Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2300218 du 7 février 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces enregistrées les 7 mars et 27 novembre 2024, Mme C... épouse A..., représentée par Me Boudjellal, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- le préfet de la Seine-Saint-Denis, en ne statuant pas sur sa demande de régularisation au titre de l'admission exceptionnelle, a méconnu l'étendue de sa compétence ;
- elle est entachée d'une erreur de fait ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dès lors que l'absence de prise en charge médicale aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Collet ;
- les observations de Me Boudjellal, avocat de Mme C... épouse A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... C... épouse A..., ressortissante algérienne née le 2 septembre 1974, a sollicité le 2 juin 2022, la délivrance d'un certificat de résidence algérien. Par un arrêté du 9 décembre 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Mme C... épouse A... relève appel du jugement du 7 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 7) Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser à Mme C... épouse A... la délivrance d'un certificat de résidence en qualité d'étrangère malade, le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 6 octobre 2022 qui précisait que si l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale, toutefois son défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'au vu des pièces du dossier, l'état de santé de Mme C... épouse A... lui permettait de voyager sans risque vers son pays d'origine.
4. Il ressort des pièces médicales versées au dossier que Mme C... épouse A... souffre d'un méningiome centré sur la loge caverneuse gauche engainant la carotide gauche et s'insinuant dans la partie supérieure du cavum de Meckel et que cette tumeur, qui a été découverte en 2014 à l'occasion d'un dosage de prolactine révélant une insuffisance de gonadotrope, a nécessité une intervention par radiothérapie en 2015 et s'est stabilisée depuis 2022. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, en particulier du certificat médical produit pour la première fois en appel par la requérante, établi le 27 février 2024 par le directeur de l'unité de radiochirurgie GammaKnife et neurochirurgien à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, postérieur à la décision contestée mais révélant un état de fait antérieur, que ce méningiome associé à une insuffisance de gonadotrope constante ont pour conséquence une hyperprolactinémie, une hypercholestérolémie, une baisse de l'acuité visuelle de près et de loin ainsi qu'une fibromastopathie kystique, pathologie dont il ressort par ailleurs des pièces du dossier qu'elle implique une surveillance semestrielle par échographie mammaire compte tenu de son évolution défavorable depuis 2018. En outre, il ressort des pièces du dossier, notamment du certificat médical confidentiel adressé au médecin de l'OFII et établi par un praticien hospitalier au sein de l'unité Hypophyse de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, que son état de santé nécessite un traitement médicamenteux composé de Dostinex, un inhibiteur de prolactine, et de Tahor, un hypolipidémiant, associé à une surveillance à vie du bilan hormonal hypophysaire aux fins de recherche d'insuffisances post-radiothérapie ainsi que d'une surveillance par IRM cérébrales. Par ailleurs, il ressort des différents certificats médicaux établis depuis 2018 par un praticien hospitalier suivant Mme C... épouse A... au centre médico-psychologique de Sarcelles, que l'intéressée présente une psychopathologie grave à type de symptôme anxiodépressif et traumatique sévère due à l'évolution sur le plan somatique du méningiome, eu égard en particulier aux complications ophtalmologiques induites, et que son état clinique, qui se manifeste notamment par des crises de panique, nécessite un traitement médicamenteux composé d'un antidépresseur, d'un anxiolytique et d'un hypnotique associé à un suivi régulier et rapproché au sein du centre médico-psychologique. Enfin, il ressort de ces mêmes certificats médicaux que le défaut de prise en charge médicale, eu égard au risque de rechute, aura des conséquences graves, de nature à engager son pronostic vital sur le plan neurologique et à entraîner des complications sévères sur le plan psychiatrique. Dans ces conditions, compte tenu des risques de rechute que présente Mme C... épouse A..., de l'évolution défavorable de certains retentissements sur le plan somatique ayant notamment entraîné une reconnaissance d'un taux d'incapacité supérieur à 50 % et inférieur à 80 %, et alors que la surveillance pluridisciplinaire accrue et régulière induite fait partie intégrante de sa prise en charge médicale, l'intéressée, doit être regardée comme établissant que le défaut de prise en charge médicale aura des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé et est ainsi fondée à soutenir qu'en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étrangère malade en estimant le contraire, le préfet de la Seine-Saint-Denis a méconnu les stipulations de l'article 6 7) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Il s'ensuit que la décision du 9 décembre 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis doit être annulée. Il en est de même, par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, lesquelles sont ainsi dépourvues de base légale.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme C... épouse A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 décembre 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté contesté retenu, le présent arrêt implique seulement que le préfet de la Seine-Saint-Denis réexamine la situation administrative de Mme C... épouse A.... Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de l'intéressée dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant ce réexamen.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros demandée par Mme C... épouse A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2300218 du 7 février 2024 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 9 décembre 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à tout préfet territorialement compétent de procéder à un nouvel examen de la situation de Mme C... épouse A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant ce réexamen.
Article 3 : L'Etat versera à Mme C... épouse A... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... épouse A..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Copie en sera adressée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Bobigny.
Délibéré après l'audience du 9 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2025.
La rapporteure,
A. ColletLa présidente,
A. Menasseyre
La greffière
N. Couty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 24PA01107