Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... et Mme F... G... épouse A..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs C... et B... A..., ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner l'Etat à leur verser les sommes de 276 948,74 euros pour C... A..., 378 715,59 euros pour B... A..., 254 582,91 euros pour F... A... et 109 967,81 euros pour D... A..., en réparation de leurs préjudices résultant des fautes commises par l'Etat dans l'exercice de son pouvoir de police sanitaire relative au médicament Dépakine, et de réserver les droits indemnitaires pour les postes de préjudices ne pouvant pas faire l'objet d'une évaluation à ce stade de la procédure.
Par un jugement n° 1704390 du 16 février 2021, le tribunal administratif de Montreuil a condamné l'Etat à verser à M. et Mme A..., en leur qualité de représentants légaux de C... A..., la somme de 63 092,03 euros, une rente trimestrielle de 1 552 euros selon les modalités définies au point 31 du jugement et une rente trimestrielle de 237 euros selon les modalités définies au point 33 du jugement, à M. et Mme A..., en leur qualité de représentants légaux de B... A..., la somme de 106 133,25 euros, une rente trimestrielle de 2 801,60 euros selon les modalités définies au point 41 du jugement et une rente trimestrielle de 470,34 euros selon les modalités définies au point 43 du jugement, à Mme A... la somme de 36 230,32 euros et à M. A... la somme de 36 230,32 euros, a mis à la charge définitive de l'Etat les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 1 500 euros ainsi que le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté la surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 16 avril 2021, 16 juin 2022, 16 janvier 2023 et 30 mai et 5 novembre 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, appuyés de pièces complémentaires enregistrées le 9 juin 2021, les consorts A..., représentés par la SELAS Dante, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 février 2021 du tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à leur demande indemnitaire ;
2°) de condamner l'Etat à leur verser les sommes suivantes :
- 276 948,74 euros pour M. C... A... ;
- 378 715,59 euros pour M. B... A... ;
- 254 582,91 euros pour Mme F... A... ;
- 109 967,81 euros pour M. D... A... ;
3°) de réserver les droits indemnitaires pour les postes de préjudices ne pouvant pas faire l'objet d'une évaluation à ce stade de la procédure ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'Etat a commis une faute dans d'exercice de son pouvoir de police sanitaire en tardant à modifier l'autorisation de mise sur le marché de la Dépakine, s'agissant tant du résumé des caractéristiques du produit, à destination des professionnels de santé, que de la notice de ce médicament, alors que les risques de malformations physiques et troubles neurodéveloppementaux en cas d'exposition in utero au valproate de sodium étaient connus depuis 1984 et, en tout état de cause, avant la fin de l'année 2005 pour C... et le début de l'année 2009 pour B... ;
- dès lors que la faute de l'Etat porte en elle l'intégralité du dommage, et eu égard à l'étroite imbrication des agissements fautifs qui sont à l'origine du dommage, l'Etat doit être condamné à indemniser l'intégralité de leurs préjudices, sans préjudice de la possibilité pour ce dernier d'engager des actions récursoires éventuelles contre la société Sanofi-Aventis France et les médecins de Mme A..., dont la responsabilité a été reconnue par le tribunal, qui a en conséquence fixé la part de responsabilité de l'Etat à 40 % seulement ;
- les pathologies dont souffrent C... et B... A..., nés respectivement le 24 mai 2006 et le 20 octobre 2009, sont imputables à leur exposition in utero au valproate de sodium ;
- ils sont fondés à obtenir les sommes suivantes :
* pour M. C... A... : 2 238,74 euros au titre des dépenses de santé actuelles ; 209 280 euros au titre de la tierce personne temporaire spécialisée et non spécialisée ainsi que, à compter du rapport d'expertise, une rente trimestrielle de 2 051,76 euros au titre de la tierce personne non spécialisée et une rente trimestrielle de 2 111,50 euros au titre de la tierce personne spécialisée ; 41 430 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ainsi qu'à compte du rapport d'expertise une rente trimestrielle de 821,25 euros ; 3 000 euros au titre des souffrances endurées : 1 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ; 20 000 euros au titre du préjudice d'affection pour son frère, M. B... A... ;
* pour M. B... A... : 857,05 euros au titre des dépenses de santé actuelles ; 281 830,50 euros au titre de la tierce personne temporaire spécialisée et non spécialisée ainsi que, à compter rapport d'expertise, une rente trimestrielle de 7 230,60 euros au titre de la tierce personne non spécialisée et une rente trimestrielle de 2 111,50 euros au titre de la tierce personne spécialisée ;
75 517,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ainsi que, à compte du rapport d'expertise une rente trimestrielle de 2 053,13 euros ; 35 000 euros au titre des souffrances endurées ; 8 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ; 20 000 euros au titre du préjudice d'affection pour son frère, M. C... A... ;
* pour Mme F... A... : 144 615,44 euros au titre des pertes de gains professionnels ; 60 000,00 euros au titre du préjudice d'affection ; 4 000 euros au titre du préjudice permanent exceptionnel ; 9 967,81 euros au titre des frais divers ;
* pour M. D... A... : 60 000,00 euros au titre du préjudice d'affection ; 40 000 euros au titre du préjudice permanent exceptionnel ; 9 967,81 euros au titre des frais divers.
Par un mémoire, enregistré le 11 octobre 2021, la ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- l'Etat n'a pas commis de faute susceptible d'engager sa responsabilité ;
- l'évaluation des préjudices faite par le tribunal administratif de Montreuil en se fondant sur le référentiel ONIAM apparaît conforme à l'état de santé de C... et de B... et à la situation des consorts A....
Par des mémoires, enregistrés les 11 octobre 2021, 15 septembre 2022 et 15 février 2023, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), représentée par Me Schmelck, a présenté des observations dans lesquelles elle demande à la cour :
1°) à titre principal, de solliciter de M. et de Mme A... et de l'ONIAM la production de l'ensemble des recours indemnitaires qu'ils ont pu exercer pour obtenir la réparation des préjudices qu'ils invoquent, notamment devant la juridiction civile ou dans le cadre du dispositif d'indemnisation amiable par l'ONIAM ; le cas échéant, de surseoir à statuer dans l'attente de ces recours ou contentieux ;
2°) à titre subsidiaire, de constater que l'ensemble des risques connus liés à l'exposition in utero de la Dépakine étaient mentionnés dans le RCP de ce médicament à l'époque des deux grossesses de Madame A... et de débouter les consorts A... de leurs demandes, en retenant l'absence de faute de l'ANSM à l'origine des dommages dont ils demandent la réparation ;
3°) à titre très subsidiaire, de retenir comme exonératoires les fautes commises par le laboratoire Sanofi et les médecins et de débouter, en conséquence, les consorts A... de l'ensemble de leurs demandes ;
4°) à titre encore plus subsidiaire, de confirmer le jugement du tribunal administratif de Montreuil en ce qu'il a procédé à une juste indemnisation des préjudices des consorts A... ;
5°) à titre infiniment subsidiaire, de débouter les consorts A... de leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à les indemniser intégralement de leur préjudice, à charge pour l'Etat d'exercer une action récursoire contre les co-auteurs.
Elle soutient que :
- à titre principal, il appartient à la cour de prendre toute mesure nécessaire pour éviter une double indemnisation des préjudices allégués par les consorts A... ;
- à titre subsidiaire, l'Etat n'a commis aucune faute ;
- à titre infiniment subsidiaire, les fautes commises par le laboratoire Sanofi et les médecins qui ont suivi Mme F... A... constituent des causes d'exonération de la responsabilité de l'Etat ;
- en vertu du principe selon lequel une collectivité publique ne saurait être condamnée à payer une somme qu'elle ne doit pas, toute responsabilité in solidum est exclue, et dans l'hypothèse où un tiers et l'administration seraient co-auteurs d'un dommage, cette dernière ne saurait répondre que de la quote-part du préjudice qui lui est imputable.
La procédure a été communiquée au ministre des armées, employeur de M. A..., qui a déclaré n'avoir pas d'observations à présenter.
La procédure a été communiquée à la caisse d'assurance maladie des Landes et à la caisse d'assurance maladie des Pyrénées-Atlantiques, qui n'ont pas présenté d'observations.
Par ordonnance du 9 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 novembre 2024 à 12 heures.
