Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Luxcarta Technology a demandé au tribunal administratif de Paris à titre principal, d'ordonner à la ville de Paris la reprise des relations contractuelles dans le cadre de l'accord-cadre à bons de commande pour l'acquisition d'une maquette 3D complète de l'ensemble des bâtiments et ouvrages d'art structurants parisiens, et acquisitions 3D complémentaires, conclu le 1er mars 2018 et résilié le 17 décembre 2019, et, à titre subsidiaire, de condamner la
Ville de Paris au paiement des sommes de 178 036 euros HT et 50 000 euros au titre, respectivement, d'une part, des prestations livrées et effectuées et, d'autre part, du préjudice découlant de la résiliation de ce contrat.
Par un jugement n° 2003979/4-3 - 2010869/4-3 du 5 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 3 décembre 2022, le 1er février 2023 et le 23 avril 2024, la société Luxcarta Technology, représenté par Me Lallemand, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 octobre 2022 ;
2°) d'annuler la mesure de résiliation pour faute prononcée à son encontre ;
3°) de condamner la de la Ville de Paris à lui verser la somme de 178 036 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir en réparation du préjudice financier que lui a causé cette résiliation ainsi que la somme de 50 000 euros en réparation de ses préjudices moral, professionnel et d'image et de réputation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable dès lors qu'elle a fait parvenir par courriel un mémoire en réclamation à la société Aerodata France qui l'a transmis à la Ville de Paris conformément aux stipulations de l'article 47-2 du CCAG-TIC ;
- la lettre de résiliation n'est pas suffisamment motivée ;
- elle fait référence à l'article 32 du CCAG TIC qui vise la " maintenance des prestations " et un article 6-1 du CCAP relatif à l'assurance devant être prise par le titulaire et non pas une résiliation pour faute et mentionne l'article 34-5 du CCAG-TIC qui n'est pas relatif au décompte de résiliation ;
- la décision de résiliation n'a pas été suivie d'une réunion contradictoire pour établir le procès-verbal d'inventaire des prestations réalisées, des approvisionnements existants, enfin des matériels se trouvant sur le site ;
- la Ville de Paris est à l'origine des retards et de l'impossibilité de livrer la totalité de la commande dans les délais impartis, circonstances dont elle-même n'est pas responsable en raison de l'absence de validation du MTN, de exigences liées à l'utilisation des données APUR et des défauts du contrôle qualité ;
- le délai qui lui a été accordé pour livrer les différentes unités de travail était insuffisant ;
- la circonstance que la société Aerodata France a livré un MTN invalidé par la
Ville de Paris l'a mise dans l'impossibilité de réaliser les prestations mises à sa charge par le contrat, la livraison et de la validation de l'UO1 en amont de la réalisation des autres UO étant indispensable à leur réalisation en application des articles 5.2.2.3 et 5.2.3.3 du CCTP ;
- les co-traitants membres d'un groupement conjoint étant indépendants financièrement et techniquement comme co-traitants non solidaires, la résiliation pour faute si tant est qu'elle soit justifiée éventuellement contre la société Aerodata France, ne pouvait pas être prononcée pour les même motifs à son encontre ;
- elle est fondée à demander une indemnisation établie en référence à l'article 44-2 du CCAG TIC renvoyant à l'article 41-1 du CCAG TIC pour difficulté d'exécution du marché ;
- elle est fondée à demander le règlement total de la commande à hauteur de 145 320 € HT et correspondant aux factures d'ores et déjà adressées au service comptable, somme à laquelle s'ajoute le montant des frais liés au contraintes supplémentaires imposées par la Ville de Paris, soit au total 63 700 euros HT pour la numérisation 3D, 65 600 euros HT pour la modélisation 3D et 10 072 euros HT au titre de l'intervention d'un consultant qui a dû être engagé pour les besoins du contrat et sur lequel la Ville de Paris s'est également appuyé, 9 600 euros HT pour le " contrôle / validation / intégration " de la reprise de la numérisation 3D par l'équipe projet sur la période de juillet à septembre 2019, et 29 064 euros HT pour le temps de mobilisation non prévu de l'équipe de production de la modélisation 3D en France en échanges " longs et improductifs " avec l'équipe projet de la ville de Paris ;
- elle justifie de son préjudice moral, professionnel et d'image et de réputation à hauteur de 50 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2024, la ville de Paris, représentée par Me Falala, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Luxcarta Technology au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête de première instance était irrecevable faute pour la société
Luxcarta Technology d'avoir transmis au maître d'ouvrage un mémoire en réclamation par l'intermédiaire de la société Aerodata France, mandataire du groupement et seule habilitée à la représenter ;
- les moyens soulevés par la société Luxcarta Technology ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 24 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 28 mai 2024.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ;
- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics ;
- l'arrêté du 16 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales (CCAG-TIC) applicables aux marchés publics de techniques de l'information et de la communication ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bruston,
- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,
- et les observations de Me Goulard substituant Me Falala, représentant la Ville de Paris.
