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14/01/2025 | FRANCE | N°24PA00659

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 14 janvier 2025, 24PA00659


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2021 par lequel le préfet de police de Paris a procédé au retrait de sa carte de séjour pluriannuelle.



Par un jugement n° 2202545/3-2 du 11 janvier 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires enregistrés les 11 février, 20 mars et 11 septemb

re 2024, M. A..., représenté par Me Maugin, demande à la cour :



1°) d'annuler le jugement n° 2202545/3-2 du 11 janv...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2021 par lequel le préfet de police de Paris a procédé au retrait de sa carte de séjour pluriannuelle.

Par un jugement n° 2202545/3-2 du 11 janvier 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 11 février, 20 mars et 11 septembre 2024, M. A..., représenté par Me Maugin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2202545/3-2 du 11 janvier 2024 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2021 du préfet de police de Paris ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de retrait de son titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen effectif de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'il n'était pas le gérant de droit de la SARL Paris informatique ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 8251-1 du code du travail et L. 432-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il n'était pas l'employeur des salariés dépourvus de titre employés par cette société ;

- elle est disproportionnée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2024, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Collet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant bangladais né le 31 décembre 1989, et résidant régulièrement en France sous couvert d'une carte de séjour pluriannuelle valable du 16 juillet 2018 au 1er juillet 2021, a créé le 2 mars 2018, avec deux autres associés, l'entreprise " Paris Informatique ". A la suite d'un contrôle mené le 27 avril 2021 par les forces de l'ordre et les services de l'URSSAF, M. A... a été interpellé pour des faits d'emploi d'un salarié étranger démuni d'autorisation de travail. Par un arrêté du 2 décembre 2021, le préfet de police de Paris lui a retiré sa carte de séjour et l'a informé de la possibilité de solliciter une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ". Dans ce cadre, le préfet de police de Paris lui a délivré un récépissé de demande de titre de séjour " salarié " valable du 2 décembre 2021 au 1er janvier 2022 puis l'a mis en possession d'une carte de séjour temporaire valable du 2 décembre 2021 au 1er décembre 2022. Par un jugement du 11 janvier 2024, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 décembre 2021 du préfet de police de Paris portant retrait de sa carte de séjour pluriannuelle.

2. En premier lieu, la décision en litige vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que le code du travail, en particulier son article L. 8251-1. De même, la décision précise que M. A..., qui est détenteur d'une carte de séjour pluriannuelle valable du 16 juillet 2018 au 1er juillet 2022, qui a constitué le 2 mars 2018 avec deux autres associés, la SARL Paris Informatique et qui doit être considéré comme l'un des gérants de droit de cette société, a été interpellé le 17 avril 2021, à la suite d'un contrôle de la société par les services de police, pour des faits d'emploi d'étrangers démunis de titre de séjour et de travail. La décision mentionne également que les faits constatés permettent le retrait de la carte de séjour pluriannuelle dont il est titulaire. Enfin, la décision contestée, qui rappelle que M. A... a été avisé, par un courrier du 20 octobre 2021, de l'intention de l'administration de procéder au retrait de son titre de séjour et l'a invité à présenter ses observations dans un délai de quinze jours, précise également que l'intéressé n'a fait part, dans son courrier du 2 novembre 2021, d'aucun élément pertinent susceptible d'infléchir la décision de l'administration mais que, eu égard à son ancienneté de résidence et à la stabilité de son intégration professionnelle sur le territoire français, il disposait de la faculté de solliciter la délivrance d'une carte de séjour temporaire " salarié ". Dans ces conditions, et alors que le préfet n'était pas tenu de reprendre l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle de l'intéressé, la décision en litige mentionne l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

3. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, en particulier de la motivation de la décision contestée telle que rappelée au point précédent, que le préfet de police de Paris a procédé à un examen particulier et effectif de la situation de M. A... avant de lui retirer son titre de séjour, l'intéressé ayant notamment été invité, par un courrier du 20 octobre 2021 à formuler ses observations sur le retrait envisagé. La seule circonstance que l'arrêté ne fasse pas état de sa situation familiale n'est pas suffisante pour caractériser un défaut d'examen particulier alors qu'il ressort par ailleurs des termes de la décision en litige que le préfet a pris en compte les observations formulées par M. A... avant de procéder au retrait litigieux.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 432-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut être retirée à tout employeur, titulaire d'une telle carte, en infraction avec l'article L. 8251-1 du code du travail ainsi qu'à tout étranger qui méconnaît les dispositions de l'article L. 5221-5 du même code ou qui exerce une activité professionnelle non salariée sans en avoir l'autorisation. ". Et aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ".

5. La mesure de retrait d'une carte de séjour pluriannuelle, telle que prévue par les dispositions précitées revêt le caractère d'une sanction dont la contestation conduit le juge à vérifier la proportionnalité à la gravité des faits reprochés. Par ailleurs, l'autorité de la chose jugée au pénal s'impose à l'administration comme au juge administratif en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire du dispositif d'un jugement pénal devenu définitif.