Le 13 novembre 2024, les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la cour était susceptible d'être fondé sur les moyens relevés d'office tirés de ce que dès lors que, d'une part, l'ANSM n'a pas, dans la présente instance dans laquelle la responsabilité de l'Etat est recherchée, la qualité de défendeur et que, d'autre part, sa qualité d'observateur ne lui confère pas la qualité de partie dès lors qu'elle n'aurait pas, à défaut d'être présente, qualité pour faire tierce-opposition, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice sont irrecevables.
Un mémoire en défense, présenté par la ministre de la santé et de l'accès aux soins, ainsi que de nouvelles pièces, ont été enregistrés les 2 et 3 décembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2001/83/CE du 6 novembre 2001 ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2007-613 du 26 avril 2007 ;
- la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 ;
- la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 ;
- le décret n° 79-506 du 28 juin 1979 modifié ;
- le décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004 ;
- le décret n° 2005-156 du 18 février 2005 ;
- le décret n° 2007-1860 du 26 décembre 2007 ;
- le décret n° 2008-435 du 6 mai 2008 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Paucod et de Me de Noray, pour les consorts A..., de M. E... pour la ministre de la santé et de l'accès aux soins et de Me Schmelck pour l'ANSM.
1. Mme F... A... a été traitée par Dépakine entre 2005 et 2014, utilisée comme traitement anti-comitial en lien avec un méningiome de la faux du cerveau opéré à deux reprises, en 2005 et 2009. Ses enfants C... et B..., nés respectivement le 24 mai 2006 et le 20 octobre 2009, présentent des malformations physiques et des troubles neurodéveloppementaux, que les consorts A... attribuent à leur exposition in utero au valproate de sodium contenu dans la Dépakine. Par courrier du 11 octobre 2016, reçu le lendemain, les consorts A..., estimant que l'Etat avait commis une faute dans l'exercice de ses pouvoirs de police sanitaire, en ne s'assurant pas que les professionnels de santé et les patients soient correctement informés des risques pour les enfants qui ont été exposés in utero au valproate de sodium, ont saisi la ministre des affaires sociales et de la santé d'une demande indemnitaire préalable. En l'absence de réponse, ils ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil qui, par une ordonnance du 17 novembre 2017, a ordonné une expertise aux fins, notamment, d'évaluer les préjudices subis par M. et Mme A... et leurs enfants, et de fournir au tribunal, de manière générale, tous éléments susceptibles de lui permettre de statuer sur un éventuel recours en responsabilité. Par un jugement du 16 février 2021, le tribunal administratif de Montreuil a condamné l'Etat à verser à M. et Mme A..., en leur qualité de représentants légaux de C... A..., la somme de 63 092,03 euros, une rente trimestrielle de 1 552 euros selon les modalités définies au point 31 du jugement et une rente trimestrielle de 237 euros selon les modalités définies au point 33 du jugement, à M. et Mme A..., en leur qualité de représentants légaux de B... A..., la somme de 106 133,25 euros, une rente trimestrielle de 2 801,60 euros selon les modalités définies au point 41 du jugement et une rente trimestrielle de 470,34 euros selon les modalités définies au point 43 du jugement, à Mme F... A... la somme de 36 230,32 euros et à M. D... A... la somme de 36 230,32 euros, a mis à la charge définitive de l'Etat les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 1 500 euros ainsi que le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Les consorts A... relèvent appel de ce jugement, en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à leurs prétentions indemnitaires.
Sur la demande de sursis à statuer :
2. Il ne résulte d'aucune disposition légale ou réglementaire que le juge administratif serait tenu de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure d'indemnisation amiable prévue par les dispositions des articles L. 1142-24-9 et L. 1142-24-10 du code de la santé publique ou, le cas échéant, de procédures en cours devant le juge civil. Par suite, les conclusions de l'ANSM tendant au sursis à statuer doivent, en tout état de cause, être rejetées.
Sur le principe de responsabilité :
En ce qui concerne le régime applicable :
3. En premier lieu, l'article L. 5121-8 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au présent litige, prévoyait que toute spécialité pharmaceutique ou tout autre médicament fabriqué industriellement dont la mise sur le marché n'avait pas été autorisée par la Communauté européenne devait faire l'objet, avant sa commercialisation ou sa distribution à titre gratuit, en gros ou au détail, d'une autorisation de mise sur le marché délivrée par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, renouvelable par période quinquennale et que l'agence pouvait modifier, suspendre ou retirer cette autorisation. En vertu des dispositions de l'article R. 5121-21 de ce code, dans ses rédactions applicables aux dates des grossesses de Mme A..., la demande d'autorisation de mise sur le marché comporte un résumé des caractéristiques techniques du produit (RCP). Ce document doit mentionner en particulier les contre-indications, les effets indésirables et les préconisations à tenir en cas de grossesse. Selon les dispositions de l'article R. 5121-25 de ce même code, la demande d'autorisation comprend également un projet de notice. L'article R. 5121-147 du même code dispose que : " Le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché se conforme aux bonnes pratiques de notice établies, par décision du directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. ". Aux termes des dispositions de l'article R. 5121-149 du code : " La notice est établie en conformité avec le résumé des caractéristiques du produit. Elle comporte, dans l'ordre, les indications suivantes : (...) / 3° L'énumération des informations nécessaires avant la prise du médicament relatives aux contre-indications, aux précautions d'emploi, aux interactions médicamenteuses et autres interactions susceptibles d'affecter l'action du médicament et aux mises en garde spéciales. / Cette énumération doit : / a) Tenir compte de la situation particulière des catégories suivantes d'utilisateurs : enfants, femmes enceintes ou allaitant, personnes âgées, personnes présentant certaines pathologies spécifiques ; (...) / 5° Une description des effets indésirables pouvant être observés lors de l'usage normal du médicament ou du produit et, le cas échéant, la conduite à tenir, ainsi qu'une invitation expresse pour le patient à communiquer à son médecin ou à son pharmacien tout effet indésirable qui ne serait pas mentionné dans la notice. (...) ".
4. En vertu de l'article L. 5311-1 du code de la santé publique, dans ses rédactions applicables durant les grossesses de Mme A..., l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, devenue l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, est notamment chargée de procéder à l'évaluation des bénéfices et des risques liés à l'utilisation des médicaments à tout moment opportun et notamment lorsqu'un élément nouveau est susceptible de remettre en cause l'évaluation initiale. L'Agence assure la mise en œuvre des systèmes de vigilance et prépare la pharmacopée. L'article L. 5311-2 du même code prévoit que l'Agence " procède ou fait procéder à toute expertise et à tout contrôle technique " relatifs, notamment, aux médicaments et qu'elle " recueille et évalue les informations sur les effets inattendus, indésirables ou néfastes " des médicaments.
5. En vertu des dispositions des articles R. 5121-150 et R. 5121-151 du code de la santé publique, dans leurs rédactions applicables au présent litige, la pharmacovigilance a pour objet la surveillance du risque d'effet indésirable résultant, notamment, de l'utilisation des médicaments et comporte à ce titre le signalement de ces effets indésirables et le recueil des informations les concernant, ainsi que la réalisation de toutes études et de tous travaux concernant la sécurité de ces médicaments. L'article R. 5121-155 du même code, dans ses rédactions alors applicables, dispose que " l'Agence (...) assure la mise en œuvre du système national de pharmacovigilance. Elle définit les orientations de la pharmacovigilance, anime et coordonne les actions des différents intervenants et veille au respect des procédures de surveillance organisées par le présent chapitre. / Elle reçoit les déclarations et les rapports qui sont adressés à son directeur général (...) par les entreprises et organismes exploitant des médicaments (...), ainsi que les informations qui lui sont transmises (...) par les centres régionaux de pharmacovigilance. / Le directeur général de l'agence peut demander aux centres régionaux de pharmacovigilance de mener à bien toutes enquêtes et tous travaux de pharmacovigilance. (...) / Les entreprises et organismes exploitant des médicaments (...) doivent, sur demande motivée du directeur général de l'agence, fournir toute information mentionnée au 2° et au dernier alinéa de l'article R. 5121-151 ou effectuer toutes enquêtes et tous travaux concernant les risques d'effets indésirables que ces médicaments ou produits sont susceptibles de présenter. Les informations, enquêtes ou travaux ainsi demandés doivent être nécessaires à l'exercice de la pharmacovigilance. ". Aux termes de l'article R. 5121-156 du même code, dans ses rédactions alors applicables : " Après exploitation des informations recueillies, le directeur général de l'Agence (...) prend, le cas échéant, les mesures appropriées pour assurer la sécurité d'emploi des médicaments (...) et pour faire cesser les incidents et accidents qui se sont révélés liés à leur emploi, ou saisit les autorités compétentes. ".
6. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 5121-171 du code de la santé publique, dans ses rédactions alors applicables: " Toute entreprise ou tout organisme exploitant un médicament ou produit mentionné à l'article R. 5121-150 est tenu d'enregistrer et de déclarer sans délai au directeur général de l'Agence (...), et au plus tard dans les quinze jours suivant la réception de l'information : / 1° Tout effet indésirable grave et toute transmission d'agents infectieux, survenus en France et susceptibles d'être dus à ce médicament ou produit, ayant été portés à sa connaissance par un professionnel de santé ; / 2° Tous les autres effets indésirables graves survenus en France et susceptibles d'être dus à ce médicament ou produit, dont il peut prendre connaissance, compte tenu notamment de l'existence de publications en faisant état ou de leur enregistrement dans des bases de données accessibles, ou qui ont fait l'objet d'une déclaration répondant aux critères fixés par les bonnes pratiques de pharmacovigilance définies en application de l'article R. 5121-179 ; / 3° Tout effet indésirable grave et inattendu ainsi que toute transmission d'agents infectieux, survenus dans un pays tiers et susceptibles d'être dus à ce médicament ou produit, ayant été portés à sa connaissance ; (...) ". En vertu de l'article R. 5121-173 du même code, dans ses versions applicables au présent litige, toute entreprise ou tout organisme exploitant un médicament est tenu de transmettre au directeur général de l'Agence, à intervalle réguliers et le cas échant immédiatement sur demande de celui-ci, les informations relatives aux effets indésirables susceptibles d'être dus à ce médicament qu'il a déclarés ou qui lui ont été signalés ainsi que toutes les informations utiles à l'évaluation des risques et des bénéfices liés à l'emploi de ce médicament ou produit.
7. Eu égard tant à la nature des pouvoirs conférés par les dispositions précitées aux autorités chargées de la police sanitaire relative aux médicaments qu'aux buts en vue desquels ces pouvoirs leur ont été attribués, la responsabilité de l'Etat peut être engagée par toute faute commise dans l'exercice de ces attributions, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain.
8. En second lieu, une présomption d'imputabilité a été instituée par l'article L. 1142-24-12 du code de la santé publique issu de l'article 266 de la loi de finances pour 2020 du 28 décembre 2019, aux termes duquel : " S'il constate un ou plusieurs dommages mentionnés à l'article L. 1142-24-10 qu'il impute à la prescription, avant le 31 décembre 2015, de valproate de sodium ou de l'un de ses dérivés pendant une grossesse, le collège d'experts émet un avis sur les circonstances, les causes, la nature et l'étendue de ces dommages ainsi que sur la responsabilité de l'une ou de plusieurs des personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 1142-5 ou de l'Etat, au titre de ses pouvoirs de sécurité sanitaire./ Les malformations congénitales sont présumées imputables à un manque d'information de la mère sur les effets indésirables du valproate de sodium ou de l'un de ses dérivés lorsqu'il a été prescrit à compter du 1er janvier 1982. Les troubles du développement comportemental et cognitif sont présumés imputables à un manque d'information de la mère sur les effets indésirables du valproate de sodium ou de l'un de ses dérivés lorsqu'il a été prescrit à compter du 1er janvier 1984. (...) ". Cette présomption ne s'impose toutefois qu'au collège d'experts se prononçant sur l'imputabilité des dommages à l'exposition au valproate de sodium ou de l'un de ses dérivés dans le cadre de la procédure amiable d'indemnisation des victimes et n'a donc pas d'incidence sur l'appréciation faite par le juge, saisi d'une action en responsabilité fondée sur d'éventuels manquements de l'Etat dans l'exercice de ses pouvoirs de police sanitaire.
En ce qui concerne l'existence de fautes commises par l'Etat :
9. En premier lieu, en ce qui concerne M. C... A..., le résumé des caractéristiques du produit (RCP) de la Dépakine 200 mg résultant de l'autorisation de mise sur le marché du 2 juillet 2004, en vigueur au début de la première grossesse de Mme A..., mentionnait, à la rubrique " Grossesse- Risque lié à l'épilepsie et aux antiépileptiques ", que " Tous épileptiques confondus, il a été montré que dans la descendance des femmes épileptiques traitées, le taux global de malformations est de 2 à 3 fois supérieur à celui ( 3 pour cent environ) de la population générale. Bien que l'on constate une augmentation du nombre d'enfants malformés avec la polythérapie, la part respective des traitements et de la maladie n'a pas été réellement établie / Les malformations le plus souvent rencontrées sont des fentes labiales et des malformations cardio-vasculaires ". Figurait également, au titre du risque malformatif lié au valproate, la mention selon laquelle " (...) le valproate semble induire préférentiellement des anomalies de fermeture du tube neural : myéloméningocèle, spinabifida etc, malformations dont le diagnostic anténatal est possible. / La fréquence de cet effet est de l'ordre de 1 à 2 pour cent. / Quelques cas de dysmorphies faciales et d'anomalies des membres (en particulier réductionnelles) ont été rapportés. / La fréquence de ces effets n'est pas clairement établie à l'heure actuelle. / En conséquence : / chez une femme épileptique traitée par valproate de sodium, il ne semble pas légitime de déconseiller une conception (...) ".
10. D'une part, si le RCP ainsi libellé expose les risques de malformations fœtales il ne fait pas état de l'ensemble des principales malformations alors connues, notamment les crâniosténoses, les malformations cardiaques, et les malformations rénales et urogénitales, et continue de mentionner, pour le risque d'anomalie de fermeture du tube neural, dont le spina bifida, une fréquence de l'ordre de 1 à 2 pour cent. D'autre part et surtout, il ne mentionne pas les risques neurodéveloppementaux, alors qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) intitulé " enquête relative aux spécialités pharmaceutiques contenant du valproate de sodium " de février 2016, qu'en particulier, les études Moore de 2000 et Abad de 2001 et 2004 ont mis en évidence des " suspicions sérieuses d'imputabilité des retards de développement au valproate de sodium ", selon les termes du rapport, qui justifiaient, eu égard à la gravité de ces risques, et alors même que des analyses complémentaires étaient nécessaires pour les confirmer ou, au contraire, les infirmer, que les prescripteurs et les patients en soient informés.
11. Par ailleurs, la notice du 2 juillet 2004 se bornait à informer la patiente de ce qu'en cas de désir de grossesse, elle devait prévenir son médecin afin de mettre en place une surveillance particulière et, en cas de grossesse, de l'adaptation éventuelle du traitement, lequel ne devait pas être arrêté. Dans ces conditions, le RCP, qui ne mentionnait pas l'ensemble des risques, et la notice, qui ne faisait état d'aucun risque, n'étaient pas conformes aux données de la science à l'époque de la grossesse. Ces seules mentions ne permettaient pas à Mme A... de prendre directement connaissance des risques encourus en cas de grossesse, s'agissant tant des risques tératogènes que des risques de troubles du développement et du comportement. Les difficultés d'ordre réglementaire invoquées par l'ANSM et qui l'auraient empêchée, jusqu'en 2004, de modifier de manière unilatérale l'autorisation de mise sur le marché du médicament, ne peuvent, en tout état de cause, être utilement invoquées dans le présent litige, s'agissant d'une grossesse postérieure à 2004.
12. Il résulte de ce qui précède qu'en ne modifiant pas ou en ne faisant pas modifier l'autorisation de mise sur le marché de la Dépakine afin que le RCP en vigueur durant la grossesse de Mme A... reflète l'état des connaissances scientifiques et que la notice soit conforme au RCP et reflète ainsi elle aussi l'état des connaissances scientifiques et informe directement les utilisatrices des risques en cas d'exposition du fœtus à ce médicament, l'Agence exerçant au nom de l'Etat ses missions de pharmacovigilance a manqué à ses obligations de contrôle, et, ce faisant, commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.
