Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL A.A.B. a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté n° 2021-0999 du 29 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a procédé à la suspension, pour une période d'un mois, de l'agrément des installations du centre de contrôle technique de véhicules légers AAB.
Par un jugement n°2107371 du 26 avril 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 27 juin 2023 et un mémoire en réplique enregistré le
22 octobre 2024, la société A.A.B., représentée par Me de Margerie, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 26 avril 2023, le Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté n° 2021-0999 du 29 avril 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges ont procédé à une substitution de motif non sollicitée par l'administration ;
- la sanction litigieuse a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'elle a méconnu les droits de la défense en violation de l'article R. 323-14 du code de la route et de l'article 13-1 de l'arrêté du 18 juin 1991 relatif à la mise en place et à l'organisation du contrôle technique des véhicules dont le poids n'excède pas 3,5 tonnes ;
- cette décision est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- la sanction litigieuse méconnaît le principe constitutionnel de personnalité des
peines ; la substitution de motif sollicitée en appel par le ministre tirée de ce que l'arrêté litigieux pouvait prononcer une sanction à son encontre alors qu'il vise des manquements qui ne sont imputables qu'aux seuls contrôleurs, dès lors que les manquements à la réglementation du contrôle technique des véhicules commis par les contrôleurs sont de nature à révéler de sérieuses carences dans l'organisation et le fonctionnement du centre, la priverait des garanties procédurales tirée de la tenue d'une réunion contradictoire préalable et de la possibilité pour le réseau de rattachement de participer à sa défense ;
- un des griefs est dépourvu de base légale dès lors que la règlementation n'impose d'obligation de stockage dans un lieu fermé et sécurisé que pour les procès-verbaux vierges.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 septembre 2024, le ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la route ;
- l'arrêté du 18 juin 1991 relatif à la mise en place et à l'organisation du contrôle technique des véhicules dont le poids n'excède pas 3,5 tonnes ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Julliard,
- les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Oukid, représentant la société A.A.B..
Une note en délibéré, présentée pour la société A.A.B., a été enregistrée le 19 décembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL A.A.B. exploite le centre de contrôle technique de véhicules légers " A.A.B. " situé 13 avenue de la République dans la commune d'Aubervilliers, qui est rattaché par convention au réseau de contrôle Vivauto Autovision. Les installations de ce centre de contrôle ont fait l'objet à compter du 26 mars 2010 d'un agrément pour le contrôle technique de véhicules légers délivré par le préfet de la Seine-Saint-Denis. Son gérant, M. B... A..., dispose d'un agrément délivré le même jour comme contrôleur technique. Les services de la direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie (DRIEE) d'Ile-de-France ont effectué le 10 février 2021 une visite de surveillance de l'activité de contrôle exercée par le centre A.A.B. et ont établi deux rapports de visites du 12 février 2021. Tirant les conséquences des manquements relevés dans le rapport relatif au centre A.A.B., le préfet de la Seine-Saint-Denis a prononcé, par un arrêté n° 2021-0999 du 29 avril 2021, la suspension pour une période d'un mois de son agrément. La SARL A.A.B. relève appel du jugement du 26 avril 2023 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La SARL A.A.B. soutient que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges ont procédé à une substitution de motif non sollicitée par l'administration en jugeant, pour écarter son argumentation tirée de ce que l'arrêté litigieux prononce une sanction à son encontre alors qu'il vise des manquements qui ne sont imputables qu'aux seuls contrôleurs en méconnaissance du principe de la personnalité des peines, que " les manquements à la réglementation du contrôle technique des véhicules commis par les contrôleurs sont de nature à révéler de sérieuses carences dans l'organisation et le fonctionnement de ce centre et un défaut caractérisé de surveillance de ces contrôleurs ". Toutefois, il ressort des termes mêmes de la décision litigieuse qu'elle indique que le caractère grave et urgent des faits constatés remet en cause le bon fonctionnement du centre. Par suite, les premiers juges ne peuvent être regardés comme ayant substitué d'office un motif que ne contiendrait pas cette décision et le jugement n'est pas entaché de l'irrégularité alléguée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article R. 323-14 du code de la route dans sa version applicable à la date de l'arrêté litigieux : " (...) IV. - L'agrément des installations de contrôle peut être suspendu ou retiré pour tout ou partie des catégories de contrôles techniques qu'il concerne si les conditions de bon fonctionnement des installations ou si les prescriptions qui leur sont imposées par la présente section ne sont plus respectées, et après que la personne bénéficiaire de l'agrément et le représentant du réseau de contrôle auquel les installations sont éventuellement rattachées ont pu être entendus et mis à même de présenter des observations écrites ou orales. ". L'article 13-1 de l'arrêté du 18 juin 1991 susvisé, dans sa version applicable, dispose que : " L'agrément du contrôleur peut être retiré ou suspendu conformément aux dispositions du IV de l'article R. 323-18 du code de la route, soit par le préfet du département où les faits ont été constatés, soit par le préfet du département du centre de rattachement du contrôleur. Les mesures de retrait ou de suspension sont notamment applicables en cas de carence de qualification, en cas