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17/01/2025 | FRANCE | N°23PA05015

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 17 janvier 2025, 23PA05015


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge de l'obligation de payer résultant de la saisie administrative à tiers détenteur du 27 juillet 2020.



Par un jugement n° 2010422 du 5 octobre 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de Mme B....



Procédure devant la Cour :



Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 décembre 2023 et 12 mars

2024, Mme B..., représentée par Me Girier, demande à la Cour :



1°) d' annuler le jugement n° 2010422 du tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge de l'obligation de payer résultant de la saisie administrative à tiers détenteur du 27 juillet 2020.

Par un jugement n° 2010422 du 5 octobre 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de Mme B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 décembre 2023 et 12 mars 2024, Mme B..., représentée par Me Girier, demande à la Cour :

1°) d' annuler le jugement n° 2010422 du tribunal administratif de Melun en date du 5 octobre 2023 ;

2°) d'annuler la décision en date du 29 octobre 2020 par laquelle le directeur départemental des finances publiques du Val-de-Marne a rejeté sa réclamation préalable du 25 août 2020 ;

3°) de prononcer la décharge des impôts et taxes dont le recouvrement est poursuivi par le directeur départemental des finances publiques du Val-de-Marne ;

4°) d'enjoindre au directeur départemental des finances publiques du Val-de-Marne d'établir un décompte sincère et actualisé, de procéder au remboursement du trop-perçu et de cesser toute mesure d'exécution forcée au besoin sous astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce que la saisie administrative à tiers détenteur ne tenait pas compte des saisies immobilières de ses résidences principale et secondaire ;

- le jugement est irrégulier, les premiers juges n'ayant pas tenu compte des saisies pratiquées sur ses pensions de retraite et de leur incidence sur le décompte du 30 juillet 2020 ;

- le jugement est insuffisamment motivé, en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative, en tant qu'il rejette les conclusions à fin d'injonction sous astreinte ;

- il est entaché d'erreur de droit ;

- l'administration lui a versé, en cours de première instance, la somme totale de 1 820,03 euros en remboursement de trop-perçus et elle a reconnu devant le tribunal que sa dette avait été ramenée à la somme de 865,73 euros ; le décompte du 30 juillet 2020 était ainsi erroné à concurrence d'un montant d'au moins 2 584,54 euros ;

- la saisie administrative à tiers détenteur en litige a été émise après l'expiration du délai de prescription de l'action en recouvrement prévu par l'article L. 274 du livre des procédures fiscales ;

- la saisie administrative à tiers détenteur en litige ne tient pas compte de la saisie immobilière du 13 décembre 2019 alors que, conformément aux articles R. 334-3 et R. 322-56 du code des procédures civiles d'exécution, le versement du prix de vente devait être effectué avant le 13 février 2020 et le délai de six mois valant paiement est arrivé à expiration avant l'acte de poursuite ;

- la saisie administrative à tiers détenteur en litige ne tient pas compte des saisies opérées sur sa pension de retraite et du fruit de l'adjudication du 9 juin 2016.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2024, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le moyen tiré de la prescription de l'action en recouvrement n'a pas été soulevé dans le délai prévu par l'article R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales et il est dès lors irrecevable ;

- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 8 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 mai 2024.

Un mémoire, présenté par Mme B..., a été enregistré le 10 décembre 2024, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lemaire,

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 27 juillet 2020, le comptable public du service des impôts des particuliers de Créteil a émis une saisie administrative à tiers détenteur, adressée à La Banque Postale, pour le recouvrement de la somme de 4 208,81 euros correspondant au solde d'une cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle Mme B... avait été assujettie au titre de l'année 2013, de cotisations de taxe d'habitation auxquelles elle avait été assujettie au titre des années 2013 et 2015 et de cotisations de taxe foncière auxquelles elle avait été assujettie au titre des années 2013, 2014 et 2016, ainsi que des majorations correspondantes. Mme B..., qui doit être regardée comme demandant la décharge de l'obligation de payer résultant de cet acte de poursuite, relève appel du jugement en date du 5 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Contrairement à ce que soutient Mme B..., le tribunal a suffisamment répondu, au point 4 du jugement, au moyen tiré de ce que l'administration n'avait pas tenu compte, pour déterminer le montant de sa dette, des sommes saisies à la suite des procédures d'adjudication dont ses résidences principale et secondaire avaient fait l'objet en 2016 et en 2019.

4. En deuxième lieu, Mme B... soutient que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que l'administration n'avait pas tenu compte, pour déterminer le montant de sa dette, des saisies qui avaient été opérées sur ses pensions de retraite. Il résulte toutefois de l'instruction que Mme B... s'est prévalue de ces saisies, en première instance, au soutien de ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de procéder à la " réactualisation " de sa dette fiscale et à l'établissement d'un nouveau décompte. En tout état de cause, le tribunal a répondu de façon suffisamment motivée à la contestation en considérant que Mme B... n'apportait aucun élément de nature à établir que la somme qui lui était réclamée par la saisie administrative à tiers détenteur en litige excédait le montant de sa dette, compte tenu des paiements déjà effectués, et qu'elle ne pouvait pas utilement se prévaloir, pour contester cette somme, de circonstances postérieures à l'acte de poursuite litigieux.