13. En deuxième lieu, en ce qui concerne M. B... A..., le RCP résultant de l'autorisation de mise sur le marché du 5 décembre 2008, en vigueur durant la seconde grossesse de Mme A..., comportait la mise en garde selon laquelle " l'utilisation de valproate de sodium est déconseillée tout au long de la grossesse et chez les femmes en âge de procréer sans contraception efficace ". Le résumé mentionnait également au titre de la rubrique " grossesse " des risques de malformations " 3 à 4 fois supérieur à celui de la population générale qui est de 3 % ", un descriptif des " malformations les plus souvent rencontrées ", à savoir " des anomalies de fermeture du tube neural (de l'ordre de 2 à 3 %), des dysmorphies faciales, des fentes faciales, des crâniosténoses, des malformations cardiaques, des malformations rénales et urogénitales et des malformations des membres ". Il y était souligné que des posologies supérieures à 1 000 mg par jour et l'association d'autres anticonvulsivants étaient des " facteurs de risque importants dans l'apparition de ces malformations ". Cette même rubrique faisait état de l'absence de " diminution du quotient intellectuel global chez les enfants exposés in utero au valproate de sodium " mise en évidence par les études épidémiologiques mais aussi d'une " légère diminution des capacités verbales et/ou une augmentation de la fréquence du recours à l'orthophonie ou au soutien scolaire ont été décrites chez ces enfants. ". Il était également indiqué que " par ailleurs, quelques cas isolés d'autisme et de troubles apparentés ont été rapportés chez les enfants exposés in utero au valproate de sodium. Des études complémentaires sont nécessaires pour confirmer ou infirmer l'ensemble de ces résultats ". Enfin, il était signalé que si une grossesse est envisagée, " toutes les mesures seront mises en œuvre pour envisager le recours à d'autres thérapeutiques en vue de cette grossesse. / Si le valproate de sodium devait absolument être maintenu (absence d'alternative) : Il convient d'administrer la dose journalière minimale efficace et de privilégier des formes à libération prolongée, ou à défaut de la répartir en plusieurs prises afin d'éviter les pics plasmatiques d'acide valproïque ".
14. Le RCP ainsi libellé déconseillait très clairement l'usage du valproate de sodium pendant la grossesse et préconisait le recours à une alternative thérapeutique lorsque cela est possible. Il mentionnait également la relation dose-effet mise en évidence, notamment, par les études Samrén (1999) et Arpino (étude " MADRE " de 2000), et préconisait en conséquence, en l'absence d'alternative thérapeutique, une diminution des doses journalières. Il listait les principales malformations congénitales associées à l'époque, de façon certaine ou probable, à une exposition in utero au valproate de sodium, telles qu'elles seront d'ailleurs reprises dans le Protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) " Embryo-foetopathie au Valproate " de 2017, ainsi que leur fréquence, évaluée dans des proportions similaires à celles reprises dans ce même PNDS, qu'il s'agisse des malformations congénitales en général ou de spina bifida en particulier. Dans un contexte où, d'une part, ainsi que le rappelle l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) dans son rapport intitulé " Enquête relative aux spécialités pharmaceutiques contenant du valproate de sodium " de février 2016, les morts soudaines inattendues dans l'épilepsie demeuraient l'une des causes les plus fréquentes de décès brutal non accidentel chez les jeunes adultes, avec un risque accru chez les femmes enceintes pour lesquelles les doses de médicaments étaient diminuées, ce qui justifiait les alertes déconseillant tout arrêt brutal d'un traitement antiépileptique et, d'autre part, il n'y avait pas ou peu de recul sur les éventuels effets indésirables des antiépileptiques de seconde génération, l'absence de mention, dans le RCP de certaines malformations, relativement moins graves que les précédentes auxquelles elles sont en général associées et / ou dont le lien avec l'exposition au valproate n'était alors que suggéré, comme les angiomes et lésions cutanées, les malformations dentaires, les mamelons espacés, les hernies ou les reflux gastro-œsophagien, la maladie d'Arnold Chiari, l'hydrocéphalie et la microcéphalie, n'apparaît pas fautive. S'agissant des risques de troubles neurodéveloppementaux, le RCP les mentionnait dans des termes prudents que les requérants contestent, en soutenant que cela ne reflétait pas l'état des connaissances scientifiques en 2006 et, à plus forte raison, en 2008. Toutefois il résulte de l'instruction, et notamment du rapport précité de l'IGAS, que si, notamment, les études Moore de 2000 et Abad de 2001 et 2004 ont mis en évidence des " suspicions sérieuses d'imputabilité des retards de développement au valproate de sodium ", selon les termes du rapport de l'IGAS, qui justifiaient une mention dans le RCP, ces suspicions ne seront précisées, s'agissant en particulier des troubles du développement, des troubles du spectre autistique et des troubles du comportement, qu'après la réalisation de plusieurs études prospectives menées après ces publications et qui aboutissent à partir de la fin des années 2000, notamment l'étude multicentrique sur les effets neurodéveloppementaux des antiépileptiques dite " Etude NEAD " (Neurodevelopmental Effects of Antiepileptic Drugs), dont les résultats seront publiés de façon échelonnée entre 2006 et 2013. Par suite, à la date de la grossesse de Mme A..., le RCP était conforme à l'état des données scientifiques disponibles, s'agissant tant des risques de malformations congénitales que des risques de troubles du développement et du comportement encourus en cas de grossesse sous Dépakine.
15. Toutefois, la notice du 5 décembre 2008 se bornait à préciser, au titre des mises en garde spéciales, que " En début de traitement, le médecin s'assurera que vous n'êtes pas enceinte et vous prescrira si besoin une méthode de contraception (voir rubrique Grossesse et allaitement) " et la rubrique " grossesse " précisait que : " L'utilisation de ce médicament est déconseillée, sauf avis contraire de votre médecin, pendant la grossesse. Si vous découvrez que vous êtes enceinte pendant le traitement, consultez rapidement votre médecin lui seul pourrait adapter le traitement à votre état. / (...) ". Ces seules mentions, qui n'étaient pas conformes au RCP, ne permettaient pas à Mme A... de prendre connaissance directement des risques encourus en cas de grossesse s'agissant tant des malformations congénitales que des troubles du développement et du comportement. Les difficultés d'ordre réglementaire invoquées par l'ANSM et qui l'auraient empêchée, jusqu'en 2004, de modifier de manière unilatérale l'autorisation de mise sur le marché du médicament, ne peuvent, en tout état de cause, être utilement invoquées dans le présent litige, s'agissant d'une grossesse postérieure à 2004.
16. Il résulte de ce qui précède qu'en ne modifiant pas ou en ne faisant pas modifier l'autorisation de mise sur le marché de la Dépakine afin que la notice soit conforme au RCP et reflète ainsi l'état des connaissances scientifiques et informe directement les utilisatrices des risques en cas d'exposition du fœtus à ce médicament, l'Agence exerçant au nom de l'Etat ses missions de pharmacovigilance a manqué à ses obligations de contrôle, et, ce faisant, commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.
En ce qui concerne l'existence de causes exonératoires de responsabilité :
17. Estimant que tant la société Sanofi-Aventis France que les médecins assurant le suivi de Mme A... avaient commis des fautes qui avaient concouru à la réalisation du dommage, le tribunal a limité la part de responsabilité de l'Etat à 40 %. D'une part, alors que la responsabilité de l'Etat est engagée sur le fondement de la faute, ni ces médecins ni la société Sanofi ne peuvent être regardés comme collaborant étroitement avec l'Etat dans le cadre de la mise en œuvre d'un service public, la société étant seulement soumise au contrôle d'une autorité agissant au nom de l'Etat. D'autre part, si le manquement de l'Agence a rendu possible la délivrance d'un médicament dans des conditions qui ne permettaient pas aux patientes d'en mesurer les graves effets potentiels en cas de grossesse, les fautes de l'Agence, de la société Sanofi et des médecins ne peuvent être regardées comme portant chacune en elle normalement ce dommage au moment où elles se sont produites. Ainsi le tribunal a pu, à bon droit, considérer que des agissements fautifs de tiers pouvaient, le cas échéant, être de nature à atténuer la responsabilité de l'Etat. Les appelants ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que l'Etat devrait être condamné à indemniser l'intégralité de leurs préjudices, à charge pour lui d'engager des actions récursoires contre d'éventuels tiers responsables.
