La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/12/2024 | FRANCE | N°24PA01645

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 30 décembre 2024, 24PA01645


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... E... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligée à quitter le territoire sans délai et lui a interdit le retour pour une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2312198 du 13 mars 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 12 octobre 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis, enj

oint au préfet de réexaminer la situation de Mme D... dans un délai de trois mois à compter de la noti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligée à quitter le territoire sans délai et lui a interdit le retour pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2312198 du 13 mars 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 12 octobre 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis, enjoint au préfet de réexaminer la situation de Mme D... dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement en la munissant d'une autorisation provisoire de séjour, et mis à la charge de l'État le versement de la somme de 1 100 euros au titre des frais d'instance.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 11 avril 2024 sous le n° 24PA01645, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 mars 2024 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme D... devant ce tribunal.

Il soutient que :

- le signataire de l'arrêté attaqué justifie d'une délégation de signature régulière ;

- les autres moyens soulevés par Mme D... en première instance ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à Mme D..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.

II. Par une requête, enregistrée le 11 avril 2024 sous le n° 24PA01646, et un mémoire enregistré le 3 juillet 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour de surseoir à l'exécution du jugement attaqué.

Il soutient que les conditions prévues aux articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative sont remplies dès lors que les moyens qu'il invoque à l'appui de sa requête au fond paraissent sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement et le rejet des conclusions accueillies par ce jugement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2024, Mme D..., représentée par Me Zekri, conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête n° 24PA01646, à titre subsidiaire, au rejet des conclusions à fins de sursis à exécution du préfet, et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par deux ordonnances du 15 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 novembre 2024 dans ces deux affaires.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bories,

- et les observations de Me Zekri, représentant Mme D..., présente.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 12 octobre 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a obligé Mme A... E... D..., ressortissante algérienne née le 30 octobre 1993, à quitter le territoire français sans délai et lui a interdit le retour sur le territoire pour une durée de deux ans. Par un jugement du 13 mars 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder au réexamen de la situation de Mme D... dans un délai de trois mois suivant la notification du jugement et mis à la charge de l'État une somme de 1 100 euros à verser à Mme D... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la requête n° 24PA01645, le préfet de la Seine-Saint-Denis relève appel du jugement du 13 mars 2024. Par la requête n° 24PA01646, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour d'en prononcer le sursis à exécution.

2. Les requêtes n° 24PA01645 et n° 24PA01646 présentées par le préfet de la Seine-Saint-Denis étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 24PA01645 :

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

3. Aux termes de l'article R. 776-18 du code de justice administrative qui, en vertu de l'article R. 776-13-2 du même code, est applicable aux litiges relatifs aux décisions d'obligation de quitter le territoire français prises sur le fondement du 1°, 2° ou 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les décisions attaquées sont produites par l'administration ".

4. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué, produit pour la première fois en appel, que la mesure d'éloignement du territoire a été prise par le préfet de la Seine-Saint-Denis sur le fondement du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En application des dispositions précitées du code de justice administrative, il incombait à l'administration de produire cet arrêté par exception aux dispositions de l'article R. 412-1 du même code. Le préfet de la Seine-Saint-Denis n'ayant pas produit cet arrêté, il n'a pas mis le premier juge à même de s'assurer que l'arrêté en litige avait été signé par une autorité compétente.

5. L'arrêté en litige a été signé par M. B... C..., attaché d'administration de l'État, chef du pôle instruction et mise en œuvre des mesures d'éloignement qui disposait d'une délégation de signature accordée par un arrêté n° 2023-2213 du préfet de la Seine-Saint-Denis du 23 août 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté en litige du 12 octobre 2023 au motif de l'incompétence de l'auteur de l'acte.

6. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D... en première instance.

Sur les autres moyens soulevés par Mme D... :

7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment des mentions du procès-verbal d'audition de Mme D... dressé le 11 octobre 2023, que l'intéressée a été entendue par les services de police sur son identité, sa situation personnelle et familiale, ses conditions d'entrée et de séjour en France, sa situation administrative ainsi que ses conditions de travail. Ainsi, l'intéressée a été mise en mesure de présenter les observations qu'elle estimait utiles et pertinentes sur les décisions susceptibles d'être prises par l'autorité administrative. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendue doit être écarté.

8. En deuxième lieu, l'arrêté du 12 octobre 2023 ne comporte pas de décision de refus de titre de séjour. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit ainsi être écarté comme inopérant.

9. Enfin, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 12 octobre 2023 portant obligation de quitter le territoire sans délai et interdiction de retour pour une durée de deux ans, lui a enjoint de réexaminer sa situation et a mis à la charge de l'État le versement à Mme D... de la somme de 1 100 euros au titre des frais d'instance. Dès lors, il y a lieu d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Montreuil.

Sur la requête n° 24PA01646 :

11. La Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 24PA01645 du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 13 mars 2024, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24PA01646 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement, dont il n'est dès lors pas besoin d'examiner la recevabilité.

Sur les frais de l'instance :

12. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans l'instance la partie perdante, la somme demandée par Mme D... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 24PA01646 du préfet de la Seine-Saint-Denis.

Article 2 : Le jugement n° 2312198 du 13 mars 2024 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 3 : La demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Montreuil et ses conclusions d'appel présentées dans le dossier n°24PA01646 sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A... E... D....

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vidal, présidente de chambre,

- Mme Bories, présidente assesseure,

- M. Segretain, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2024.

La rapporteure,

C. BORIESLa présidente,

S. VIDAL

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Nos 24PA01645, 24PA01646


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA01645
Date de la décision : 30/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: Mme Colombe BORIES
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : ZEKRI

Origine de la décision
Date de l'import : 05/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-30;24pa01645 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award