Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Lilas France a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer le rétablissement des déficits d'ensemble qu'elle a déclarés au titre des exercices clos les 30 juin 2015, 2016 et 2017.
Par un jugement n° 2101707 du 26 octobre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la SAS Lilas France.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2023, la SAS Lilas France, représentée par la société d'avocats Tax Team et Conseils, demande à la Cour :
1°) d' annuler le jugement n° 2101707 du tribunal administratif de Montreuil en date du 26 octobre 2023 ;
2°) de prononcer le rétablissement des déficits d'ensemble qu'elle a déclarés au titre des exercices clos les 30 juin 2015, 2016 et 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'erreur de droit ;
- les apports en nature de titres remis en échange de titres de la société bénéficiaire des apports ne doivent pas être pris en compte, si ces opérations ne sont pas grevées d'un passif, pour la détermination du prix d'acquisition des titres de la société cible à retenir pour l'application du dispositif dénommé " amendement Charasse " prévu à l'article 223 B du code général des impôts ; en l'espèce, le prix d'acquisition des titres de la société Labeyrie Fine Foods s'élève ainsi à la somme de 25 512 107 euros, correspondant au remboursement partiel de la prime d'apport, et non à la somme de 175 261 000 euros, qui comprend la totalité de la valeur de l'apport en nature des titres de la société Labeyrie Fine Foods par la société Lur Berri UK avant remboursement de la prime ;
- pour l'application du dispositif dénommé " amendement Charasse " prévu à l'article 223 B du code général des impôts, le prix d'acquisition des titres de la société Labeyrie Fine Foods doit être réduit du montant total des apports en numéraire correspondant aux augmentations de capital réalisées simultanément à l'acquisition, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que tous les fonds apportés n'aient pas été affectés au paiement du prix d'acquisition ;
- elle entend se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations des paragraphes n° 120 et suivants des commentaires publiés au bulletin officiel des finances publiques - impôts sous la référence BOI-IS-GPE-20-20-80-20.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2024, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Lilas France ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lemaire,
- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,
- et les observations de Me de Ginestet, représentant la SAS Lilas France.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Lilas France, qui exerce une activité de holding, est la société mère du groupe fiscalement intégré Labeyrie. Elle a fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel, selon la procédure de rectification contradictoire, le service a réduit les résultats déficitaires d'ensemble qu'elle avait déclarés au titre des exercices clos les 30 juin 2015, 30 juin 2016 et 30 juin 2017. Ces rectifications résultent de la réintégration aux résultats d'ensemble de quotes-parts des charges financières déduites, sur le fondement du septième alinéa de l'article 223 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au premier exercice vérifié, puis du sixième alinéa de cet article, dans sa rédaction applicable aux deux autres exercices vérifiés. La SAS Lilas France relève régulièrement appel du jugement en date du 26 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la correction des erreurs commises par le service dans la détermination de ces résultats déficitaires.
2. Dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé des impositions en litige. La SAS Lilas France ne peut donc utilement soutenir que le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit pour en demander l'annulation.
Sur l'application de la loi fiscale :
3. Aux termes de l'article 223 B du code général des impôts : " (...) / Lorsqu'une société a acheté les titres d'une autre société qui est ou qui devient membre du même groupe ou les titres d'une société intermédiaire ou d'une société étrangère aux personnes qui la contrôlent, directement ou indirectement, ou à des sociétés que ces personnes contrôlent, directement ou indirectement, au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, les charges financières déduites pour la détermination du résultat d'ensemble sont rapportées à ce résultat pour une fraction égale au rapport du prix d'acquisition de ces titres, limité, le cas échéant, à la valeur vénale des titres des sociétés du groupe directement ou indirectement détenues par la société intermédiaire ou par la société étrangère acquise, à la somme du montant moyen des dettes, de chaque exercice, des entreprises membres du groupe. Le prix d'acquisition à retenir est réduit du montant des fonds apportés à la société cessionnaire lors d'une augmentation du capital réalisée simultanément à l'acquisition des titres à condition que ces fonds soient apportés à la société cessionnaire par une personne autre qu'une société membre du groupe ou, s'ils sont apportés par une société du groupe, qu'ils ne proviennent pas de crédits consentis par une personne non membre de ce groupe. La réintégration s'applique pendant l'exercice d'acquisition des titres et les huit exercices suivants. / (...) ".
4. Il résulte des dispositions précitées de l'article 223 B du code général des impôts que les fonds apportés à la société cessionnaire lors d'une augmentation de capital réalisée simultanément à l'acquisition de titres ne sont déductibles du prix d'acquisition de ces titres, pour l'application de ces dispositions, qu'à concurrence du montant affecté au financement de cette acquisition.