S'agissant de l'existence de fautes commises par la société Sanofi :
18. D'une part, et en premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 10, le RCP de la Dépakine en vigueur pendant la première grossesse de Mme A... ne reflétait pas l'état des connaissances scientifiques à cette date. Il résulte de l'instruction que la société Sanofi-Aventis France a proposé, le 19 mai 2003, de modifier le RCP en ajoutant, dans la rubrique relative à l'épilepsie et aux épileptiques en général, la mention suivante : " De très rares cas de retards psychomoteurs ont été rapportés chez les enfants nés de mères épileptiques. Il n'est pas possible de différencier ce qui pourrait être lié à des facteurs génétiques, sociaux ou environnementaux, à l'épilepsie maternelle, ou aux traitements antiépileptiques ". Cette proposition a été rejetée par l'AFSSAPS. Si l'ANSM fait valoir que la demande n'était pas assez étayée et que les données jointes comportaient des incohérences, ces allégations ne sont pas clairement corroborées par les rapports d'expertise judiciaire produits au dossier de l'instance, qui montrent que les experts sont partagés sur cette question. L'IGAS relève dans son rapport que si la proposition de la société Sanofi-Aventis France a également été rejetée par la Belgique, elle a en revanche été retenue par le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Irlande.
19. En second lieu, il résulte de l'instruction que, le 23 décembre 2004, la société Sanofi-Aventis France a, sur le fondement des dispositions de l'article R. 5121-29 du code la santé publique, soumis à l'AFSSAPS une demande de modification de l'autorisation de mise sur le marché de la Dépakine, incluant la révision de la notice dans les termes suivants : " Une grossesse non planifiée n'est pas souhaitable chez une femme traitée par un antiépileptique. Avant d'interrompre une méthode contraceptive efficace, il est recommandé de prévenir votre médecin de votre désir de grossesse. / Les femmes traitées par un antiépileptique ont un risque plus élevé de mettre au monde un enfant malformé. Le risque de survenue de malformations est augmenté si vous prenez simultanément plusieurs antiépileptiques. / La prise de Dépakine au cours de la grossesse est susceptible d'entrainer des anomalies dans le développement du fœtus : anomalies de la colonne vertébrale (spina bifida), des membres ou du cœur. Cependant ces anomalies peuvent habituellement être détectées par les examens de surveillance réalisés au cours de la grossesse. / Un risque de trouble du développement psychomoteur de l'enfant a également été évoqué. / Il est donc essentiel de prévenir votre médecin avant votre grossesse afin qu'il puisse éventuellement adapter votre traitement et programmer une surveillance particulière de cette grossesse. ". Toutefois, plus d'un an après cette demande, l'Agence a rejeté la proposition de la société Sanofi-Aventis France pour la notice et a validé la formulation suivante, encore plus éloignée du RCP nouvellement approuvé le 25 janvier 2006 que celle proposée par le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché : " L'utilisation de ce médicament est déconseillée, sauf avis contraire de votre médecin, pendant la grossesse. Si vous découvrez que vous êtes enceinte pendant le traitement, consultez rapidement votre médecin lui seul pourrait adapter le traitement à votre état. / D'une façon générale, il convient, au cours de la grossesse et de l'allaitement, de toujours demander l'avis à votre médecin ou à votre pharmacien avant de prendre un médicament. ". En octobre 2008 et en mars 2009, la société a de nouveau sollicité la modification de la notice, pour y mentionner, de manière générale, les différents risques associés à une exposition in utero au valproate de sodium, qui ont de nouveau été rejetées. Ce n'est qu'en 2010 que la notice sera finalement modifiée pour intégrer l'information selon laquelle " La prise de ce médicament au cours de la grossesse est susceptible d'entraîner des malformations du fœtus, des troubles de la coagulation chez le nouveau-né et des troubles du développement de l'enfant et des troubles autistiques chez l'enfant. ". Ainsi que le relève l'IGAS dans son rapport précité, les refus opposés par l'Agence aux demandes de décembre 2004, octobre 2008 et mars 2009 sont conformes aux préconisations de l'Agence à l'époque, selon lesquelles les effets secondaires en cas de grossesse et allaitement n'étaient mentionnés dans la notice, qu'en cas de contre-indication et qu'à défaut, il convenait d'utiliser des formules-types préconisant la consultation d'un médecin. Il ne saurait être reproché à la société Sanofi, ainsi que le fait l'ANSM, de ne pas avoir fait appel de ces refus successifs.
20. D'autre part, aux termes des dispositions de l'article R. 5121-41 du code de la santé publique, dans sa version applicable au présent litige : " Le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché soumet au directeur général de l'Agence (...) tout projet de modification d'un élément relatif à l'étiquetage ou à la notice, autre que les modifications du résumé des caractéristiques du produit, prévu aux articles R. 5121-23 et R. 5121-24. / Si le directeur général de l'agence ne s'est pas prononcé dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de présentation de la demande, le demandeur peut procéder à la mise en œuvre des modifications ".
21. Il résulte de ces dispositions, ainsi que de celles de la directive 2001/83/CE pour la transposition desquelles elles ont été prises, en particulier ses articles 59 et 61, qu'elles ne sont pas applicables lorsque la modification de la notice porte sur les éléments, qui doivent en principe y être repris, qui figurent dans le RCP, en particulier les éléments relatifs aux indications thérapeutiques, aux instructions nécessaires et habituelles pour une bonne utilisation (posologie, voie et fréquence d'administration, durée du traitement...) et à la description des effets indésirables. Il en résulte qu'en l'espèce, contrairement à ce que l'ANSM soutient dans ses observations, s'agissant de la mention dans la notice des effets indésirables de la Dépakine, la société Sanofi-Aventis France n'aurait ainsi, en tout état de cause, pas pu passer outre les refus opposés par l'Agence à ses demandes de modification de décembre 2004 et d'octobre 2008 en se prévalant de ces dispositions.
22. Il résulte de ce qui précède que, pour la période en cause, la société Sanofi-Aventis France, qui a vainement proposé à plusieurs reprises de mettre les documents en cause en conformité avec l'état des connaissances scientifiques, n'a pas commis de faute de nature à exonérer l'Etat de sa responsabilité.
S'agissant de l'existence de fautes commises par les médecins de Mme F... A... :
23. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) ". Aux termes de l'article R. 4127-35 de ce même code : " Le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension. / (...) ".
24. Le régime spécifique de preuve prévu par l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, qui prévoit qu'en cas de litige, il appartient au professionnel de santé d'apporter la preuve que l'information prévue par cet article a été délivrée à l'intéressé, ne trouve pas à s'appliquer dans des litiges autres que ceux où un patient reproche à un médecin ou à un établissement un défaut d'information médicale. Il suit de là que, dans le cadre du présent litige, auquel les médecins qui ont pris en charge Mme A... ne sont pas partie, leur faute éventuelle ne saurait être retenue que si elle résulte de l'instruction, en particulier du ou des expertises judiciaires, de l'avis du collège d'experts auprès de l'ONIAM si un tel avis a été rendu ou des pièces médicales versées au dossier de l'instance.
25. En l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que Mme A... n'aurait pas, à l'occasion de ses grossesses, été informée par les différents médecins qui l'ont suivie, notamment les neurologues qui lui ont prescrit la Dépakine en 2005, après une crise comitiale et après avoir constaté qu'elle ne supportait pas le Neurotin, des risques tels qu'ils étaient mentionnés dans les RCP alors en vigueur. Il en résulte que dans le cadre de la présente instance, et contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, aucune faute ne peut être retenue à leur encontre.
26. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'en l'absence de cause exonératoire, la part de responsabilité de l'Etat doit, contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, être fixée à 100 %.
Sur le lien entre la faute et le dommage :
27. D'une part, au regard des critères de suspicion d'une embryofoetopathie au valproate de sodium dégagés par le Protocole national de diagnostic et de soins de mai 2017 auquel se réfère l'expertise judiciaire du 27 décembre 2018 ordonnée par le tribunal administratif de Montreuil, doivent être regardés comme imputables à l'exposition in utero au valproate de sodium, les anomalies morphologiques faciales, squelettiques et des extrémités, les malformations, les anomalies associées touchant d'autres organes comme les anomalies cutanées, les infections oto-rhino-laryngologiques (ORL) ou le strabisme, ainsi que les troubles du neurodéveloppement, dès lors qu'ils ne sont imputables à aucune autre cause et que le traitement au valproate de sodium s'est poursuivi au cours de la grossesse.
