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30/12/2024 | FRANCE | N°24PA02727

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 30 décembre 2024, 24PA02727


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et prononcé une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans.



Par un jugement n° 2216449/11 du 15 mai 2024, le

tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.





Procédure devant la Cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et prononcé une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans.

Par un jugement n° 2216449/11 du 15 mai 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 et le 30 juin 2024, M. A..., représenté par Me Ménage, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 mai 2024 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler les décisions contestées devant ce tribunal ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler jusqu'à la nouvelle décision du préfet, dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- le signataire de la décision ne justifie pas de sa compétence ;

- la procédure est irrégulière à raison du défaut de saisine de la commission du titre de séjour en application de l'article L. 432-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-12 de ce même code lui a été refusé ;

- la décision est entachée d'une motivation insuffisante ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur de fait sur sa situation familiale ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale à raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- la décision est illégale à raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen ;

- elle est entachée d'une erreur de droit ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire, enregistré le 12 novembre 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 14 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 novembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bories,

- et les observations de Me Ménage, représentant M. A..., présent.

Une note en délibéré a été produite pour M. A... le 20 décembre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant turc né le 12 juillet 1982 a sollicité, le 19 novembre 2021, son admission exceptionnelle au séjour. Par arrêté du 14 octobre 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et prononcé une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans. M. A... relève appel du jugement n° 2216449/11 du 15 mai 2024 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté.

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, par un arrêté n° 2022-0979 du 25 avril 2022, régulièrement publié au bulletin d'informations administratives du lendemain, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné délégation à M. D... C..., chef du bureau de l'accueil et de l'admission au séjour, pour signer les décisions portant refus d'admission au séjour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision litigieuse doit être écarté.

3. En deuxième lieu, la décision attaquée mentionne les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont le préfet de la Seine-Saint-Denis a fait application pour refuser la délivrance d'un titre de séjour à M. A.... Elle indique également, avec suffisamment de précisions, les circonstances de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé. Ainsi, à sa seule lecture, cet arrêté permet à M. A... de comprendre les motifs du refus de titre de séjour qui lui est opposé. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté. Par ailleurs, il ressort de l'arrêté attaqué que le préfet s'est livré à un examen complet et précis de la situation de l'intéressé.

4. En troisième lieu, M. A... soutient, pour la première fois en appel, que le préfet a commis une erreur de fait en ce qui concerne ses attaches familiales en Turquie, dès lors que contrairement à ce qui est indiqué dans la décision attaquée, ses parents sont décédés et il n'a ni épouse ni enfants dans son pays d'origine. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision en se fondant sur les circonstances que l'intéressé, célibataire et sans charge de famille en France, n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où résident une partie des membres de sa fratrie et où il a vécu au moins jusqu'à vingt-trois ans. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

6. M. A... se prévaut de sa présence en France depuis plus de dix ans, des attaches qu'il y a tissées, et de son insertion professionnelle dans le secteur du bâtiment. Toutefois, d'une part, les pièces qu'il verse aux débats, constituées notamment d'un certificat médical unique établi a posteriori faisant état de consultations multiples entre 2012 et 2018 ainsi que, pour l'année 2012, de factures d'un magasin de bricolage et de téléphonie mobile, de relevés de pass Navigo, et d'une demande d'admission à l'aide médicale d'Etat, et pour l'année 2017, de relevés bancaires ne témoignant d'aucun mouvement sur son compte chèque, de courriers et factures diverses, et d'une carte d'admission à l'AME pour le premier semestre, sont insuffisants pour justifier de sa présence continue au titre de ces deux années. D'autre part, ses allégations sont insuffisantes pour démontrer qu'il a noué des liens particulièrement significatifs au cours des années de présence en France dont il se prévaut. Enfin, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, son activité professionnelle dans le secteur du bâtiment, attestée par des bulletins de salaire à partir de février 2020, établis pour des périodes discontinues et par plusieurs employeurs, est trop récente pour justifier son admission exceptionnelle au séjour. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit ainsi être écarté.

7. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : (...) / 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1. ".

8. Ainsi qu'il a été dit au point 6, M. A... ne justifie pas de sa présence en France au cours des années 2012 et 2017. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir que la commission du titre de séjour aurait dû être consultée.

9. Enfin, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 et 6, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour n'ayant prospéré, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision à l'appui des conclusions à fin d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

12. En second lieu, pour les motifs exposés aux points 6 et 10, les moyens dirigés contre le refus de titre de séjour qui sont également dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

13. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la mesure d'éloignement ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

14. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français / Il en est de même pour l'édiction de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".

15. En premier lieu, la décision en litige comporte l'exposé des motifs de droit et de fait sur lesquels s'est fondé le préfet de la Seine-Saint-Denis pour interdire à M. A... le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, notamment en ce qu'elle vise les articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que le requérant a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire le 3 décembre 2014 à laquelle il ne s'est pas conformé. Par suite, cette décision est suffisamment motivée.

16. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet ne se serait pas livré à un examen complet de la situation personnelle de M. A....

17. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en faisant interdiction de retourner en France pour une période de deux ans à M. A... qui, ainsi qu'il a été dit, est célibataire, ne justifie pas de liens familiaux en France, n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine et s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement, le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait entaché la décision attaquée d'une erreur de droit ou d'une erreur d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle, ou encore méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les moyens doivent ainsi être écartés.

18. Il résulte de l'ensemble ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vidal, présidente de chambre,

- Mme Bories, présidente assesseure,

- M. Segretain, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2024.

La rapporteure,

C. BORIESLa présidente,

S. VIDAL

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA02727 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA02727
Date de la décision : 30/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: Mme Colombe BORIES
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : MENAGE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-30;24pa02727 ?
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