6. Il résulte des termes de la décision contestée que pour retirer à M. A... sa carte de séjour pluriannuelle valable du 16 juillet 2018 jusqu'au 1er juillet 2020, le préfet de police de Paris s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé avait été interpellé à la suite d'un contrôle mené le 27 avril 2021, pour des faits d'emploi d'étrangers démunis de titre de séjour et de travail. Si M. A... conteste la matérialité des faits qui lui sont reprochés en niant toute implication dans la gestion des affaires courantes de l'entreprise, toutefois il résulte de l'instruction que le requérant a été condamné par un jugement du tribunal correctionnel de Paris du 18 janvier 2022 pour des faits d'emploi d'un étranger non muni d'une autorisation de travail salarié pour la période du 1er février au 27 avril 2021 et que l'intéressé, dont la qualité de gérant de fait a ainsi, nécessairement, été reconnue par le juge pénal, n'allègue pas davantage en appel qu'en première instance que ce jugement ne serait pas devenu définitif, de sorte que la matérialité des faits doit être considérée comme établie. Par ailleurs, si le requérant se prévaut d'une intégration professionnelle exemplaire, ainsi que l'atteste sa régularisation par le travail en 2016, toutefois il résulte de l'instruction, et ainsi que le fait valoir le préfet en défense, que les faits d'emploi d'un salarié étranger non muni d'une autorisation de travail ne sont pas isolés, qu'ils se sont inscrits dans le cadre d'un stratagème, mis en place avec la complicité de ses associés, aux fins d'obtenir de la part de l'administration le versement indu d'indemnités de chômage partiel, et que l'intéressé, qui a été condamné par le tribunal correctionnel de Paris le 18 janvier 2022 pour ces faits d'escroquerie, a également été reconnu coupable de faits de travail dissimulé par minoration de la masse salariale pour la période du 1er octobre 2018 au 27 avril 2021 et que l'ensemble de ces faits a donné lieu au prononcé d'une peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis, de 1 500 euros d'amende avec sursis, assortie d'une interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société pendant cinq ans. Enfin, il est constant que l'intéressé a été mis en possession, concomitamment au retrait de sa carte de séjour pluriannuelle, d'un récépissé de demande de titre de séjour " salarié " valable jusqu'au 1er janvier 2022 puis d'une carte de séjour temporaire " salarié " valable du 2 décembre 2021 au 1er décembre 2022 de sorte que la sanction en litige ne faisait ainsi pas obstacle à ce qu'il puisse poursuivre sa vie tant familiale que professionnelle sur le territoire français. Dans ces conditions, eu égard à la nature des faits qui lui sont reprochés, qui sont matériellement établis, compte tenu du contexte dans lequel ils s'insèrent, à l'absence d'obstacle à ce que la vie privée et familiale de l'intéressé se poursuive en France, et alors que la circonstance que, par la suite, la situation du salarié illégalement embauché ait été régularisée, n'est pas de nature à atténuer la gravité des faits pour lesquels il a été condamné, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la sanction du retrait de sa carte de séjour pluriannuelle revêt un caractère disproportionné.

7. En quatrième lieu, si M. A... fait valoir à juste titre que le préfet de police de Paris a entaché sa décision d'une erreur de fait en le désignant comme le gérant de droit de la société " Paris Informatique " alors qu'il résulte des statuts de l'entreprise versés au dossier que celui-ci n'est que salarié associé à hauteur de 45 % des parts de l'entreprise, toutefois cette erreur est sans incidence sur la légalité de la décision contestée dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point précédent, sa qualité de gérant de fait a été reconnue par le jugement définitif précité du juge pénal.

8. En cinquième lieu, dès lors qu'il résulte des dispositions de l'article L. 432-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 8251-1 du code du travail, qu'elles désignent de manière générique " tout employeur ", sans distinguer si la personne ayant procédé à l'emploi d'un étranger en situation irrégulière l'a fait en qualité de gérant de droit ou de fait, M. A..., reconnu gérant de fait par le jugement définitif précité du juge pénal, n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police de Paris, en faisant application des dispositions de l'article L. 432-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour lui retirer sa carte de séjour pluriannuelle aurait commis une erreur de droit au motif qu'il n'avait pas la qualité de gérant de droit de l'entreprise.

9. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. M. A... fait valoir qu'il réside habituellement en France depuis onze années dont les neuf dernières en situation régulière, qu'il justifie d'une insertion professionnelle stable et ancienne et que sa vie familiale a vocation à se poursuivre en France, son épouse et ses deux enfants, âgés de cinq et trois ans et scolarisés en France à la date de la décision en litige, l'ayant rejoint par la procédure du regroupement familial. Si la sanction prononcée à l'encontre de M. A... avait pour effet de mettre fin à son droit au séjour en France, la délivrance concomitante d'un autre titre de séjour, à savoir d'une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " d'une durée de validité d'un an a mis fin à cet effet. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige porterait, eu égard aux objectifs poursuivis par cette mesure, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. En septième lieu, la seule circonstance que l'intéressé se trouverait dans une situation de plus grande précarité au motif qu'il doit, chaque année, solliciter le renouvellement de son titre de séjour, n'est pas suffisante pour établir que le préfet de police de Paris aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle du requérant.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.

Délibéré après l'audience du 9 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2025.

La rapporteure,

A. ColletLa présidente,

A. Menasseyre

La greffière

N. Couty

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA00659


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00659
Date de la décision : 14/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : MAUGIN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-14;24pa00659 ?
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