Considérant ce qui suit :
1. La ville de Paris a, par un acte d'engagement du 13 octobre 2017, signé le 1er mars 2018 avec la société à responsabilité limitée (SARL) Aerodata France, premier co-traitant et mandataire du groupement conjoint formé avec la société par actions simplifiée (SAS) Luxcarta Technology et la société Géosat, respectivement deuxième et troisième co-traitants, conclu un accord-cadre à bons de commande, pour l'acquisition d'une maquette 3D complète de l'ensemble des bâtiments et ouvrages d'art structurants parisiens, et acquisitions de documents 3D complémentaires, d'une durée de quatre ans ferme. Par un courrier du 21 février 2019, la ville de Paris a mis en demeure la SARL Aerodata France et la SAS Luxcarta Technology de lui adresser la maquette 3D commandée. Elle a de nouveau adressé au mandataire du groupement deux mises en demeure datées des 31 juillet et 14 novembre 2019 et tendant respectivement à la livraison, d'une part, d'un photomaillage 3D tel que défini dans la commande n° 4502409609 du 8 mars 2019 d'ici le
19 août 2019, d'autre part, de l'ensemble des prestations commandées d'ici le 29 novembre 2019. Le 17 décembre 2019, la ville de Paris a décidé de résilier le marché pour faute au motif que les éléments livrés à cette date n'incluaient pas les bâtiments 3D et les ouvrages d'art. Elle a ensuite, par courrier du 22 janvier 2020, adressé à la SAS Luxcarta Technology le décompte de résiliation. La SAS Luxcarta Technology relève appel du jugement du 5 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a refusé d'ordonner à la ville de Paris la reprise des relations contractuelles et a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la ville de Paris au paiement des sommes de 178 036 euros HT et 50 000 euros au titre, respectivement, d'une part, des prestations livrées, d'autre part, du préjudice découlant de la résiliation de ce contrat.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le juge du contrat, saisi par une partie d'un litige relatif à une mesure d'exécution d'un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité. Toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles. Lorsque, dans le cadre de l'examen de conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles présentées par un cocontractant de l'administration dont le contrat a fait l'objet d'une résiliation, il résulte de l'instruction que le terme stipulé du contrat est dépassé, le juge constate un non-lieu à statuer sur ces conclusions. Il résulte de l'instruction que le terme de l'accord cadre était fixé au 28 février 2022. Dès lors, la société Luxcarta Techology n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont constaté qu'à la date du jugement, les conclusions de sa requête tendant à la reprise des relations contractuelles étaient devenues sans objet.
