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17/01/2025 | FRANCE | N°23PA05331

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 17 janvier 2025, 23PA05331


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 31 juillet 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.



Par un jugement n° 2308475 du 23 août 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 déc

embre 2023, M. B..., représenté par

Me Miléo, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;



2°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 31 juillet 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2308475 du 23 août 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2023, M. B..., représenté par

Me Miléo, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de procéder à l'effacement du signalement au fichier du Système d'Information Schengen (SIS) ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet ne pouvait se fonder sur l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français de la préfète du Val-de-Marne du 2 décembre 2022, qui ne lui a pas été notifié, et dont le délai de départ volontaire n'a dès lors pas commencé à courir, pour prendre à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français ;

- la décision attaquée est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle.

Le préfet de la Seine-Maritime a produit un mémoire en défense, le 19 décembre 2024, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, qui n'a pas été communiqué.

Par une décision du 8 novembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Par une ordonnance du 24 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au

30 août 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Mantz a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant malien né le 31 décembre 1982, a fait l'objet d'un arrêté de la préfète du Val-de-Marne du 2 décembre 2022, portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours à compter de la notification de cet arrêté. Le 31 juillet 2023, à la suite d'un contrôle d'identité ayant entraîné une procédure de vérification du droit de circulation ou de séjour de M. B... sur le territoire français, le préfet de la Seine-Maritime a pris à son encontre un arrêté portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, sur le fondement de l'arrêté du 2 décembre 2022 précité. M. B... relève appel du jugement du 23 août 2023 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 31 juillet 2023.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-7 du même code : " Lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative édicte une interdiction de retour. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ".

3. D'autre part, en vertu de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, lorsqu'une des parties appelées à produire un mémoire dans le cadre de l'instruction n'a pas respecté le délai qui lui a été imparti à cet effet, le président de la formation de jugement du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel peut lui adresser une mise en demeure. Aux termes de l'article R. 612-6 du même code : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ".

4. Devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.

5. Il résulte des dispositions et des règles qui viennent d'être rappelées que, sous réserve du cas où postérieurement à la clôture de l'instruction le défendeur soumettrait au juge une production contenant l'exposé d'une circonstance de fait dont il n'était pas en mesure de faire état avant cette date et qui serait susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le défendeur à l'instance qui, en dépit d'une mise en demeure, n'a pas produit avant la clôture de l'instruction est réputé avoir acquiescé aux faits exposés par le requérant dans ses écritures. Il appartient alors seulement au juge de vérifier que la situation de fait invoquée par le demandeur n'est pas contredite par les pièces du dossier.

6. M. B... soutient que l'arrêté du 2 décembre 2022 l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours ne lui a pas été notifié, fait qui n'est contredit par aucune pièce du dossier. Il fait ainsi valoir que le délai de départ volontaire dont il disposait n'a pas commencé à courir, en application de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, qu'en conséquence, il ne pouvait être regardé comme s'étant maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, lequel n'était pas expiré à la date de la décision attaquée portant interdiction de retour sur le territoire français. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime, mis en demeure, le

28 février 2024, de produire un mémoire en défense dans un délai de 15 jours, en application des dispositions de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et informé des conséquences sur la suite de la procédure d'une éventuelle absence de production de sa part, n'a transmis ce mémoire que le 19 décembre 2024, soit après la clôture de l'instruction intervenue le 30 août 2024 et un jour avant la tenue de l'audience le 20 décembre 2024, date dont ont été avisées les parties par un avis d'audience transmis le 3 décembre 2024. Il ne ressort pas des termes de ce mémoire qu'il contiendrait l'exposé d'une circonstance de fait dont le préfet n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire. Le préfet de Seine-Maritime doit dès lors être réputé avoir acquiescé aux faits exposés par le requérant. Il en résulte que M. B... est fondé à soutenir que le préfet ne pouvait légalement prendre à son encontre l'interdiction de retour sur le territoire français attaquée.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Eu égard à l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée par le présent arrêt, le requérant est fondé à demander qu'il soit enjoint au préfet territorialement compétent de procéder à l'effacement de son signalement à fin de non-admission dans le système d'information Schengen, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Miléo, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de condamner l'Etat à payer à Me Miléo la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E:

Article 1er : Le jugement n° 2308475 du tribunal administratif de Melun du 23 août 2023 et l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 31 juillet 2023 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet territorialement compétent de mettre en œuvre la procédure d'effacement du signalement de M. B... à fin de non-admission dans le système d'information Schengen dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me Miléo, sous réserve qu'elle renonce à percevoir l'aide juridictionnelle, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience du 20 décembre 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Doumergue, présidente,

- Mme Bruston, présidente-assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 janvier 2025.

Le rapporteur,

P. MANTZLa présidente,

M. DOUMERGUE

La greffière,

E. FERNANDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°23PA05331 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA05331
Date de la décision : 17/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : MILEO

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-17;23pa05331 ?
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