de réalisation non conforme d'un contrôle technique, notamment dans les points à contrôler, les modalités et méthodes de contrôles, les formalités finales ou conclusions dans le résultat du contrôle technique. En application des dispositions de l'article R. 323-18 du code de la route, l'agrément du contrôleur peut être retiré en cas de non-respect d'une décision administrative suspendant l'activité du contrôleur. Avant toute décision, le préfet de département informe par écrit le contrôleur, le centre de contrôle où les faits ont été constatés ainsi que le centre de contrôle auquel le contrôleur est rattaché et les réseaux éventuellement concernés, de son intention de suspendre ou de retirer l'agrément du contrôleur en indiquant les faits qui lui sont reprochés et en lui communiquant ou en lui permettant d'accéder au dossier sur la base duquel la procédure est initiée. Le contrôleur, le centre de contrôle où les faits ont été constatés ainsi que le centre de contrôle de rattachement du contrôleur et les réseaux éventuellement concernés disposent d'un délai d'un mois, à compter de la présentation du courrier, pour faire part de leurs observations par écrit. Si le préfet de département envisage de suspendre ou retirer l'agrément, il organise une réunion contradictoire à laquelle sont invités le contrôleur, le centre de contrôle où les faits ont été constatés ainsi que le centre de contrôle de rattachement du contrôleur et les réseaux éventuellement concernés, avant que la sanction ne soit prononcée. Cette réunion est tenue postérieurement au délai d'un mois accordé pour faire part des observations. Toute décision de suspension ou de retrait d'agrément est notifiée au contrôleur, au centre de contrôle où les faits ont été constatés, au centre de contrôle de véhicules légers auquel le contrôleur est rattaché, aux réseaux éventuellement concernés et à l'organisme technique central. ".
4. Si la société A.A.B. soutient, en premier lieu, que la sanction litigieuse a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'elle a méconnu les droits de la défense en violation de l'article R. 323-14 du code de la route et de l'article 13-1 de l'arrêté du 18 juin 1991, il ressort des pièces du dossier que, par une correspondance du 3 mars 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a informé le centre de contrôle technique A.A.B. des manquements constatés par les services de la direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie lors de leur visite de ce centre effectuée le 10 février 2021, en lui communiquant le rapport établi par ces services le 12 février 2021. Ce courrier invitait la SARL A.A.B. à faire part de ses observations, ce qu'elle a fait par courrier du 19 mars 2021, et l'informait de la possibilité de consulter le dossier de la procédure dans les locaux de la DRIEE d'Ile de France. Enfin, le préfet a organisé le 7 avril 2021 la réunion contradictoire prévue par les dispositions précitées à laquelle était présent un représentant du réseau Vivauto Autovision, auquel est rattaché le centre de contrôle technique A.A.B. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de la procédure contradictoire doit être écarté.
5. Si la société A.A.B. soutient, en deuxième lieu, que la décision litigieuse est entachée d'une insuffisance de motivation, il ressort de cette décision qu'elle vise notamment les articles pertinents du code de la route, l'arrêté ministériel du 18 juin 1991 relatif à la mise en place et à l'organisation du contrôle technique des véhicules dont le poids n'excède pas
3,5 tonnes, la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 26 mars 2010 portant agrément du centre de contrôle technique A.A.B., le rapport de visite de surveillance de la DRIEE, qui a relevé des non-conformités vis-à-vis de la réglementation en vigueur, la réunion contradictoire du 7 avril 2021 et énumère l'ensemble des griefs reprochés à la société appelante. Elle est donc suffisamment motivée en droit et en fait.
6. Si la société A.A.B. soutient, en troisième lieu, que la sanction litigieuse méconnaît le principe constitutionnel de personnalité des peines, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit au point 11 du jugement attaqué. Si la société A.A.B. soutient en outre, dans son mémoire en réplique, que la substitution sollicitée en appel par le ministre, au motif retenu par le préfet tiré des manquements imputables aux contrôleurs du motif tiré de ce que ces manquements sont de nature à révéler de sérieuses carences dans l'organisation et le fonctionnement du centre, la priverait de garanties procédurales, ce moyen est inopérant dès lors que le ministre ne sollicite pas de substitution de motif, le motif invoqué étant, ainsi qu'il a été dit au point 2 du présent arrêt, contenu dans la décision litigieuse.
7. La société A.A.B. soutient, enfin, que le grief tiré du non-respect de l'archivage des doubles de procès-verbaux des contrôles dans un lieu fermé et sécurisé est dépourvu de base légale dès lors que la règlementation n'impose d'obligation de stockage que pour les procès-verbaux vierges. Toutefois, et en tout état de cause, la SARL ne conteste pas en appel la matérialité et la gravité des autres griefs retenus par le préfet et qui justifient l'adoption de la sanction litigieuse.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société A. A. B. n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les frais de l'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, verse à la SARL A.A.B. la somme qu'elle demande au titre des frais de l'instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL A.A.B. est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL A.A.B., au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Copie en sera adressé au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Philippe Delage, président de chambre,
Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,
Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 janvier 2025.
La rapporteure,
M. JULLIARD
Le président,
Ph. DELAGE Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA02854 2