Sur la recevabilité de la requête de première instance :
3. Aux termes de l'article 12.1.4 du CCAG-TIC applicable à l'accord-cadre : " Le mandataire est seul habilité à formuler ou à transmettre les réclamations de membres du groupement. ". Selon l'article 47 du même cahier : " 47. 1. Le pouvoir adjudicateur et le titulaire s'efforceront de régler à l'amiable tout différend éventuel relatif à l'interprétation des stipulations du marché ou à l'exécution des prestations objet du marché. / 47. 2. Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'une lettre de réclamation exposant les motifs de son désaccord et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Cette lettre doit être communiquée au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion. ".
4. La société Luxcarta Techology justifie avoir transmis sa réclamation, intitulée " demande indemnitaire et contestation du décompte de résiliation ", par courriel à la société Aerodata France pour transmission à la ville de Paris le 13 février 2020. Elle justifie également, en produisant les accusés de réception correspondant, de la retransmission de ce courrier par voie électronique par la société Aeorodata France et de sa réception par la ville de Paris le
14 février 2020. Dès lors, les dispositions précitées n'imposant pas la transmission de la réclamation au maître d'ouvrage par un mode de communication déterminé, la fin de non-recevoir opposée par la ville de Paris à la demande de première instance doit être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la validité de la mesure de résiliation :
5. Aux termes de de l'article 42 du CCAG-TIC applicable au litige : " 42.1. Le pouvoir adjudicateur peut résilier le marché pour faute du titulaire dans les cas suivants : (...) c) Le titulaire ne s'est pas acquitté de ses obligations dans les délais contractuels. (...) l) L'utilisation des résultats par le pouvoir adjudicateur est gravement compromise, en raison du retard pris par le titulaire dans l'exécution du marché. ". Selon l'article 42-2 : " Sauf dans les cas prévus aux i, m et n du 42. 1 ci-dessus, une mise en demeure, assortie d'un délai d'exécution, doit avoir été préalablement notifiée au titulaire et être restée infructueuse. / Dans le cadre de la mise en demeure, le pouvoir adjudicateur informe le titulaire de la sanction envisagée et l'invite à présenter ses observations. ".
6. Il résulte de l'instruction qu'aux termes de l'acte d'engagement, la réalisation du projet se décomposait en plusieurs phases, nommées unités d'œuvres (UO), explicitées à l'article 5 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP). L'UO1, relative à l'initialisation du socle 3D, intégrait quatre produits, une orthophotographie aérienne très haute résolution (THR), un modèle numérique de terrain (MNT) et un modèle numérique d'élévation (MNE), des prises de vue obliques et un LiDAR THR classifié. L'UO2 et l'UO3 avaient respectivement pour objectif de constituer une base de données sur l'ensemble du territoire de la maquette 3D, d'une part, de bâtiments 3D texturés avec toits et superstructures de toits, d'autre part, d'ouvrages d'art structurants 3D texturés (Modélisation Ponts, Portes Echangeurs, Viaducs structurants). Enfin, l'UO8 visait à acquérir, sur l'ensemble du périmètre de la maquette, une orthophoto 3D ou photomaillage, c'est-à-dire un maillage 3D texturé à 360° permettant de se " déplacer " de manière continue et fluide, en temps réel, en particulier au moyen d'un navigateur internet, dans une image 3D de la ville de Paris. En vertu de ce même acte d'engagement, chacune des sociétés co-traitantes, membre d'un groupement conjoint dont la société Aerodata France était mandataire, était chargée des tâches expressément définies par ce document, à savoir, s'agissant de la société
Aerodata France, l'UO1-1 (Initialisation Socle 3D 10cm), l'UO1-2 (Initialisation Socle 3D 5cm), l'UO5-1 (Nouveau Socle 3D 10cm), l'UO5-2 (Nouveau Socle 3D 5cm) et l'UO8 (Calcul Ortophoto 3D), pour la société Luxcarta Techology, l'UO2 (Initialisation Bâtiments Maquette 3D LOD2.2), l'UO3-1 (Initialisation Ouvrages d'arts structurants LOD2.2), les UO6-1 à 6-4 (Compléments Bâtiments 3D LOD 2.2) et les UO11-1 à 11-4 (Acquisition Ouvrages d'arts secondaires LOD2.2), et pour la société Géosat, l'UO3-2 (Initialisation Ouvrages d'arts structurants LOD3.3) et les UO9-1 à 9-3 (Acquisition Bâtiments remarquables par levé terrestre LiDAR / Prise de vues et restitution manuelle).
