Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... Touomtso Kamga de a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 6 janvier 2023 par lequel le préfet de police a procédé au retrait de sa carte de résident valable du 2 mars 2019 au 1er mars 2029 et a annulé les titres de séjour dont elle a bénéficié du 20 octobre 2005 au 1er mars 2019.
Par un jugement n° 2303881/5-4 du 26 janvier 2024, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 6 janvier 2023 et mis à la charge de l'Etat le versement à Mme Touomtso Kamga de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 27 mars 2024, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2303881/5-4 du 26 janvier 2024 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme Touomtso Kamga de devant le tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- le retrait de la carte de résident et l'annulation des titres de séjour étaient justifiés par la sollicitation et l'obtention frauduleuse, dès 2005, du titre en qualité de mère d'un enfant français ;
- les autres moyens de la demande de Mme Touomtso Kamga de doivent être écartés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2024, Mme Touomtso Kamga de, représentée par Me Nguiyan, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance du 27 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 16 octobre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention entre la République française et la République du Cameroun relative à la circulation et au séjour des personnes signée à Yaoundé le 24 janvier 1994 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Segretain a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme Touomtso Kamga de, ressortissante camerounaise née le 8 février 1966, est entrée en France en 1990 selon ses déclarations. Après avoir résidé sur le territoire sous couvert de titres de séjour en qualité d'étudiante entre 1991 et 2005, elle a bénéficié de titres de séjour puis de cartes de résident en tant que mère d'enfant français, la dernière étant valable du 2 mars 2019 au 1er mars 2029. Par un arrêté du 6 janvier 2023, le préfet de police lui a retiré sa carte de résident en cours de validité et a annulé les titres de séjour dont elle a bénéficié du 20 octobre 2005 au 1er mars 2019. Le préfet de police relève appel du jugement du 26 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 6 janvier 2023
Sur le moyen retenu par le tribunal administratif de Paris :
2. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. " Aux termes de l'article L. 423-10 du même code : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France et titulaire depuis au moins trois années de la carte de séjour temporaire prévue à l'article L. 423-7 ou d'une carte de séjour pluriannuelle délivrée aux étrangers mentionnés aux articles L. 423-1, L. 423-7 et L. 423-23, sous réserve qu'il continue de remplir les conditions prévues pour l'obtention de cette carte de séjour, se voit délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans. (...) "
3. Pour retirer la carte de résident de Mme Touomtso Kamga de et annuler les titres de séjour dont elle a bénéficié depuis le 20 octobre 2005 en qualité de parent d'un enfant français, le préfet de police s'est notamment fondé, dans l'arrêté en litige du 6 janvier 2023, sur la circonstance que l'intéressée a obtenu ses titres de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et ses cartes de résident parce qu'elle a menti sur sa situation personnelle en prétendant que son quatrième enfant né le 6 septembre 2004 était français et non camerounais. Pour établir, comme il en a la charge, le caractère frauduleux de l'obtention des titres de séjour et cartes de résident en cause, le préfet de police fait valoir, d'une part, que, à la suite d'une demande en ce sens déposée le 10 décembre 2013 par Mme Touomtso Kamga de et le père de ses trois premiers enfants, quelques mois avant l'expiration du délai de forclusion de dix ans prévu par l'article 321 du code civil pour toute action en filiation, le tribunal de grande instance de Paris a, par un jugement du 7 septembre 2015, annulé la reconnaissance de paternité anticipée de leur quatrième enfant effectuée par un ressortissant français le 26 août 2004, et rétabli le lien de filiation entre l'enfant né en septembre 2004 et son père de nationalité camerounaise. Le préfet de police souligne, d'autre part, que la reconnaissance de paternité par un tiers ressortissant français est intervenue alors qu'étaient déjà nés, en France, de la relation de Mme Touomtso Kamga de avec son conjoint et compatriote camerounais, trois enfants, en 1993, 1996 et 2001, et que cette relation perdurait nécessairement à la date de conception de son quatrième enfant, comme l'établit la filiation biologique attestée par l'expertise génétique réalisée lors de la procédure judiciaire précitée. Le préfet fait enfin valoir que, alors que Mme Touomtso Kamga de ne pouvait ignorer que les titres de séjour " étudiant " dont elle avait bénéficié pendant plus de 12 ans ne lui donnaient pas vocation à rester sur le territoire sans obtenir à terme un titre sur un autre fondement légal, elle ne verse aucune pièce témoignant de ce que l'auteur français de la reconnaissance de paternité anticipée, avec lequel Mme Touomtso Kamga de n'a jamais vécu, aurait contribué à l'entretien et l'éducation de l'enfant qu'il a reconnu et qui n'a, au surplus, jamais porté son nom. Face à ces éléments, si la requérante fait valoir que c'est seulement en raison de ressemblances morphologiques avec le père de ses trois premiers enfants qu'elle a, près de dix années plus tard, demandé l'annulation de la reconnaissance de paternité de son quatrième enfant réalisée par un tiers de nationalité française, et qu'elle en ignorait jusque-là le caractère erroné, elle n'avance aucun commencement d'explication sur l'existence de la relation avec l'auteur français de la reconnaissance de paternité et ses circonstances, susceptibles d'avoir rendu plus vraisemblable la paternité de celui-ci que celle de son conjoint, reconnu en 2015 père biologique de l'enfant. Dans ces conditions, le préfet de police doit être regardé comme apportant la preuve de ce que la reconnaissance de paternité de l'enfant de Mme Touomtso Kamga de né le 6 septembre 2004 a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française pour son fils, et de titres de séjour pour elle-même. Pour ce seul motif, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a accueilli le moyen tiré de ce que le retrait de carte de résident et l'annulation des décisions de délivrer des titres de séjour étaient illégalement fondés sur l'existence d'une fraude.
4. Il appartient toutefois à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme Touomtso Kamga de à l'encontre de l'arrêté du 6 janvier 2023 devant le tribunal administratif de Paris.
Sur les autres moyens soulevés en première instance par Mme Touomtso Kamga de :
5. En premier lieu, dès lors qu'il ressort du point 3 que le préfet de police a pu légalement fonder le retrait de sa carte de résident et l'annulation de la délivrance de ses titres de séjour sur la fraude commise par Mme Touomtso Kamga de, les moyens tirés de ce que l'arrêté est entaché d'erreurs de droit, dès lors qu'il est également fondé sur l'existence d'une menace pour l'ordre public, non prévue par les articles L. 432-12, R. 432-3 et R. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et que le renouvellement de la carte de résident était de plein droit, doivent être écartés comme inopérants.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 12 de la convention franco-camerounaise susvisée : " Après trois années de résidence régulière et non interrompue, les nationaux de chacun des Etats contractants établis sur le territoire de l'autre Etat peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans dans les conditions prévues par la législation de l'Etat de résidence (...) ".
7. D'une part, il résulte du point 3 que Mme Touomtso Kamga de ne peut être regardée comme remplissant les conditions prévues par la législation française en matière de délivrance d'une carte de résident de dix ans en tant que mère d'enfant français, et, par suite, n'entre pas, sur ce terrain, dans le champ des stipulations précitées. D'autre part, l'arrêté ne portant pas refus de délivrance d'un titre de séjour de dix ans, en l'absence de demande en ce sens formée par l'intéressée sur un autre fondement, Mme Touomtso Kamga de n'invoque pas utilement les stipulations précitées de l'article 12 de la convention franco-camerounaise susvisée.
8. Enfin, alors que l'arrêté en litige n'oblige pas Mme Touomtso Kamga de à quitter le territoire, et se borne à tirer les conséquences de la fraude qu'elle a commise en la privant notamment pour l'avenir de la carte de résident qui lui avait été délivrée en tant que mère d'enfant français, il n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation et ne porte pas d'atteinte disproportionnée à sa situation personnelle.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 6 janvier 2023 et que la demande de Mme Touomtso Kamga de présentée devant le tribunal doit être rejetée. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par Mme Touomtso Kamga de sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2303881/5-4 du 26 janvier 2024 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme Touomtso Kamga de devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par Mme Touomtso Kamga de sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A... Touomtso Kamga de.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 11 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Vidal, présidente de chambre,
- Mme Bories, présidente assesseure,
- M. Segretain, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2024.
Le rapporteur,
A. SEGRETAINLa présidente,
S. VIDAL
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 24PA01412