28. En l'espèce, il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise, que C... A... souffre de malformations physiques, consistant en une dysmorphie faciale, un pectum excavatum, des pieds creux et un valgus droit, une absence de deux côtes flottantes, un mamelon surnuméraire et une malformation génitale, ainsi qu'une ectopie testiculaire bilatérale pour laquelle il a été opéré le 22 octobre 2015, des troubles musculaires et osseux, des troubles visuels et des troubles neurodéveloppementaux, à savoir des troubles du déficit et de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). B... A... souffre de malformations physiques, consistant en une dysmorphie faciale et une anomalie des extrémités, des troubles ORL, des troubles musculaires et osseux et des troubles neurodéveloppementaux, avec des troubles envahissants du développement et un profil cognitif hétérogène.
29. Il résulte également de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, et n'est d'ailleurs pas contesté par l'Etat que l'ensemble de ces malformations et troubles dont sont atteints C... et B... A... ne peuvent être imputés à une autre cause qu'à l'exposition in utero à la Dépakine Chrono.
30. D'autre part, la faute commise par l'Agence exerçant au nom de l'Etat ses missions de pharmacovigilance n'a entraîné, pour la victime et les victimes indirectes, qu'une perte de chance de se soustraire aux risques qui se sont réalisés. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la Dépakine a été prescrite à Mme A... à la suite d'une crise comitiale intervenue en 2005, après qu'elle a été opérée d'un méningiome et après qu'il a été constaté qu'elle ne supportait pas le Neurontin (gabapentine). En 2013, la Dépakine a été progressivement replacée par du Keppra (lévétiracétam), avant un arrêt complet au cours de l'année 2014. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments et de l'état des connaissances scientifiques, à la date de chacune des grossesses, s'agissant des potentiels effets indésirables des antiépileptiques de seconde génération comme le lévétiracétam et la lamotrigine, la chance perdue par C... et B... A... de ne pas être atteints des troubles dont ils souffrent en raison de leur exposition in utero au valproate de sodium doit être évaluée, dans les circonstances de l'espèce, à 70 % pour C... A..., né le 24 mai 2006, et à 80 % pour B... A..., né le 20 octobre 2009.
Sur l'évaluation des préjudices :
En ce qui concerne M. C... A... en sa qualité de victime directe :
S'agissant de l'étendue de l'indemnisation :
31. Il résulte de l'instruction que l'état de santé de M. C... A... n'était pas consolidé jusqu'à ses dix-huit ans, le 24 mai 2024, et qu'il devra faire l'objet d'une évaluation ultérieure. L'indemnisation porte donc uniquement sur les préjudices temporaires.
S'agissant des dépenses de santé :
32. Les premiers juges ont relevé, au point 25 du jugement attaqué, d'une part, s'agissant des dépenses indiquées sur les relevés de l'assurance maladie, que les pièces du dossier ne permettaient pas de les identifier et ainsi d'établir le lien de causalité avec la faute de l'Etat, d'autre part, s'agissant des devis produits en neuropsychologie, que ces documents ne justifiaient pas que des dépenses auraient été effectivement engagées, enfin, s'agissant des dépenses de podologie, qu'elles seraient restées à la charge des assurés. En appel, les requérants ne donnent aucune précision ni ne produisent de justificatifs permettant de remettre en cause cette appréciation. Par suite, c'est à juste titre que le tribunal administratif a retenu des dépenses pour un montant de 460 euros.
33. Toutefois, alors que pour fixer la réparation du déficit fonctionnel partiel de l'intéressé, les premiers juges ont retenu une part de responsabilité de 40 %, il résulte, d'une part, de ce qui a été dit au point 26 que la part du dommage que l'Etat doit supporter doit être portée à 100 % de ce dommage et, d'autre part, de ce qui a été dit au point 30, que la faute commise par l'Etat est seulement à l'origine d'une perte de chance de 70 %, pour l'intéressé, d'échapper au dommage qui est advenu. Il suit de là, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les débours de l'organisme social doivent conduire à retenir une assiette supérieure, que l'indemnité allouée par les premiers juges au titre de ce chef de préjudice, pour un montant total de 184 euros, doit être portée à 322 euros.
S'agissant de l'assistance par tierce personne :
34. En vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire de l'indemnisation allouée à la victime d'un dommage corporel au titre des frais d'assistance par une tierce personne le montant des prestations dont elle bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. Il en est ainsi alors même que les dispositions en vigueur n'ouvrent pas à l'organisme qui sert ces prestations un recours subrogatoire contre l'auteur du dommage. La déduction n'a toutefois pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement au bénéficiaire s'il revient à meilleure fortune.
35. Les règles rappelées au point précédent ne trouvent à s'appliquer que dans la mesure requise pour éviter une double indemnisation de la victime. Par suite, lorsque la personne publique responsable n'est tenue de réparer qu'une fraction du dommage corporel, notamment parce que la faute qui lui est imputable n'a entraîné qu'une perte de chance d'éviter ce dommage, la déduction ne se justifie, le cas échéant, que dans la mesure nécessaire pour éviter que le montant cumulé de l'indemnisation et des prestations excède le montant total des frais d'assistance par une tierce personne.
36. Le montant de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) et de son complément éventuel peuvent être déduits d'une rente ou indemnité allouée au titre de l'assistance par tierce personne. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, lorsque l'auteur de la faute n'est tenu de réparer qu'une fraction du dommage corporel, cette déduction n'a lieu d'être que lorsque le montant cumulé de l'indemnisation incombant normalement au responsable et des allocations excéderait le montant total des frais d'assistance par une tierce personne. L'indemnisation doit alors être diminuée du montant de cet excédent.
37. Pour réparer le préjudice lié à l'assistance d'une tierce personne, les premiers juges ont retenu la nécessité d'un accompagnement quotidien à hauteur de 1 heure 20 par jour depuis les trois ans de Jeremy A..., sur la base d'un taux horaire de 14 euros, et d'une année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et jours fériés et la nécessité d'une aide scolaire quotidienne d'une heure par jour pour les 180 jours scolaires annuels, sur la base d'un taux horaire évalué à 19 euros.
38. Toutefois, d'une part, il résulte de ce qui a été dit au point 26 que la part du dommage que l'Etat doit supporter doit être portée à 100 % de ce dommage et, d'autre part, de ce qui a été dit au point 30 que la faute commise par l'Etat est seulement à l'origine d'une perte de chance de 70 %, pour l'intéressée, d'échapper au dommage qui est advenu. Il suit de là que la part de la réparation du dommage de C... A... incombant à l'Etat doit être portée de 40 à 70 %.
39. D'autre part, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que C... A... a besoin, depuis ses trois ans, d'un accompagnement pour les gestes de la vie quotidienne, dont la durée peut être évaluée à 1 heure et 20 minutes par jour. Il a également besoin d'une aide quotidienne dans tous les apprentissages, y compris durant les week-ends et les vacances scolaires, qui peut être évaluée à 1 heure par jour. Le taux horaire de l'assistance par une tierce personne doit être portée à 18 euros pour l'aide non spécialisée et à 20,50 euros pour l'aide spécialisée. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail, il y a lieu de calculer l'indemnisation sur la base d'une année de 412 jours. Dès lors, sur la période allant 24 mai 2009 au 23 mai 2024, veille de la majorité de C... A..., soit 5 479 jours, l'assiette de l'indemnité au titre de la tierce personne non spécialisée doit être portée à 148 428,35 euros et l'assiette de l'indemnité au titre de la tierce personne spécialisée doit être portée à 126 782,55 euros, soit un total de 275 210,90 euros, et une indemnité de 192 648 euros compte tenu du taux de perte de chance de 70 %.
40. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Montreuil au point 30 de son jugement, pour la période allant de la naissance de C... A... à la date de mise à disposition de ce jugement, le 16 février 2021, en application des principes rappelés aux points 34 à 36 ci-dessus, il n'y a pas lieu de procéder à une réfaction de l'AEEH pour cette période. Par ailleurs, eu égard au montant des allocations mensuelles susceptibles d'avoir été versées au titre de l'AEEH pour C... A... entre le 16 février 2021 et la veille de sa majorité, le 23 mai 2024, le montant cumulé de l'indemnisation incombant à l'Etat et des allocations perçues ne peut pas excéder le montant total des frais d'assistance par une tierce personne s'élevant à la somme de 275 210,90 euros. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de procéder à une réfaction sur le montant alloué. L'indemnité mise à la charge de l'Etat doit donc être portée à la somme de 192 648 euros. Cette somme sera versée sous forme d'un capital dont seront déduites, le cas échéant, les rentes trimestrielles déjà versées par l'Etat pour cette période en exécution du jugement du 16 février 2021 du tribunal administratif de Montreuil.
S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
41. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que C... A... a subi, en lien avec la faute commise par l'Etat, un jour d'hospitalisation avec un taux d'incapacité de 100 % ainsi que des troubles dans les conditions d'existence de toutes natures de 30 % entre la date de sa naissance et la date de sa majorité, le 24 mai 2024, soit 6 575 jours.
42. Pour réparer le déficit fonctionnel temporaire de M. C... A..., les premiers juges ont retenu un taux journalier de 15 euros pour la journée d'hospitalisation puis de 13 euros, qu'il n'y a pas lieu, en l'espèce, de porter, comme demandé par les requérants, à une somme supérieure. Ce taux a été pondéré par application du pourcentage de déficit fonctionnel. Ils ont ensuite, pour fixer la réparation du déficit fonctionnel partiel de l'intéressé, retenu une part de responsabilité de 40 %. Toutefois, il résulte, d'une part, de ce qui a été dit au point 26 que la part du dommage que l'Etat doit supporter doit être portée à 100 % de ce dommage et, d'autre part, de ce qui a été dit au point 30, que la faute commise par l'Etat est seulement à l'origine d'une perte de chance de 70 %, pour l'intéressé, d'échapper au dommage qui est advenu. Il suit de là que l'indemnité allouée par les premiers juges au titre de ce chef de préjudice, pour un montant total de 10 263 euros (7182 + 3081 euros), doit être portée à 17 957 euros. Cette somme sera versée sous forme d'un capital dont seront déduites, le cas échéant, les rentes trimestrielles déjà versées par l'Etat en exécution du jugement du 15 juin 2021 du tribunal administratif de Montreuil, pour la période allant de la date de l'expertise à la majorité de C... A....
S'agissant des souffrances endurées :
43. Il résulte de l'instruction, particulièrement du rapport d'expertise, que C... A... souffre psychologiquement de sa différence, notamment, durant sa scolarité, par rapport aux autres élèves. Ces souffrances endurées, qui sont en lien avec la faute commise par l'Etat, ont été évaluées par l'expert à 2 sur une échelle de 1 à 7. Il sera fait une juste évaluation de ce chef de préjudice en le fixant à la somme de 2 500 euros. Compte tenu du taux de perte de chance de 70 %, l'indemnité allouée par les premiers juges en réparation de ce préjudice doit être portée de 1 200 à 1 750 euros.
S'agissant du préjudice esthétique temporaire :
44. Les requérants demandent l'indemnisation du préjudice esthétique subi par C... A... en raison de la dysmorphie faciale, des anomalies des membres et des anomalies osseuses dont il est atteint. Toutefois, ces malformations et anomalies relèvent du préjudice esthétique permanent, qui sera indemnisé plus tard, ainsi qu'il a été dit au point 29. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont alloué à l'intéressé, à ce titre, la somme de 400 euros.
45. Il résulte de ce qui précède que l'indemnité totale au paiement de laquelle l'Etat a été condamné par le tribunal administratif de Montreuil en réparation des préjudices subis par M. C... A... en sa qualité de victime directe doit être portée à 212 677 euros.
En ce qui concerne M. B... A... en sa qualité de victime directe :
46. Il résulte de l'instruction que l'état de santé de B... A... n'est pas consolidé et que cet état de santé doit de nouveau faire l'objet d'une évaluation à ses dix-huit ans. L'indemnisation porte donc uniquement sur les préjudices temporaires.
S'agissant des dépenses de santé :
47. Les premiers juges ont relevé, au point 38 du jugement attaqué, d'une part, s'agissant des dépenses indiquées sur les relevés de l'assurance maladie, que les pièces du dossier ne permettaient pas de les identifier et ainsi d'établir le lien de causalité avec la faute de l'Etat, d'autre part, s'agissant des devis produits portant sur une prise en charge psycho-éducative et neurosensorielle, que ces documents ne justifiaient pas que des dépenses auraient été effectivement engagées, de troisième part, que les dépenses de matériels adaptés soient restées à la charge de l'assuré. En appel, les requérants ne donnent aucune précision ni ne produise de justificatifs permettant de remettre en cause cette appréciation.
S'agissant de l'assistance par tierce personne :
48. Pour réparer le préjudice lié à l'assistance d'une tierce personne, les premiers juges ont retenu la nécessité d'un accompagnement quotidien à hauteur de 3 heure 30 par jour depuis ses trois ans, sur la base d'un taux horaire de 14 euros, et d'une année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et jours fériés et la nécessité d'une aide scolaire quotidienne d'une heure par jour pour les 180 jours scolaires annuels, sur la base d'un taux horaire évalué à 19 euros.
49. Toutefois, d'une part, il résulte de ce qui a été dit au point 26 que la part du dommage que l'Etat doit supporter doit être portée à 100 % de ce dommage et, d'autre part, de ce qui a été dit au point 30 que la faute commise par l'Etat est seulement à l'origine d'une perte de chance de 80 %, pour l'intéressé, d'échapper au dommage qui est advenu. Il suit de là que la part de la réparation du dommage de B... A... incombant à l'Etat doit être portée de 40 à 80 %.
50. D'autre part, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que B... A... a besoin, depuis ses trois ans, d'un accompagnement pour les gestes de la vie quotidienne, dont la durée peut être évaluée à 3 heures et 30 minutes par jour. Il a également besoin d'une aide quotidienne dans tous les apprentissages, y compris durant les week-ends et les vacances scolaires, qui peut être évaluée à 1 heure par jour. Le taux horaire de l'assistance par une tierce personne non spécialisé doit être porté à 18 euros pour l'aide non spécialisée et à 20,50 euros pour l'aide spécialisée. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail, il y a lieu de calculer l'indemnisation sur la base d'une année de 412 jours. Dès lors, sur la période allant du 20 octobre 2012 au 19 octobre 2027, veille de la majorité de B... A..., soit 5 478 jours, l'assiette de l'indemnité au titre de la tierce personne non spécialisée doit être portée à 389 553,33 euros et l'assiette de l'indemnité au titre de la tierce personne spécialisée doit être portée à 126 759,41 euros, soit un total de 516 312,74 euros, et une indemnité de 413 050,20 euros compte tenu du taux de perte de chance de 80 %.
51. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Montreuil au point 40 de son jugement, pour la période allant de la naissance de B... A... à la date de mise à disposition de ce jugement, le 16 février 2021, en application des principes rappelés aux points 34 à 36 ci-dessus, il n'y a pas lieu de procéder à une réfaction de l'AEEH pour cette période. Par ailleurs, eu égard au montant des allocations mensuelles susceptibles d'avoir été versées et d'être versées au titre de l'AEEH pour B... A... entre le 16 février 2021 et la veille de sa majorité, le 19 octobre 2027, le montant cumulé de l'indemnisation incombant à l'Etat et des allocations perçues ne peut pas excéder le montant total des frais d'assistance par une tierce personne s'élevant à la somme de 413 050,20 euros . Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de procéder à une réfaction sur le montant alloué. L'indemnité mise à la charge de l'Etat doit donc être portée à la somme de 413 050,20 euros. Cette somme sera versée sous forme d'un capital dont seront déduites, le cas échéant, les rentes trimestrielles déjà versées par l'Etat pour cette période en exécution du jugement du 16 février 2021 du tribunal administratif de Montreuil.