7. Par un bon de commande n°4502263324 émis le 1er mars 2018 et adressé à la société Aerodata France le 14 mars suivant, la ville de Paris a demandé à cette société d'exécuter les prestations correspondant à l'UO1-2 (Initialisation Socle 3D), avec une livraison prévue au 15 novembre 2018, et, par un bon de commande n°4502409603 du 8 mars 2019, la Ville de Paris a demandé à la société Aerodata France d'exécuter la prestation " maquette 3D - Production Photomaillage ", correspondant à l'UO8. Par un nouveau bon de commande du 9 novembre 2018 adressé à la société Aerodata France, la ville de Paris a demandé la réalisation de la " Maquette 3D 9696 Initial Bâti et ouvrage ", correspondant à l'UO2 et à l'UO3. Le 12 novembre 2018, la société Aerodata France a communiqué à la ville de Paris un planning de réalisation des UO1,
2 et 3-1.
8. Le 14 novembre 2019, la ville de Paris a adressé une mise en demeure à la société Aerodata France, exigeant la fourniture des prestations dues par l'ensemble du groupement au plus tard le 29 novembre 2019 à midi. Le courrier informait le titulaire qu'à défaut de livraison à cette date d'une maquette 3D de Paris complète et d'un niveau de qualité conforme au CCTP, le marché pourrait être résilié aux torts exclusifs du titulaire en application de l'article 42 du CCAG TIC. En réponse à cette mise en demeure, la société Aerodata France a livré une nouvelle version des prestations lui incombant, correspondant aux UO1-2 et 8, le 29 novembre 2019. Pour décider la résiliation pour faute de l'accord-cadre, la ville de Paris s'est fondée, aux termes de son courrier du 17 décembre 2019, sur l'incomplétude des livrables, la maquette 3D fournie le
29 novembre 2019 ne comprenant pas l'ensemble des bâtiments et ouvrages d'arts structurants parisiens et acquisitions 3D complémentaires, objet du marché.
9. Aux termes de l'article 5 du CCTP : " 5.2.2. UO2 - Initialisation des Bâtiments 3D (LOD 2.2*) : Raccordement au socle de la Maquette 3D et au Référentiel SIG : Chaque modèle 3D de bâtiment doit être géolocalisé, orienté et intégré au socle de la maquette 3D réalisé précédemment. (...) 5.2.2.3. Dépendances avec les autres Unités d'œuvres - Dépendance obligatoire : Pour réaliser cette Unité d'œuvre la livraison et la validation de l'UO1 est indispensable. / L'ensemble des données du Socle 3D, Orthophotographie aérienne, Prise de vues obliques, MNT et MNE et LiDAR sont indispensables à la modélisation des bâtiments et à leur texturation. ".
10. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 8 novembre 2019, notifié le 12 novembre suivant, la ville de Paris a informé la société Aérodata France de son rejet des prestations correspondant aux UO1-2, UO2, UO3-1 et UO8 pour défaut de conformité aux stipulations du CCTP et il n'est pas contesté que les livrables correspondant à l'UO1 n'ont fait l'objet d'aucune validation définitive. Si la ville de Paris reproche à la société Luxcarta Techology de n'avoir respecté ni les délais de livraison résultant du planning transmis le 12 novembre 2018, ni la qualité minimale imposée par le contrat, il résulte des stipulations précitées du CCTP que la modélisation et la texturation des bâtiments et ouvrages d'art prévus aux UO2 et UO3 impliquaient nécessairement la livraison et la validation de l'UO1 en amont de la réalisation de ces autres UO, l'UO1 étant indispensable à leur réalisation. Dans ces conditions, quand bien même les prestations de la société Luxcarta Techology pouvaient être en grande partie effectuées de manière simultanée avec celles de la société Aerodata France comme le prévoyait le planning transmis par le groupement, l'absence de validation du socle faisait obstacle à la livraison par la société Luxcarta Techology des prestations mises à sa charge. Dès lors que, dans le cas où un marché est attribué à un groupement conjoint d'entreprises, les lots sont attribués à des entreprises nommément désignées qui ont, chacune pour ce qui la concerne, la qualité de cocontractant du maître d'ouvrage, la société Luxcarta Techology est fondée à soutenir que l'absence de validation de l'UO1 et, par suite, l'absence de livraison des UO2 et UO3 ne pouvaient pas engager sa responsabilité contractuelle et justifier la résiliation du marché à son égard.
11. Il résulte de ce qui précède que la société Luxcarta Techology est fondée à demander à être indemnisée des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison du caractère mal fondé de la mesure de résiliation pour faute dont elle a fait l'objet.
En ce qui concerne les préjudices :
12. Aux termes de l'article 41 du CCAG-TIC : " 41. 1. Difficulté d'exécution du marché : Lorsque le titulaire rencontre, au cours de l'exécution des prestations, des difficultés techniques particulières, dont la solution nécessiterait la mise en œuvre de moyens hors de proportion avec le montant du marché, le pouvoir adjudicateur peut résilier le marché, de sa propre initiative ou à la demande du titulaire. / Lorsque le titulaire est mis dans l'impossibilité d'exécuter le marché du fait d'un événement ayant le caractère de force majeure, le pouvoir adjudicateur résilie le marché. ". Selon l'article 44 de ce cahier : " 44. 2. Le décompte de liquidation qui fait suite à une décision de résiliation prise en application des articles 41 et 43 comprend : 44. 2. 1. Au débit du titulaire : ' le montant des sommes versées à titre d'avance, d'acompte, de règlement partiel définitif et de solde ; / ' la valeur, fixée par le marché et ses avenants éventuels, des moyens confiés au titulaire que celui-ci ne peut restituer ainsi que la valeur de reprise des moyens que le pouvoir adjudicateur cède à l'amiable au titulaire ; / ' le montant des pénalités. / 44. 2. 2. Au crédit du titulaire : 44. 2. 2. 1. La valeur des prestations fournies au pouvoir adjudicateur, à savoir : ' la valeur contractuelle des prestations reçues, y compris, s'il y a lieu, les intérêts moratoires ; / ' la valeur des prestations fournies éventuellement à la demande du pouvoir adjudicateur telles que le stockage des fournitures ; 44. 2. 2. 2. Les dépenses engagées par le titulaire en vue de l'exécution des prestations qui n'ont pas été fournies au pouvoir adjudicateur, dans la mesure où ces dépenses n'ont pas été amorties antérieurement ou ne peuvent pas l'être ultérieurement, à savoir : ' le coût des objets approvisionnés en vue de l'exécution du marché ; /' le coût des installations, matériels et outillages, réalisés en vue de l'exécution du marché ; /' les autres frais du titulaire se rapportant directement à l'exécution du marché ; / 44. 2. 2. 3. Les dépenses de personnel dont le titulaire apporte la preuve qu'elles résultent directement et nécessairement de la résiliation du marché ; / (...) 44. 2. 2. 5. Plus généralement tous préjudices subis du fait de la résiliation par le titulaire et éventuellement ses sous-traitants et fournisseurs. ".
