Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2023 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de 36 mois.
Par un jugement n° 2326532/8 du 28 février 2024, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 8 novembre 2023 en tant qu'il fixe à trois ans la durée d'interdiction de retour de Mme A... sur le territoire français et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 27 mars 2024, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 2326532/8 du 28 février 2024 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- la durée de trois ans fixée pour l'interdiction de retour sur le territoire français est fondée ;
- les autres moyens soulevés au soutien de la demande de Mme A... doivent être écartés.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 juillet et 22 octobre 2024, Mme A..., représentée par Me Partouche-Kohana, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler l'article 2 du jugement n° 2326532/8 du 28 février 2024 du tribunal administratif de Paris ;
3°) d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2023 du préfet de police ;
4°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de 15 jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle procède d'un examen insuffisamment circonstancié de sa situation ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article L. 423-23 du même code ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre ;
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire pour une durée de 3 ans :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, faute pour le préfet de police de s'être prononcé sur les quatre critères prévus par le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un courrier du 16 octobre 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que les conclusions en appel incident de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 novembre 2023 du préfet de police dans toutes ses dispositions et à ce qu'il soit fait injonction à l'autorité administrative de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation sont irrecevables, dès lors que l'intimée se borne, pour les motiver, à reproduire intégralement et exclusivement le texte de son mémoire de première instance.
Une réponse à ce moyen d'ordre public, présentée par le préfet de police, a été enregistrée le 18 octobre 2024.
Une réponse à ce moyen d'ordre public, présentée par Mme A..., a été enregistrée le 24 octobre 2024.
Par une ordonnance du 6 novembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 22 novembre 2024.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris en date du 31 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Segretain,
- et les observations de Me Partouche-Kohana, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... est une ressortissante sénégalaise, née le 4 janvier 1972, et entrée en France le 1er novembre 2004 sous couvert d'un visa de court séjour. Par un arrêté du 8 novembre 2023, le préfet de police a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de 36 mois. D'une part, le préfet de police relève appel du jugement du 28 février 2024 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a annulé la décision par laquelle le préfet de police a fixé à trois ans la durée d'interdiction de retour de Mme A... sur le territoire français. Mme A... doit, d'autre part, être regardée comme demandant, par la voie de l'appel incident, l'annulation du même jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.
Sur l'appel principal :
En ce qui concerne le moyen retenu par le tribunal administratif de Paris :
2. Aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. "
3. Pour annuler l'arrêté du préfet de police du 8 novembre 2023 en tant qu'il fixe à trois ans la durée d'interdiction de retour de Mme A... sur le territoire français, les premiers juges ont considéré que cette durée était disproportionnée au regard de l'ancienneté de la présence en France de Mme A..., supérieure à dix ans. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en France en novembre 2004 et s'est maintenue sur le territoire après l'expiration de son visa de court séjour, qu'elle a été munie de titres de séjours comme mère d'enfant français entre le 22 septembre 2011 et le 26 septembre 2014, qui ont été retirés pour fraude à la paternité le 1er avril 2016, qu'ayant sollicité son admission au séjour en tant que parent d'enfant scolarisé, elle s'est vu délivrer des titres de séjour portant la mention " vie privée et familiale " entre le 18 novembre 2019 et le 21 juin 2022 et qu'enfin elle a été condamnée le 3 décembre 2020 par la chambre des appels correctionnels de Paris à trois mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de déclaration fausse et incomplète pour obtenir d'un organisme de protection sociale une allocation ou prestation indue, commis entre le 1er juin 2014 et le 31 mars 2016. Au regard de ces seuls éléments, sa présence ne peut être regardée comme représentant une menace pour l'ordre public sur le territoire français. Il ne ressort en outre pas des pièces du dossier que Mme A... aurait déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement. Dans ces conditions, et alors qu'il est constant que Mme A..., entrée en France en 2004, y vit depuis plus de dix ans, avec ses deux filles nées en 2006 et 2010, scolarisées sur le territoire, la circonstance qu'elle ne fasse pas preuve d'une intégration particulière dans la société française ne peut suffire à justifier que soit portée à la durée maximale de trois ans l'interdiction qui lui est faite de retourner sur le territoire français. Par suite, le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et annulé l'arrêté du préfet de police du 8 novembre 2023 en tant qu'il fixe à trois ans la durée d'interdiction de retour de Mme A... sur le territoire français.
Sur l'appel incident :
4. Pour motiver l'appel incident qu'elle a formé contre le jugement attaqué, Mme A... s'est bornée à reproduire intégralement et exclusivement le texte de son mémoire de première instance et à ajouter, en dernier lieu, de manière incidente dans cette argumentation que le jugement du tribunal " allant dans le même sens " que l'arrêté devra être infirmé par la Cour. Ainsi présentées, ces conclusions ne sont pas recevables. Elles doivent, dès lors, être rejetées.
5. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 8 novembre 2023 en tant qu'il fixe à trois ans la durée d'interdiction de retour de Mme A... sur le territoire français et, d'autre part, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du même arrêté dans toutes ses dispositions. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par Mme A... à fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : Les conclusions en appel incident présentées par Mme A... sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B... A....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 11 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Vidal, présidente de chambre,
- Mme Bories, présidente assesseure,
- M. Segretain, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2024.
Le rapporteur,
A. SEGRETAINLa présidente,
S. VIDAL
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 24PA01409