Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun, en application des dispositions des articles L. 911-4 et R. 921-1 et suivants du code de justice administrative, d'assurer l'exécution du jugement n° 1208044 du 30 avril 2014 par lequel ce tribunal a partiellement fait droit à sa demande en annulant la décision du 22 octobre 1984 du directeur du centre hospitalier spécialisé Les Murets qui l'avait admis à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité.
Par un jugement n° 2210031 du 4 avril 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande, a mis à sa charge une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens et l'a condamné, sur le fondement des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative, au paiement d'une amende pour recours abusif d'un montant de 1 000 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 5 juin, 11 juillet et 12 décembre 2023 et le 19 janvier 2024, M. B..., représenté par Me Angot, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision prise par le centre hospitalier Les Murets le 22 octobre 2014 ;
3°) d'enjoindre au centre hospitalier Les Murets de procéder à une nouvelle instruction de son dossier ;
4°) de condamner le centre hospitalier Les Murets à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
5°) de mettre à la charge du centre hospitalier Les Murets le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
- il ne peut être considéré comme la partie perdante dans cette affaire et a donc été condamné à tort au règlement des frais exposés par le centre hospitalier et non compris dans les dépens ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu que le jugement du 30 avril 2014 avait été entièrement exécuté, dès lors que le centre hospitalier Les Murets aurait dû le réintégrer dans ses fonctions à la suite de l'annulation de la décision du 22 octobre 1984 ;
- il " n'a pas demandé à la Cour d'exécution de la Cour administrative d'appel de Paris l'exécution du jugement n° 1208044/8 du tribunal administratif de Melun " ;
- sa demande d'indemnisation ne constitue pas un litige distinct ; sa demande indemnitaire est bien fondée dès lors qu'il a été à l'époque indûment écarté du service semi-fermé dans lequel il exerçait par le médecin chef intérimaire ; le centre hospitalier Les Murets a tardé à exécuter le jugement rendu le 30 avril 2014 qui aurait dû conduire à sa réintégration dans les plus brefs délais ; il a été l'hospitalisé en hôpital psychiatrique sans son consentement ; il a également été victime d'un enlèvement et d'une séquestration réalisée grâce à la complicité de l'expert judiciaire du centre hospitalier ; c'est à tort que le centre hospitalier Les Murets lui a refusé la consultation de son dossier le 31 octobre 1994 au motif fallacieux qu'il n'a pas été traduit en conseil de discipline ;
- son recours devant le tribunal administratif ne présentait pas de caractère abusif ;
- sa mise à la retraite pour invalidité par décision du 22 octobre 2014 est une mesure qui doit s'analyser comme une sanction injustifiée puisqu'il n'était pas atteint de maladie psychiatrique ;
- la décision du 22 octobre 2014 est entachée d'un défaut de base légale et d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 1er décembre 2023 et 3 janvier 2024, le centre hospitalier Les Murets conclut à titre principal au rejet pour irrecevabilité de la requête, à titre subsidiaire à son rejet comme étant mal fondée, et en toute hypothèse, à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Il fait valoir que :
- la demande d'exécution est irrecevable dès lors que la cour administrative de Paris s'est déjà prononcée sur la parfaite exécution du jugement n° 1208044 du 30 avril 2014 par un arrêt du 9 juillet 2015 n° 15PA00356 ;
- aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Par une décision du 5 juin 2023 du bureau d'aide juridictionnelle, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Les parties ont été informées le 4 décembre 2024, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen, relevé d'office, tiré de l'incompétence du tribunal administratif à se prononcer sur la demande, formée sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, tendant à l'exécution d'un jugement du tribunal administratif ayant fait l'objet d'un appel devant la cour administrative d'appel.
Des observations, enregistrées le 4 décembre 2024, ont été produites par M. B..., représenté par Me Angot, en réponse à cette information.
Il soutient que le jugement du 30 avril 2014 dans l'instance n° 1208044, qui a fait l'objet de l'arrêt du 31 mars 2015 dans l'instance n° 14PA02879 est distinct de la procédure qui l'a conduit à saisir le tribunal administratif de Melun du 19 janvier 2022 afin qu'il prescrive les mesures nécessaires à l'exécution du jugement du 30 avril 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dubois ;
- et les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., infirmier de secteur psychiatrique, affecté au centre hospitalier spécialisé Les Murets à La Queue-en-Brie (Val-de-Marne) depuis le mois de mai 1978, a été admis d'office à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 15 novembre 1984, par décision du directeur du centre du 22 octobre 1984. Par un jugement du 30 avril 2014 n° 1208044, le tribunal administratif de Melun a annulé cette décision pour défaut de motivation et rejeté les conclusions indemnitaires présentées par M. B.... Par un arrêt n° 14PA02879 du 31 mars 2015, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel présenté par le centre hospitalier Les Murets ainsi que les conclusions présentées par la voie de l'appel incident par M. B.... Par un arrêt n° 15PA00356 du 9 juillet 2015, cette cour a rejeté les conclusions à fin d'exécution du jugement du 30 avril 2014 présentées par M. B... sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative. Saisi par ce dernier d'une nouvelle demande d'exécution du jugement du 30 avril 2014 ainsi que de conclusions à fin d'indemnisation du préjudice subi, le tribunal administratif de Melun a, par jugement n° 2210031 du 4 avril 2023, rejeté cette demande. M. B... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte ". Aux termes de l'article R. 921-2 du même code : " La demande d'exécution d'un jugement frappé d'appel, même partiellement, est adressée à la juridiction d'appel. (...) ".
