes physiques ou morales ainsi que les sociétés non dotées de la personnalité morale et les fiduciaires pour leur activité exercée en vertu d'un contrat de fiducie qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 et 1447 bis et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 € sont soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ". Aux termes de l'article 1447 du code général des impôts : " I. - La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales, les sociétés non dotées de la personnalité morale ou les fiduciaires pour leur activité exercée en vertu d'un contrat de fiducie qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée (...) ". Permettent notamment de caractériser une activité professionnelle non salariée au sens de ces dispositions la régularité de l'activité et la mise en œuvre de moyens matériels ou intellectuels.
3. En premier lieu, il résulte de l'article 3 des statuts de la société Matignon Alternatif qu'elle a pour objet la réalisation, en France et dans tous pays, " de toutes opérations industrielles et commerciales se rapportant à : - la recherche et l'étude d'opportunités d'investissement dans les différents secteurs économiques, - l'investissement direct ou indirect, sous toutes formes, dans toutes activités ou entreprises, - et généralement toutes autres opérations pouvant se rattacher directement ou indirectement à l'objet social ou susceptibles d'en faciliter l'extension ou le développement ". Il résulte par ailleurs de l'instruction que la société Alternatif a pour activité l'investissement dans des valeurs mobilières de placement, et notamment dans des fonds communs de placement qui appartiennent à des sociétés de gestion d'actifs du groupe AXA dont elle fait partie et qui opèrent de nombreuses opérations d'achats et de cessions de titres, notamment dans des parts de fonds spéculatifs extérieurs au groupe, et qu'elle a au cours des exercices en litige procédé à des souscriptions complémentaires de parts dans des fonds communs de placement, ainsi qu'à la cession totale ou partielle de parts détenues dans d'autres fonds. Ces souscriptions ont été financées par des augmentations de capital souscrites par les deux associés de la société Matignon Alternatif, à savoir les sociétés d'assurance AXA France Vie et AXA France IARD. Si la société requérante fait valoir qu'elle ne se livre qu'à une gestion passive de son patrimoine, dès lors dès lors qu'elle a comptabilisé en produit net de cession de valeurs mobilières un montant de 465 237 euros au titre de 2017, de 205 464 euros au titre de 2018 et nul au titre de 2019, sommes minimes au regard de ses actifs financiers totaux, il résulte de l'instruction que les titres qu'elle détient s'inscrivent dans le cadre de la politique générale d'investissement et de rendement du groupe AXA, sont acquis en vue d'en retirer une rentabilité satisfaisante et génèrent des plus-values directes ou indirectes à échéances variables, ce qui explique un cycle de rotation plus ou moins long. La circonstance que les profits réalisés ne sont pas nécessairement distribués mais portés en réserve en vue de distributions futures n'est pas de nature à remettre en cause les constatations qui précèdent.
4. En deuxième lieu, si la société requérante soutient qu'elle ne dispose d'aucun salarié et ne met pas en œuvre des moyens matériels ou intellectuels pour la réalisation de son activité à caractère patrimonial, il résulte de l'instruction que, pour les besoins de son activité, elle a conclu le 27 juillet 2015 avec la société Axa Investment Managers Paris une convention de gestion des investissements portant sur la mise en œuvre d'une stratégie de gestion du risque de change, au travers notamment d'instruments financiers dérivés, ainsi que sur certains aspects relatifs au suivi des investissements et à la gestion juridique et administrative de la société et qu'elle verse à son cocontractant des honoraires de gestion en contrepartie des prestations fournies. Il est constant que la société Matignon Alternatif a son siège social dans les locaux du groupe AXA IM, dont elle partage les locaux et les moyens matériels. Il suit de là que l'activité de placement décrite au point 3. a été réalisée grâce aux moyens humains et matériels mis à la disposition de la société requérante par le groupe AXA, notamment dans le cadre du contrat évoqué ci-dessus.
5. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3. et 4. que l'activité de gestion de valeurs mobilières exercée par la société requérante s'exerce dans des conditions, tenant notamment à sa régularité et aux moyens matériels et intellectuels mis en œuvre, de nature à caractériser l'exercice d'une profession non salariée et non d'une simple gestion patrimoniale. Par suite, et sans que l'intéressée puisse utilement faire valoir qu'elle ne dispose d'aucun agrément pour exercer l'activité de gestion de portefeuille pour compte de tiers, la société Matignon Alternatif était assujettie à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. La société requérante, qui ne se prévaut pas de la garantie contre les changements de doctrine prévue par les dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ne saurait valablement invoquer, pour s'opposer à une imposition conforme à la loi fiscale, la lettre de Madame B... A... du 9 juin 2010 relative aux SICAV qui ne fait d'ailleurs pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle qui précède et la circonstance qu'il existe des analogies entre l'activité de la requérante et celle exercée par les SICAV.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Matignon Alternatif est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Matignon Alternatif et au ministre chargé du budget et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction des grandes entreprises.
Délibéré après l'audience du 11 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Vidal, présidente de chambre,
- M. Magnard, premier conseiller,
- M. Segretain, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2024.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLa présidente,
S. VIDAL
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre chargé du budget et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
7
N° 23PA03978 2