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30/12/2024 | FRANCE | N°24PA01413

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 30 décembre 2024, 24PA01413


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 juin 2023 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.



Par un jugement n° 2327429/8 du 28 février 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devan

t la Cour :



Par une requête, enregistrée le 27 mars 2024, M. A..., représenté par Me Rosin, demande à la Co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 juin 2023 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n° 2327429/8 du 28 février 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 mars 2024, M. A..., représenté par Me Rosin, demande à la Cour :

1°) de l'admettre provisoirement à l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 28 février 2024 ;

3°) d'annuler l'arrêté du 16 juin 2023 du préfet de police ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois, ou de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois, et de lui délivrer une autorisation de séjour portant autorisation de travail dans un délai de sept jours ;

5°) de mettre à la charge de l'État, au titre des frais de première instance, une somme de 1 250 euros hors taxe à verser à Me Rosin sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

6°) de mettre à la charge de l'État, au titre des frais exposés en appel, une somme de 1 500 euros hors taxe à verser à Me Rosin sur le fondement et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou au requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'il n'était pas admis à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le tribunal a omis de répondre au moyen, soulevé dans sa requête, tiré de ce que le préfet aurait ajouté une condition à l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ainsi entaché sa décision d'une erreur de droit.

Sur le bien-fondé du jugement :

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un défaut de motivation et d'examen ;

- elle est entachée d'une erreur de droit, dès lors que le préfet de police n'a pas procédé à une appréciation globale de sa situation, et n'a pas tenu compte de l'avis de la structure d'accueil ;

- elle est entachée d'erreur de droit, en ce que le préfet a ajouté une condition aux dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en appréciant la condition tenant au sérieux du suivi d'une formation à la date de sa décision ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation, dès lors que sa situation justifiait la délivrance d'un titre de séjour en application de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a méconnu le champ d'application de la loi en faisant application des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3, 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 30 octobre 2024 par une ordonnance du 8 octobre 2024.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris en date du 16 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bories a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant égyptien né le 26 septembre 2004, est entré en France le 25 décembre 2016 selon ses déclarations. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour le 6 juillet 2022 sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 16 juin 2023, le préfet de police a rejeté sa demande. M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler cet arrêté. Il fait appel du jugement du 28 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur l'aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l'article 8 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Toute personne admise à l'aide juridictionnelle en conserve de plein droit le bénéfice pour se défendre en cas d'exercice d'une voie de recours ". L'article 20 de la même loi dispose que : " Dans les cas d'urgence, (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que M. A..., qui a bénéficié de l'aide juridictionnelle pour l'instance qu'il a introduite devant le tribunal administratif de Paris, en conserve de plein droit le bénéfice. Au demeurant l'intéressé a de nouveau obtenu le bénéfice de cette aide par décision du 16 mai 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris. Les conclusions tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont donc sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur la régularité du jugement :

4. Il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen soulevé devant eux par M. A..., et qui n'était pas inopérant, tiré de ce que le préfet de police aurait entaché sa décision d'une erreur de droit en ajoutant aux dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile une condition tenant au suivi d'une formation ou à l'exercice d'une activité professionnelle à la date de l'admission au séjour de l'intéressé. Il suit de là que M. A... est fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'une irrégularité, cette irrégularité affectant la partie divisible du jugement statuant sur les conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour, qui doit en conséquence être annulée.

5 . Il y a lieu pour la Cour de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par M. A....

Sur la légalité de la décision du 16 juin 2023 portant refus de titre de séjour :

6. Aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française. "

7. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour de plein droit portant la mention " vie privée et familiale ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entre dans les prévisions de l'article L. 421-35 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance. Si ces conditions sont remplies, il ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le juge de l'excès de pouvoir exerce sur cette appréciation un entier contrôle.

8. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. A... sur le fondement des dispositions précitées, le préfet de police, après avoir estimé que l'intéressé avait été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance à l'âge de treize ans, a considéré qu'il ne justifiait pas de la poursuite de ses études au titre de l'année 2022/2023, du suivi d'une formation qualifiante depuis plus de six mois, ou de l'exercice d'une activité professionnelle et qu'il ne remplissait pas, dès lors, les conditions prévues par ces dispositions. Il n'apparaît pas que le préfet de police, en procédant ainsi, se serait livré, comme il devait le faire, à une appréciation globale de la situation de l'intéressé au regard des trois critères prévus par l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, et comme le soutient M. A..., le refus de séjour contesté est entaché d'une erreur de droit. Il est donc fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés à l'appui de sa demande, à en demander l'annulation ainsi que, par voie de conséquence, celle des décisions subséquentes prises à son encontre.

9. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique seulement que le préfet de police procède au réexamen de la demande de délivrance d'un titre de séjour de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et lui délivre, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de huit jours à compter de cette notification.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État, au titre des frais exposés devant le tribunal et la cour, la somme globale de 1 500 euros à verser à Me Rosin, avocat de M. A..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Rosin renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... à fin d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 28 février 2024 et l'arrêté du préfet de police du 16 juin 2023 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la demande de titre de séjour de M. A... dans les conditions prévues au point 9 du présent arrêt.

Article 4 : L'État versera la somme de 1 500 euros à Me Rosin au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.

Copie en sera adressée à Me Rosin.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Vidal, présidente de chambre,

Mme Bories, présidente-assesseure,

M. Segretain, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 décembre 2024.

Le rapporteur,

C. BORIESLa présidente,

S. VIDAL

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA01413 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA01413
Date de la décision : 30/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: Mme Colombe BORIES
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : ROSIN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-30;24pa01413 ?
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