5. Il résulte de l'instruction que la société de droit anglais Lur Berri UK (" LB UK ") détenait, avec la société de droit français Teamcap et le fonds d'investissement LBO France, les titres de la société de droit français Labeyrie Fine Foods (" LFF "), alors société mère du groupe fiscalement intégré Labeyrie. Le 4 juin 2014, la société LB UK a créé la SAS Lilas France. Le 30 juin 2014, conformément aux stipulations d'un traité d'apport conclu le 20 juin 2014, la SAS Lilas France a acquis auprès de la société LB UK 128 252 674 actions de la société LFF, cette acquisition ayant été réalisée grâce à l'émission de 69 692 000 actions ordinaires et de préférence attribuées à la société LB UK, ainsi qu'à la constitution d'une prime d'émission d'un montant total de 105 569 000 euros, laquelle a alors été inscrite en dette en compte courant, en l'absence de liquidités, avant d'être partiellement distribuée, le 21 juillet 2014, à concurrence d'un montant de 25 512 107 euros, par emprunt auprès de la société LB UK. Le 22 juillet 2014, la société LB PAI HOLDCO, qui avait été créée le 4 juin 2014 par la société LB UK, et la société Teamcap ont souscrit aux augmentations de capital de la SAS Lilas France par des apports en numéraire pour des montants respectifs de 33 641 604 euros et 9 590 826 euros, soit un montant total de 43 232 430 euros. A cette même date, le fonds d'investissement LBO France a cédé à la SAS Lilas France l'ensemble de ses actions de la société LFF pour un montant total de 98 665 523 euros, la société requérante ayant par ailleurs eu recours à des financements obligataires pour la somme de 149 723 954 euros.
6. Il résulte également de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 16 octobre 2018 et de la réponse aux observations du contribuable du 22 février 2019, qu'à l'issue du contrôle dont la SAS Lilas France a fait l'objet, le service vérificateur a entendu, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 223 B du code général des impôts, réintégrer aux résultats d'ensemble des exercices vérifiés du groupe fiscalement intégré Labeyrie, dont cette société était devenue en 2014 la société mère, les charges financières se rapportant à l'achat par endettement, auprès de la société LB UK le 30 juin 2014, des titres de la société LFF correspondant à la partie de la prime d'émission distribuée le 21 juillet 2014 pour un montant de 25 512 107 euros. Pour ce faire, le service, qui n'a ainsi pas retenu un coût d'acquisition brut égal à la valeur de l'ensemble des titres de la société LFF acquis par la société requérante, a appliqué au montant des charges financières déduites pour la détermination des résultats d'ensemble des exercices en litige, une fraction égale au rapport entre ce prix d'acquisition et le montant moyen des dettes de chaque exercice des entreprises membres du groupe, après avoir admis, dans la réponse aux observations du contribuable du 22 février 2019, que la somme totale de 43 232 430 euros correspondant aux apports en numéraire à l'origine des augmentations de capital souscrites le 22 juillet 2014, mentionnés au point précédent, avait servi en partie au financement du remboursement partiel de la prime d'émission le 21 juillet 2014 et en partie à l'achat des titres de la société LFF au fonds d'investissement LBO France le 22 juillet 2014, et après avoir en conséquence réduit le prix d'acquisition de 25 512 107 euros de la somme de 8 882 038 euros résultant de l'application à la somme de 43 232 430 euros du rapport correspondant à la part de la prime distribuée dans le montant total des acquisitions (98 665 523 + 25 512 107).
7. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que la SAS Lilas France n'est pas fondée à soutenir que l'intégralité des apports en numéraire correspondant aux augmentations de capital souscrites le 22 juillet 2014 doit être admise en déduction du prix d'acquisition pour le calcul du rapport à appliquer aux charges financières pour la détermination des quotes-parts de ces charges à réintégrer aux résultats d'ensemble du groupe fiscalement intégré Labeyrie sur le fondement des dispositions précitées de l'article 223 B du code général des impôts, dès lors que ces apports n'ont pas servi à l'acquisition de la société LFF.
8. En second lieu, la SAS Lilas France, qui se borne à soutenir que les objectifs ayant présidé aux opérations d'apport décrites au point 5 auraient pu être atteints autrement, ne se prévaut d'aucun élément de nature à établir la répartition exacte des fonds provenant des augmentations de capital souscrites le 22 juillet 2014 et ne propose aucune méthode alternative à celle du service, permettant de déterminer avec davantage de précision la part de ces fonds ayant servi au financement du remboursement partiel de la prime d'émission. Dans ces conditions, la SAS Lilas France n'apporte aucun élément de nature à établir que la somme de 8 882 038 euros admise en déduction du prix d'acquisition à ce titre est erronée.
Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :
9. La SAS Lilas France ne saurait se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations des paragraphes n° 120 et suivants des commentaires publiés au bulletin officiel des finances publiques - impôts sous la référence BOI-IS-GPE-20-20-80-20, qui ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application par le présent arrêt.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Lilas France n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la correction des résultats déficitaires des exercices clos les 30 juin 2015, 30 juin 2016 et 30 juin 2017 déterminés par le service vérificateur à l'issue du contrôle dont elle a fait l'objet. Ses conclusions à fins d'annulation et de correction doivent dès lors être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, celles qu'elle a présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS Lilas France est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Lilas France et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction des vérifications nationales et internationales (DVNI).
Délibéré après l'audience du 20 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Lemaire, président assesseur,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 17 janvier 2025.
Le rapporteur,
O. LEMAIRE
Le président,
S. CARRERELa greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 23PA05010