13. Il résulte de l'instruction que, si la mesure de résiliation en litige ne pouvait pas trouver son fondement dans les fautes commises par la société Luxcarta Techology, elle pouvait trouver sa justification, en l'espèce, dans l'absence de réalisation par la société Aerodata France, dans les délais contractuels, des prestations lui incombant, lesquelles étaient indispensables, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, à la réalisation par la société Luxcarta Techology de ses propres prestations. Dès lors, la société Luxcarta Techology est fondée à demander à être indemnisée de ses préjudices à hauteur des sommes auxquelles elle aurait pu prétendre en application des dispositions précitées.
14. Il résulte de l'instruction que, pour la réalisation de la maquette 3D objet de
l'accord-cadre, la ville de Paris a décidé un découpage de la ville en six zones qu'elle a validé. Il résulte également de l'instruction que, le 1er avril 2019, la Ville de Paris a accepté la livraison d'un " demi-lot ", avec réserves, dès lors qu'il comportait un taux d'erreur de 3,8 %
" seulement " et la société Luxcarta Techology fait valoir qu'elle a exécuté la phase de numérisation 3D des toits et superstructures de toits sur l'ensemble de la ville, livré la modélisation 3D pour cinq zones sur six et procédé à la texturation pour une zone. S'il résulte de l'instruction que les livrables réalisés par la société Luxcarta Techology et remis à la Ville de Paris présentaient des défauts de qualité donnant lieu, notamment, au constat de toits " flottants ", de raccords manquants ou de parties de bâtiments qui " dépassent ", il résulte des dispositions précitées au point 12 que cette société peut prétendre à l'indemnisation des prestations fournies à la demande du pouvoir adjudicateur, alors même que le MNT n'était pas validé, quel que soit le pourcentage de défauts constatés. Dans ces conditions, la société Luxcarta Techology est fondée à demander le paiement d'une somme correspondant à 5/6ème du montant du marché, soit 121 100 euros HT. En outre, s'agissant de l'intervention et du rapport du consultant externe G. Tihon, mentionné dans le compte-rendu du Comité de pilotage externe du 26 juin 2019, la société Luxcarta Techology apporte la démonstration que cette dépense, directement en lien avec le marché, a été utile à la Ville de Paris. Dès lors, elle est également fondée à demander à être indemnisée des dépenses engagées à ce titre à hauteur des sommes mentionnées dans les factures qu'elle produit, lesquelles s'élèvent à 3 915 euros et 6 157,50 euros soit 10 072,50 euros. Toutefois, si cette société fait valoir que doivent également être prises en charge les dépenses engagées par le titulaire en vue de l'exécution des prestations qui n'ont pas été fournies au pouvoir adjudicateur et les dépenses de personnel, les sommes qu'elle demande à ce titre ne sont pas justifiées, en particulier par des documents comptables, seules des captures d'écran de tableaux excel étant produits à l'instance. De même, la demande de la société Luxcarta Techology tendant à l'indemnisation du préjudice moral et d'atteinte au droit à l'image qu'elle soutient avoir subi n'est assortie d'aucun justificatif probant.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la société Luxcarta Techology est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande et à demander la condamnation de la Ville de Paris à lui verser la somme de totale de
131 172,50 euros HT. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt, comme le demande la société requérante.
Sur les frais de l'instance :
16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Luxcarta Techology et non compris dans les dépens. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée à ce titre par la
Ville de Paris.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2003979/4-3 - 2010869/4-3 du 5 octobre 2022 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La ville de Paris est condamnée à verser à la société Luxcarta Technology la somme de 131 172,50 euros HT assortie des intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt.
Article 3 : La ville de Paris versera à la société Luxcarta Technology la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la Luxcarta technology et à la ville de Paris.
Délibéré après l'audience du 20 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Doumergue, présidente,
Mme Bruston, présidente assesseure,
Mme Saint-Macary, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 janvier 2025.
La rapporteure,
S. BRUSTON
La présidente,
M. A... La greffière,
E. FERNANDO
La République mande et ordonne au préfet de la région Ile de France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA05131 2