S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
52. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que B... A... a subi et subit, en lien avec la faute commise par l'Etat, un jour d'hospitalisation avec un taux d'incapacité de 100 % ainsi que des troubles dans les conditions d'existence de toutes natures de 75 % entre la date de sa naissance et la date de sa majorité, soit 6 574 jours.
53. Pour réparer le déficit fonctionnel temporaire de M. B... A..., les premiers juges ont retenu un taux journalier de 15 euros pour la journée d'hospitalisation puis de 13 euros, qu'il n'y a pas lieu, en l'espèce, de porter, comme demandé par les requérants, à une somme supérieure. Ce taux a été pondéré par application du pourcentage de déficit fonctionnel. Ils ont ensuite, pour fixer la réparation du déficit fonctionnel partiel de l'intéressé, retenu une part de responsabilité de 40 %. Toutefois, il résulte, d'une part, de ce qui a été dit au point 26 que la part du dommage que l'Etat doit supporter doit être portée à 100 % de ce dommage et, d'autre part, de ce qui a été dit au point 30, que la faute commise par l'Etat est seulement à l'origine d'une perte de chance de 80 %, pour l'intéressé, d'échapper au dommage qui est advenu. Il suit de là que l'indemnité allouée par les premiers juges au titre de ce chef de préjudice, pour un montant total de 25 648,50 euros (13 090,50 + 12 558 euros), doit être portée à 51 281,40 euros. Cette somme sera versée sous forme d'un capital dont seront déduites, le cas échéant, les rentes trimestrielles déjà versées par l'Etat en exécution du jugement du 15 juin 2021 du tribunal administratif de Montreuil, pour la période allant de la date de l'expertise à la majorité de B... A....
S'agissant des souffrances endurées :
54. Il résulte de l'instruction, particulièrement du rapport d'expertise, que B... A... souffre psychologiquement de sa différence, a des difficultés à nouer des relations sociales et a des troubles du sommeil. Ces souffrances endurées, qui sont en lien avec la faute commise par l'Etat, ont été évaluées par l'expert à 5 sur une échelle de 1 à 7. Il sera fait une juste appréciation du préjudice de M. B... A... en fixant l'assiette de la réparation à 18 000 euros. Compte tenu du taux de perte de chance de 80 %, l'indemnité allouée par les premiers juges en réparation de ce préjudice doit être portée de 10 000 à 14 400 euros.
S'agissant du préjudice esthétique temporaire :
55. Les requérants demandent l'indemnisation du préjudice esthétique subi par B... A... en raison de la dysmorphie faciale, des anomalies des membres et des anomalies osseuses dont il est atteint. Toutefois, ces malformations et anomalies relèvent du préjudice esthétique permanent, qui sera indemnisé plus tard, ainsi qu'il a été dit au point 38. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont alloué à l'intéressé, à ce titre, la somme de 2 400 euros.
56. Il résulte de ce qui précède que l'indemnité totale au paiement de laquelle l'Etat a été condamné par le tribunal administratif de Montreuil en réparation des préjudices subis par M. B... A... en sa qualité de victime directe doit être portée à 478 731,60 euros.
En ce qui concerne M. et Mme A... :
S'agissant des frais de déplacement :
57. Les premiers juges ont allouées à M. et Mme A... une somme de 849,32 euros au titre de frais de transport pour rencontrer le 17 mai 2018 l'expert judiciaire. Ils ont par ailleurs fixé à 19 028,32 euros l'assiette de l'indemnité due au titre des frais de déplacements exposés par les intéressés pour les soins reçus par leurs enfants et fixé la somme due à ce titre, après prise en compte des causes exonératoires qu'il a fixées à hauteur de 60 %, à la somme de 7 611,33 euros. Il résulte toutefois, d'une part, de ce qui a été dit au point 26 que la part du dommage que l'Etat doit supporter doit être portée à 100 % de ce dommage et, d'autre part, de ce qui a été dit au point 30, que la faute commise par l'Etat est seulement à l'origine d'une perte de chance de respectivement 70 % et 80 %, pour C... et B... A..., d'échapper aux dommages qui sont advenus. Par suite, et compte tenu des sommes respectivement demandées pour C... et B... Godan, il y a lieu de porter le montant de l'indemnité due au titre des frais de déplacement hors expertise à 14 966,24 euros et, en conséquence, l'indemnité allouée à ce titre, y compris la somme de 849,32 euros exposée lors de l'expertise, à 15 815,56 euros. Par suite l'indemnité allouée par les premiers juges pour ce poste de préjudice, doit être portée de 8 460,65 euros à 15 815,56 euros, soit 7 907,78 euros pour chacun des parents.
S'agissant du préjudice économique :
58. Il n'appartient pas à la cour de réserver les droits de M. A... au titre des pertes de gains professionnels.
59. Concernant Mme A..., il ne résulte pas de l'instruction, notamment du relevé de carrière produit, qu'elle subit une perte de revenus. Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté les conclusions concernant ce chef de préjudice.
S'agissant du préjudice d'affection et des troubles dans les conditions d'existence :
60. Les premiers juges ont fixé à 80 000 euros par parent l'assiette de la réparation du préjudice d'affection et des troubles dans les conditions d'existence de M. et Mme A..., liés plus particulièrement au bouleversement dans leurs conditions de vie en raison des pathologies dont souffrent leurs enfants. Cette appréciation n'est pas contestée par la ministre en défense. Eu égard à l'importance respective de leurs troubles, il y a lieu de considérer que cette assiette concerne C... A... pour 25 000 euros et B... A... pour 55 000 euros. Toutefois, ainsi qu'il a déjà été dit, il résulte, d'une part, de ce qui a été dit au point 26 que la part du dommage que l'Etat doit supporter doit être portée à 100 % de ce dommage et, d'autre part, de ce qui a été dit au point 30, que la faute commise par l'Etat est seulement à l'origine d'une perte de chance de respectivement 70 % et 80 %, pour C... et B... A..., d'échapper aux dommages qui sont advenus. Par suite, l'indemnité au paiement de laquelle l'Etat a été condamné par les premiers juges doit être portée de 32 000 à 61 500 euros pour chacun des parents.
61. Il résulte de ce qui précède que l'indemnité totale au paiement de laquelle l'Etat a été condamné par le tribunal administratif de Montreuil en réparation des préjudices subis par M. et Mme A... en leur qualité de victime indirecte doit être portée à 69 407,78 euros chacun.
En ce qui concerne MM. C... et B... A... en leur qualité de victime indirecte :
62. Les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice d'affection de chacun des enfants en fixant l'assiette de la réparation à la somme de 12 500 euros chacun. Toutefois ainsi qu'il a déjà été dit, il résulte, d'une part, de ce qui a été dit au point 26 que la part du dommage que l'Etat doit supporter doit être portée à 100 % de ce dommage et, d'autre part, de ce qui a été dit au point 30, que la faute commise par l'Etat est seulement à l'origine d'une perte de chance de 70 % s'agissant de Jeremy A... et de 80 % s'agissant de B... A... l'intéressé, d'échapper au dommage qui est advenu. Dès lors, l'indemnité mise à la charge de l'Etat doit être portée de 5 000 à 8 750 euros s'agissant du préjudice subi par B... A... en tant que victime indirecte et de 5 000 à 10 000 euros s'agissant du préjudice subi par Jeremy A... en tant que victime indirecte.
63. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont seulement fondés à demander que les sommes au paiement desquelles l'Etat a été condamné par le tribunal administratif de Montreuil soient portées, respectivement, à 222 677 euros pour M. C... A..., à 487 481,60 euros pour M. B... A..., et à 69 407,78 euros chacun pour M. et Mme A....
Sur les frais liés à l'instance :
64. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser aux requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : L'Etat est condamné à verser les sommes de 222 677 euros à M. C... A..., de 487 481,60 euros à M. B... A... et de 69 407,78 euros chacun à M. et Mme A....
Article 2 : Le jugement du 16 février 2021 du tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera aux consorts A... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., Mme F... G... épouse A..., en leur nom propre et en leur qualité de représentants légaux de MM. C... et B... A... et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Copie en sera adressé à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, au ministre des armées et au caisses primaires d'assurance maladie des Pyrénées-Atlantiques et des Landes.
Délibéré après l'audience du 9 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2025.
La rapporteure,
C. Vrignon-VillalbaLa présidente,
A. Menasseyre
La greffière,
N. Couty
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA01990