5. En dernier lieu, la circonstance que le tribunal n'ait pas procédé à une mesure d'instruction pour demander à l'administration fiscale de produire " un décompte sincère et actualisé " est par elle-même sans incidence sur la régularité du jugement attaqué, une telle mesure relevant des pouvoirs propres du juge, qui n'est pas lié par les demandes des parties dans cette mesure et à qui il appartient d'en apprécier l'opportunité.

6. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 5 que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

7. Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / (...) / Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° À l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / (...) ".

8. En premier lieu, il est constant et il résulte d'ailleurs de l'instruction que la somme de 2 175,87 euros saisie sur le produit de la vente en 2019 de la résidence secondaire de Mme B... à l'issue d'une procédure d'adjudication n'a été perçue par l'administration fiscale que le 21 janvier 2022, conformément à un projet de distribution notifié le 29 avril 2021. Cette somme ayant ainsi été perçue postérieurement à la saisie administrative à tiers détenteur du 27 juillet 2020, Mme B... ne saurait utilement se prévaloir du retard de la distribution du prix au regard des dispositions du code des procédures civiles d'exécution pour contester le montant de la dette pour le recouvrement duquel cet acte de poursuite a été émis.

9. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que, pour déterminer le montant de la dette à raison de laquelle la saisie administrative à tiers détenteur en litige a été émise, l'administration fiscale a tenu compte des saisies antérieures réalisées sur les pensions de retraite versées à Mme B... par la caisse nationale d'assurance-vieillesse des travailleurs salariés. La circonstance que des saisies aient été également opérées postérieurement à l'émission de cet acte de poursuite, donnant lieu à des trop-perçus ultérieurement remboursés à l'intéressée par l'administration fiscale, est par elle-même dépourvue de toute incidence sur le montant de la dette à la date de l'acte de poursuite en litige.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Les comptables publics des administrations fiscales qui n'ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle (...) sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. (...) ". Aux termes de l'article R. 281-3-1 de ce livre : " La demande prévue à l'article R. 281-1 doit, sous peine d'irrecevabilité, être présentée dans un délai de deux mois à partir de la notification : / (...) / c) A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, du premier acte de poursuite permettant de contester l'exigibilité de la somme réclamée ". Aux termes de l'article R. 281-5 du même livre : " Le juge se prononce exclusivement au vu des justifications qui ont été présentées au chef de service. Les redevables qui l'ont saisi ne peuvent ni lui soumettre des pièces justificatives autres que celles qu'ils ont déjà produites à l'appui de leurs mémoires, ni invoquer des faits autres que ceux exposés dans ces mémoires. / (...) ".

11. Lorsque le redevable d'une imposition se prévaut de la prescription de l'action en recouvrement, il soulève une contestation qui ne porte pas sur l'obligation de payer mais qui a trait à l'exigibilité de l'impôt. La prescription de l'action en recouvrement doit, en application du c) de l'article R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales, être invoquée à l'appui de la réclamation préalable adressée à l'administration compétente dans un délai de deux mois à partir de la notification du premier acte de poursuite permettant de s'en prévaloir. Lorsqu'une réclamation a été présentée à l'administration à l'encontre de ce premier acte de poursuite sans invoquer un tel motif, le contribuable, s'il conteste devant le juge le rejet de cette réclamation, peut néanmoins invoquer devant ce juge, eu égard au premier alinéa de l'article R. 281-5 du même livre, la prescription de l'action en recouvrement à la condition que celle-ci n'implique l'appréciation d'aucune autre pièce justificative ou circonstance de fait que celles qu'il a produites ou exposées dans sa réclamation.

12. Au soutien de sa contestation de l'obligation de payer résultant de la saisie administrative à tiers détenteur en litige du 27 juillet 2020, Mme B... fait valoir que cette saisie a été émise plus de quatre ans après la mise en recouvrement des impositions qu'elle vise et qu'aucun acte antérieur à cette saisie n'a interrompu le délai de prescription de l'action en recouvrement depuis cette mise en recouvrement. A supposer qu'aucun acte antérieur n'ait effectivement interrompu ce délai, il résulte toutefois de l'instruction qu'à l'appui de la réclamation préalable du 25 août 2020 qu'elle a présentée pour contester cette saisie, Mme B... n'a ni exposé ces faits, ni produit les pièces justificatives s'y rapportant. Par suite, la requérante ne peut, au soutien de ses conclusions, ni invoquer ces faits, ni soumettre au juge ces pièces justificatives.

13. En dernier lieu, dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause le bien-fondé de l'obligation de payer en litige. Mme B... ne peut par suite soulever utilement l'erreur de droit dont serait entaché le jugement attaqué pour en obtenir l'annulation.

14. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner au ministre la production d'un " décompte sincère et actualisé ", que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer résultant de la saisie administrative à tiers détenteur émise le 27 juillet 2020 par le comptable public du service des impôts des particuliers de Créteil pour le recouvrement de la somme de 4 208,81 euros. Les conclusions à fins de décharge et d'annulation de Mme B... doivent dès lors être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, en tout état de cause, et celles qu'elle a présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée pour information à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (service du contentieux du recouvrement).

Délibéré après l'audience du 20 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Lemaire, président assesseur,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 17 janvier 2025.

Le rapporteur,

O. LEMAIRE

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 23PA05015


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA05015
Date de la décision : 17/01/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: M. Olivier LEMAIRE
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : GIRIER

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-17;23pa05015 ?
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