La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/01/2025 | FRANCE | N°23PA03296

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 14 janvier 2025, 23PA03296


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la Ville de Paris et la régie Eau de Paris, séparément ou solidairement, à lui verser la somme de 192 738 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis à l'occasion d'une chute, survenue le 3 novembre 2018, à hauteur du 5 avenue de la Porte des Ternes, à Paris 17ème.



Par jugement n° 2214301/5-3 du 17 mai 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

>
Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la Ville de Paris et la régie Eau de Paris, séparément ou solidairement, à lui verser la somme de 192 738 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis à l'occasion d'une chute, survenue le 3 novembre 2018, à hauteur du 5 avenue de la Porte des Ternes, à Paris 17ème.

Par jugement n° 2214301/5-3 du 17 mai 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 24 juillet et le 21 octobre 2024, Mme A..., représentée par Me Tietart-Froge, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2214301/5-3 du 17 mai 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner la Ville de Paris et la régie Eau de Paris, séparément ou solidairement, en réparation des préjudices qu'elle a subis lors de sa chute le 3 novembre 2018, à hauteur du 5 avenue de la Porte des Ternes, à Paris 17ème à lui verser la somme de 192 738 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de la demande préalable d'indemnisation adressée à la Ville de Paris et de la réception de l'entier dossier par la régie Eau de Paris ;

3°) de mettre à la charge de la Ville de Paris et/ou de la régie Eau de Paris la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ses conclusions indemnitaires dirigées contre la régie Eau de Paris sont recevables ;

- la régie Eau de Paris, en tant que maître d'ouvrage du chantier incriminé, est responsable d'un dénivelé non signalé qui a occasionné sa chute, alors que des barrières rétrécissaient le passage et faisaient obstacle à la lumière insuffisante de l'éclairage public ;

- la Ville de Paris est responsable d'un défaut d'aménagement ou d'entretien normal de la voirie en l'absence d'éclairage public suffisant sur le lieu de l'accident et en l'absence de signalement du chantier et, en outre, elle est responsable en tant que délégant d'une mission de service public ;

- la Ville de Paris et la régie Eau de Paris séparément ou solidairement doivent être condamnées à l'indemniser de l'intégralité des préjudices qu'elle a subis à hauteur de 192 738 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2024, la Ville de Paris, représentée par Me Falala, conclut au rejet de la requête de Mme A... et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à sa charge en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

La requête a été transmise à la régie Eau de Paris qui n'a pas produit d'observations.

La requête a été transmise à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine qui n'a pas produit d'observations.

Par courrier du 22 avril 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrégularité du jugement du tribunal administratif de Paris du 17 mai 2023 en l'absence de mise en cause de l'organisme de sécurité sociale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- les observations de Me Tietart-Froge, pour Mme A...,

- et les observations de Me Falala, pour la Ville de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. Le 3 novembre 2018 vers 19 heures 30, Mme A... a été victime d'une chute dans le dix-septième arrondissement de Paris, au niveau du 5 avenue de la Porte des Ternes, chute résultant, selon elle, d'un rétrécissement de la chaussée et d'une dénivellation de 2 cm non signalée sur le trottoir liés à une fouille de la société Eau de Paris en attente de réfection définitive et de l'absence d'éclairage public alors que la nuit était tombée. Cette chute, à l'origine de douleurs vives à l'épaule droite a entraîné une fracture du rebord glénoïdien qui a conduit, après complications, à une arthroplastie totale de l'épaule. Par courrier du 21 mars 2022 reçu le 24 mars suivant et dont la Ville de Paris a accusé réception le 5 avril 2022, elle a formé une demande préalable d'indemnisation auprès de cette collectivité. Le 26 avril 2022, la Ville de Paris s'est bornée à répondre que le trottoir était alors en attente de pose d'une couche d'asphalte après des travaux réalisés par la régie Eau de Paris, a transmis cette réclamation à la régie Eau de Paris, en qualité de maître d'ouvrage du chantier. Par jugement du 17 mai 2023, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la Ville de Paris et de la régie Eau de Paris séparément ou solidairement à lui verser la somme de 192 738 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis lors de sa chute.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes du huitième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, relatif au recours subrogatoire des caisses de sécurité sociale contre le responsable d'un accident ayant entraîné un dommage corporel : " L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement (...) ".