3. Il résulte des dispositions précitées de l'article R. 921-2 du code de justice administrative que, dans tous les cas où un jugement de tribunal administratif a fait l'objet d'un appel et alors même que cet appel a été rejeté par la juridiction d'appel, cette dernière est seule compétente pour prononcer les mesures qu'implique l'exécution du jugement.
4. Il résulte de l'instruction que le jugement du 30 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 15 novembre 1984 admettant d'office M. B... à faire valoir ses droits à la retraite a été frappé d'appel par le centre hospitalier Les Murets, cet appel ayant abouti au prononcé de l'arrêt n° 14PA02879 du 31 mars 2015. Dès lors, le jugement n° 2210031 rendu le 4 avril 2023 par le tribunal administratif de Melun, qui a statué alors qu'il n'était pas compétent, est irrégulier et doit être annulé.
5. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Melun.
6. Il résulte des dispositions citées au point 2 qu'en l'absence de définition, par le jugement ou l'arrêt dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'implique nécessairement cette décision, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative d'y procéder lui-même en tenant compte des situations de droit et de fait existant à la date de sa décision, sans toutefois pouvoir méconnaître l'autorité qui s'attache aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution lui est demandée. En particulier, la rectification des erreurs de droit ou de fait dont serait entachée la décision en cause ne peut procéder que de l'exercice, dans les délais fixés par les dispositions applicables, des voies de recours ouvertes contre cette décision.
7. M. B... sollicite la complète exécution du jugement du 30 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Melun a prononcé l'annulation de la décision du 22 octobre 1984 procédant à son admission à la retraite pour invalidité. Il sollicite notamment la condamnation du centre hospitalier Les Murets au versement d'une somme de 50 000 euros en réparation des préjudices qui lui auraient été causés. Toutefois, il résulte de l'instruction que la cour administrative d'appel de Paris a, par un arrêt du 9 juillet 2015 n° 15PA00356, rejeté la précédente demande d'exécution de ce jugement présentée par M. B..., après avoir constaté que le jugement du 30 avril 2014, confirmé par l'arrêt du 31 mars 2015 précédemment mentionné au point 4, avait été entièrement exécuté, notamment par la prise, par le centre hospitalier, d'une décision du 22 octobre 2014 procédant à la réintégration de M. B... à la date du 22 octobre 1984 et à son admission à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 15 novembre 1984. Si M. B... sollicite également l'annulation de cette décision du 22 octobre 2014, l'arrêt de la cour précité en date du 9 juillet 2015 avait déjà rejeté ses précédentes conclusions à fin d'annulation de cette décision au motif qu'une telle contestation se rattache à un litige distinct de l'exécution du jugement du 30 avril 2014. En outre, une précédente requête de M. B... à fin d'annulation de cette décision du 22 octobre 2014 a fait l'objet le 23 décembre 2021, sous le n° 1906215, d'une ordonnance de rejet pour tardiveté du tribunal administratif de Melun, dont l'appel qui a été formé à son encontre a fait l'objet d'une nouvelle ordonnance de rejet du président de la deuxième chambre de la cour le 16 mai 2022 sous le n° 22PA00946. Dans ces conditions, le centre hospitalier Les Murets est fondé à soutenir que l'autorité relative qui s'attache à la chose jugée par l'arrêt de la cour du 9 juillet 2015 fait obstacle à ce que soit accueillie la nouvelle demande d'exécution présentée par M. B....
8. Il résulte tout ce qui précède que la demande de M. B... tendant à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Melun n° 1208044 du 30 avril 2014 doit être rejetée.
Sur les frais d'instance :
9. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier Les Murets, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros demandée par le centre hospitalier sur le fondement des mêmes dispositions.
Sur l'amende pour recours abusif :
10. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ".
11. En l'espèce, la requête de M. B..., qui tend à l'exécution d'un jugement dont il a été déjà jugé par la cour en juillet 2015 qu'il avait fait l'objet d'une complète exécution et qui sollicite l'annulation d'une décision prise il y a dix ans dont il a déjà été jugé à deux reprises qu'elle était devenue définitive, présente un caractère abusif eu égard à son objet et aux moyens soulevés à son soutien. Il y a donc lieu de faire application des dispositions précitées et de condamner M. B... à une amende de 1 000 euros sur ce fondement.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Melun n° 2210031 du 4 avril 2023 est annulé.
Article 2 : La requête de M. B... présentée devant le tribunal administratif de Melun est rejetée ainsi que ses conclusions d'appel.
Article 3 : M. B... est condamné à une amende pour recours abusif de 1 000 euros.
Article 4 : Les conclusions du centre hospitalier Les Murets présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au centre hospitalier Les Murets.
Copie en sera adressée au directeur départemental des finances publiques de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez, président de chambre,
- Mme Milon, présidente assesseure,
- M. Dubois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la cour, le 10 janvier 2025.
Le rapporteur,
J. DUBOISLe président,
A. BARTHEZ
La greffière,
A. MAIGNAN
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA02481 2