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17/01/2025 | FRANCE | N°23PA05112

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 17 janvier 2025, 23PA05112


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 8 août 2022 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours, en fixant le pays de destination.



Par un jugement n° 2208154 du 2 novembre 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun a annulé cet arrêté en tant qu'il fixe le pays de destination, mis à la charge de l'Etat une

somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 8 août 2022 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours, en fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2208154 du 2 novembre 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun a annulé cet arrêté en tant qu'il fixe le pays de destination, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 décembre 2023, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. A... présentée devant le tribunal.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a estimé que les mentions contenues dans l'arrêté litigieux étaient insuffisamment précises pour déterminer le pays de renvoi au motif qu'aucune des possibilités de désignation de ce pays telles que prévues à l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'avait été mise en œuvre par le préfet et, qu'en conséquence, l'article 2 de l'arrêté méconnaissait les articles L. 612-12 et L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- en effet, il n'était ni tenu de désigner le pays dont l'étranger a la nationalité ni en tout état de cause de préciser le pays d'éloignement et pouvait se borner à retenir tout pays que l'intéressé souhaite rejoindre s'il y est admissible ;

- s'agissant des autres moyens soulevés en première instance, il s'en réfère à ses écritures présentées dans son mémoire en défense.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2024, M. A..., représentée par Me Jaslet, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- en se bornant à mentionner qu'il sera reconduit " à destination du pays qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité, ou encore tout autre pays dans lequel il établit être légalement admissible, à l'exception du pays dont il a la nationalité ", sans établir qu'il serait détenteur d'un document de voyage en cours de validité délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ou qu'il serait admissible dans un autre pays, le préfet, alors qu'il exclut par ailleurs d'exécuter la mesure à destination du pays dont il a la nationalité, a insuffisamment précisé le pays de destination et méconnu ainsi les dispositions des articles L. 612-12 et L. 712-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- s'agissant des autres moyens soulevés en première instance, il s'en réfère à ses écritures présentées dans sa demande devant le tribunal.

Par une décision du 8 novembre 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Par une ordonnance du 30 août 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au

1er octobre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Mantz a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant afghan né le 3 novembre 1996, entré sur le territoire français le 10 février 2021, selon ses déclarations, a formé une demande d'asile qui a été rejetée par décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du

17 juin 2021, notifiée le 28 juin 2021, confirmée par décision de la cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 15 juillet 2022, notifiée le 18 juillet 2022. Sur le fondement, notamment, de ces décisions, le préfet de police, par un arrêté du 8 août 2022, a obligé M. A... à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, en fixant le pays de destination. Le préfet de police relève appel des articles 2 et 3 du jugement du 2 novembre 2023 par lesquels le

tribunal administratif de Melun a annulé cet arrêté en tant qu'il fixe le pays de destination et condamné l'Etat à verser à M. A... la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du

10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français mentionne le pays, fixé en application de l'article L. 721-3, à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ". Aux termes de l'article L. 721-3 du même code : " L'autorité administrative fixe, par une décision distincte de la décision d'éloignement, le pays à destination duquel l'étranger peut être renvoyé en cas d'exécution d'office d'une décision portant obligation de quitter le territoire français (...) ". Et aux termes de l'article L. 721-4 de ce code : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

3. Il ne résulte d'aucune de ces dispositions que le préfet serait tenu, par une décision distincte de la décision d'éloignement, de déterminer avec précision le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office. Dans l'arrêté en litige, le préfet a exclu de mettre à exécution la mesure d'éloignement vers le pays dont M. A... a la nationalité. Toutefois, la circonstance que cette autorité n'établisse ni que M. A... soit titulaire d'un document de voyage en cours de validité délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral, ni qu'il soit, compte tenu de sa situation particulière, admissible dans un autre pays, n'est pas à elle seule de nature à rendre illégal l'arrêté attaqué en tant que celui-ci se borne à prévoir la reconduite de l'intéressé " à destination du pays qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité, ou encore tout autre pays dans lequel il établit être légalement admissible, à l'exception du pays dont il a la nationalité ", M. A... restant en tout état de cause, aux termes du 3° de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, libre de choisir " tout autre pays " vers lequel il souhaite être éloigné. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a annulé la décision du 8 août 2022 par laquelle il a fixé le pays à destination duquel M. A... pourra être éloigné d'office, au motif qu'elle aurait méconnu les dispositions précitées des articles L. 612-12 et L. 712-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute de préciser vers quel pays il devrait être éloigné.

Sur les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Melun :

4. En premier lieu, M. A... a invoqué devant le tribunal, au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination de l'arrêté du 8 août 2022, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Toutefois, dans ses écritures en défense d'appel, M. A... a déclaré qu'il entendait, à cet égard, " conserver l'entier bénéfice des écritures présentées alors par son représentant ", soit en première instance. Par suite, dès lors que M. A..., qui n'a pas formé d'appel incident à l'encontre du jugement attaqué en tant qu'il rejette ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, ne développe au soutien de ce moyen aucun argument de fait ou de droit pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues, s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français, par le tribunal administratif, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge aux points 4 à 15 du jugement attaqué.

5. En second lieu, en mentionnant qu'à l'expiration d'un délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêté attaqué, celui-ci pourra être exécuté d'office et M. A... reconduit, ainsi qu'il a été dit au point 3, " à destination du pays qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité, ou encore tout autre pays dans lequel il établit être légalement admissible, à l'exception du pays dont il a la nationalité ", le préfet de police a suffisamment motivé la décision fixant le pays de destination.

6. Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

7. Ainsi qu'il a été dit au point 3, l'arrêté ne fixe pas un pays de destination vers le lequel M. A... devra être reconduit. Par suite, ce dernier ne peut utilement invoquer, à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celui de l'erreur manifeste d'appréciation.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté du 8 août 2022 en tant qu'il fixe le pays de destination de la mesure d'éloignement et a fait droit aux conclusions de M. A... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E:

Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n° 2208154 du 2 novembre 2023 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Melun est rejetée en tant qu'elle est dirigée contre la décision fixant le pays de destination contenue dans l'arrêté du 8 août 2022.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 20 décembre 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Doumergue, présidente,

- Mme Bruston, présidente-assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 janvier 2025.

Le rapporteur,

P. MANTZLa présidente,

M. DOUMERGUE

La greffière,

E. FERNANDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°23PA05112 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA05112
Date de la décision : 17/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : JASLET

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-17;23pa05112 ?
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