3. Il appartient au juge administratif, qui dirige l'instruction, d'assurer, en tout état de la procédure, le respect des dispositions précitées du huitième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Ainsi, le tribunal administratif, saisi par la victime ou par la caisse d'une demande tendant à la réparation du dommage corporel par l'auteur de l'accident, doit appeler en la cause, selon le cas, la caisse ou la victime. La méconnaissance des obligations de mise en cause entache le jugement d'une irrégularité que le juge d'appel doit, au besoin, relever d'office.

4. Il ressort du dossier de première instance que Mme A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'engager la responsabilité de la Ville de Paris et de la régie Eau de Paris en réparation des préjudices qu'elle a subis lors de sa chute le 3 novembre 2018 à Paris 17ème. Il appartenait donc au tribunal administratif de Paris, saisi de la demande de Mme A..., de communiquer celle-ci à la CPAM des Hauts-de-Seine. En s'abstenant de procéder à cette communication, le tribunal a entaché son jugement du 17 mai 2023 d'irrégularité. Par suite, il y a lieu d'annuler ce jugement pour ce motif.

5. Il y a lieu pour la cour de statuer immédiatement, par voie d'évocation, sur la demande de Mme A... présentée devant le tribunal administratif de Paris.

Sur l'engagement de la responsabilité :

6. Il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu sur une voie publique, de rapporter la preuve du lien de cause à effet entre l'ouvrage public et le dommage dont il se plaint. La collectivité en charge de l'ouvrage public doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l'ouvrage public faisait l'objet d'un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure.

7. Il résulte de l'instruction que le soir de l'accident dont a été victime Mme A..., le trottoir à hauteur du 5 avenue de la Porte des Ternes, à Paris 17ème était en travaux. Il avait fait l'objet de fouilles remblayées par la société Eau de Paris, les zones de fouilles remblayées, réfectionnées par une dalle de béton plane, étant dans l'attente d'une réfection définitive par pose d'une couche d'asphalte. Le ressaut visible sur les photographies produites par Mme A..., correspondait ainsi à un dénivelé au sol ne dépassant pas 2 centimètres. Les travaux étaient signalés par la présence de barrières de chantier. Compte tenu de la faible hauteur du dénivelé à l'origine de la chute, cette défectuosité de l'ouvrage public ne peut être regardée comme excédant les risques que les usagers de la voie publique doivent normalement s'attendre à rencontrer et contre lesquels il leur appartient de se prémunir eux-mêmes en prenant les précautions nécessaires et n'appelait, en conséquence, pas de signalisation particulière, dans cette partie du trottoir située à proximité immédiate d'une zone de travaux clairement identifiée . Par ailleurs, si Mme A... se prévaut d'un éclairage public insuffisant sur le lieu de l'accident, il ne résulte pas de l'instruction que les deux lampadaires encadrant les lieux situés à 11 mètres et 18,5 mètres auraient été défectueux ou en panne. Enfin, cet accident est survenu aux environs de 19 heures 30 alors que la nuit était tombée et dans une zone à proximité de travaux délimités par des barrières, circonstances qui ne pouvaient échapper à un usager de la voie publique normalement attentif et appelaient à la prudence. Par suite, il résulte de tout ce qui précède que le dénivelé présent sur ce trottoir ne peut être regardé comme révélant un défaut d'entretien normal de la voie publique de nature à engager la responsabilité de la Ville de Paris ou de régie Eau de Paris.

8. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la régie Eau de Paris, Mme A... n'est pas fondée à demander la condamnation de la Ville de Paris et de la régie Eau de Paris à l'indemniser des préjudices qu'elle a subis lors de sa chute le 3 novembre 2018, à hauteur du 5 avenue de la Porte des Ternes, à Paris 17ème.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Ville de Paris ou de la régie Eau de Paris, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que demande Mme A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas non plus lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme que la Ville de Paris demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2214301/5-3 du 17 mai 2023 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande de Mme A... présentée devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la Ville de Paris sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à la Ville de Paris, à la régie Eau de Paris et à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 9 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2025.

La rapporteure,

A. ColletLa présidente,

A. Menasseyre

La greffière

N. Couty

La République mande et ordonne au préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA03296


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03296
Date de la décision : 14/01/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : FALALA

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-14;23pa03296 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award