Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Rivoli Park Tavern a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013, de la cotisation primitive d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période couvrant ces exercices, ainsi que des majorations s'y rapportant.
Par un jugement nos 2110371, 2201437 du 7 juillet 2023, le tribunal administratif de Paris a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à concurrence de la somme de 33 167 euros dégrevée en cours d'instance et rejeté le surplus des conclusions des demandes de la SARL Rivoli Park Tavern.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire non communiqué, enregistrés les 8 septembre 2023 et 11 juillet 2024, la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Fides, liquidateur judiciaire de la SARL Rivoli Park Tavern, représentée par la société d'avocats Avodia, demande à la Cour :
1°) d' annuler le jugement nos 2110371, 2201437 du tribunal administratif de Paris en date du 7 juillet 2023 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions des demandes de la SARL Rivoli Park Tavern ;
2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle la SARL Rivoli Park Tavern a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013, de la cotisation primitive d'impôt sur les sociétés à laquelle cette société a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période couvrant ces exercices, ainsi que des majorations s'y rapportant ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'erreur de droit ;
- la comptabilité présentée par la SARL Rivoli Park Tavern n'était pas entachée de graves irrégularités ; le service n'était pas fondé à l'écarter au seul motif que les notes sur lesquelles figuraient les consommations des clients n'étaient pas numérotées de manière chronologique ;
- la proposition de rectification qui a été adressée à la SARL Rivoli Park Tavern n'était pas suffisamment motivée, en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, en l'absence de précisions sur la méthode de détermination et de calcul de la quantité des boissons achetées et revendues ;
- à supposer que le service ait considéré que l'ensemble des achats de la SARL Rivoli Park Tavern avaient été revendus, la méthode serait radicalement viciée dans son principe.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2024, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SELARL Fides ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 14 juin 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 juillet 2024.
En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, l'instruction a été rouverte pour les éléments demandés en vue de compléter l'instruction par lettres des 18 octobre 2024 et 23 octobre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lemaire,
- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Rivoli Park Tavern, qui exploitait une brasserie à Paris, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le service a écarté la comptabilité présentée et a reconstitué les chiffres d'affaires et résultats imposables à l'impôt sur les sociétés des exercices clos en 2013 et en 2014 à l'aide d'une méthode extra-comptable ayant consisté à calculer les recettes totales hors taxes en appliquant aux recettes liées à la vente de boissons alcoolisées au cours de ces exercices un coefficient correspondant à la part des recettes liées à la vente de boissons alcoolisées dans les recettes totales, déterminé à partir des recettes déclarées à la taxe sur la valeur ajoutée. A l'issue d'une procédure de rectification contradictoire, la SARL Rivoli Park Tavern a en conséquence été assujettie à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2013 et à une cotisation primitive d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2014. Des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont également été mis à sa charge au titre de la période couvrant ces deux exercices. Par un jugement en date du 7 juillet 2023, le tribunal administratif de Paris, qui avait été saisi par la SARL Rivoli Park Tavern d'une demande tendant à la décharge de ces impositions, ainsi que des pénalités s'y rapportant, et auquel avait par ailleurs été soumise d'office, sur le fondement de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, la réclamation préalable présentée par cette société le 30 décembre 2020 pour contester ces impositions et pénalités, a, d'une part, constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de décharge à concurrence de la somme de 33 167 euros dégrevée en cours d'instance, et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions dont il avait été saisi. La SELARL Fides, liquidateur judiciaire de la SARL Rivoli Park Tavern, relève régulièrement appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions des demandes.
2. Dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé des impositions en litige. La SELARL Fides ne peut dès lors soutenir utilement que le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit pour en demander l'annulation.
Sur les conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
3. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 de ce livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon utile.
5. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 16 mars 2016 adressée à la SARL Rivoli Park Tavern mentionne les exercices, période d'imposition et impositions concernés, ainsi que la nature, les motifs, les fondements légaux et les montants des rectifications envisagées. Elle indique le motif pour lequel le vérificateur a considéré que la comptabilité qui avait été présentée au cours des opérations de contrôle n'était pas probante et devait être écartée et elle expose la méthode de reconstitution extra-comptable mise en œuvre pour évaluer les chiffres d'affaires et résultats imposables. En particulier, il résulte de cette proposition de rectification et de ses annexes que, pour reconstituer les chiffres d'affaires et résultats imposables de cette société, le service a déterminé les recettes liées à la vente de boissons alcoolisées au cours de chacun des exercices vérifiés en retenant les boissons figurant dans le stock d'ouverture et les boissons achetées lors de l'exercice et en extournant celles figurant dans le stock de clôture. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que cette proposition de rectification est insuffisamment motivée, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, doit être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
6. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 (...) est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. / (...) ".
7. En premier lieu, en vertu des dispositions de l'article 54 du code général des impôts, les contribuables qui sont soumis au régime d'imposition selon le bénéfice réel sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables et pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats mentionnés dans leurs déclarations.
8. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 16 mars 2016, que, pour justifier de ses recettes, qui étaient globalisées en fin de journée, la SARL Rivoli Park Tavern a fourni au vérificateur, notamment, des notes remises aux clients qui n'étaient pas numérotées de manière chronologique, ce qui ne permettait pas au service de s'assurer que toutes les notes émises avaient été conservées et de disposer d'éléments de recoupement permettant de s'assurer de la nature de l'intégralité des opérations réalisées ou de leur mode de règlement. Pour ce seul motif, le service vérificateur pouvait regarder la comptabilité qui lui avait été présentée par la SARL Rivoli Park Tavern comme étant entachée d'une grave irrégularité. Au demeurant, le service a également retenu l'absence d'autres éléments de recoupement, les bandes de caisse enregistreuse étant inexploitables faute de préciser le type de consommation en cause. Il était dès lors fondé à écarter cette comptabilité et à reconstituer les chiffres d'affaires et résultats imposables à l'aide d'une méthode extra-comptable, ce qui ne faisait pas obstacle à ce que les éléments tirés de ladite comptabilité soient néanmoins retenus pour rectifier les chiffres d'affaires et résultats déclarés.
9. En second lieu, la comptabilité de la SARL Rivoli Park Tavern comportant de graves irrégularités, ainsi qu'il a été dit au point précédent, et les impositions en litige ayant été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires de Paris du 23 janvier 2017, il appartient à la SELARL Fides, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, d'établir le caractère exagéré de ces impositions.
10. Ainsi qu'il a été dit au point 5, il résulte de l'instruction, et en particulier de la proposition de rectification du 16 mars 2016, que, pour reconstituer les chiffres d'affaires et résultats imposables de la SARL Rivoli Park Tavern, le service a déterminé les recettes liées à la vente de boissons alcoolisées au cours de chacun des exercices vérifiés en retenant les boissons figurant dans le stock d'ouverture et les boissons achetées lors de l'exercice et en extournant celles figurant dans le stock de clôture. La SELARL Fides n'est dès lors pas fondée à soutenir que le vérificateur a regardé l'ensemble des boissons alcoolisées achetées au cours des exercices vérifiés comme ayant été revendues au cours de ces exercices et que, pour ce motif, la méthode de reconstitution mise en œuvre par le service est radicalement viciée.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la SELARL Fides n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des conclusions à fin de décharge de la SARL Rivoli Park Tavern. Ses conclusions à fins d'annulation et de décharge doivent dès lors être rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la SELARL Fides demande au titre des frais qu'elle a exposés.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SELARL Fides est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Fides et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).
Délibéré après l'audience du 20 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Lemaire, président assesseur,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 17 janvier 2025.
Le rapporteur,
O. LEMAIRE
Le président,
S. CARRERE
La greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 23PA04005