Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 5 février 2024 par lequel la préfète de l'Oise l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 2402070 du 11 juillet 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun a annulé cet arrêté.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 8 août 2024 sous le n° 24PA03609, la préfète de l'Oise demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la requête de M. B....
Elle soutient que c'est à tort que le premier juge a annulé son arrêté au motif qu'il était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé, et que les autres moyens soulevés par M. B... en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2024, M. B..., représenté par Me Delorme, conclut au rejet de la requête de la préfète de l'Oise et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La clôture de l'instruction a été fixée au 28 octobre 2024 par une ordonnance du 9 octobre 2024.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris en date du 7 novembre 2024.
II. Par une requête, transmise par la cour administrative d'appel de Douai le 9 août 2024 et enregistrée sous le n° 24PA03680, la préfète de l'Oise demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun du 11 juillet 2024 ;
2°) de rejeter la requête de M. B....
Elle soutient que c'est à tort que le premier juge a annulé son arrêté au motif qu'il était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé, et que les autres moyens soulevés par M. B... en première instance ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bories a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant congolais (République démocratique du Congo) né à Kinshasa le 22 mars 1996, déclare être entré en France le 7 janvier 2021 et a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 16 décembre 2021 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 11 décembre 2023. Par un arrêté du 5 février 2024, la préfète de l'Oise a obligé M. B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé. Par un jugement n° 2402070 du 11 juillet 2024, dont la préfète de l'Oise relève appel, le tribunal administratif de Melun a annulé cet arrêté et a enjoint à la préfète de réexaminer la situation de M. B....
Sur la requête enregistrée sous le n° 24PA3680 :
2. Les deux requêtes n° 24PA03609 et n° 24PA03680 présentées par la préfète de l'Oise sont dirigées contre le même jugement et comportent des conclusions identiques. La requête n° 24PA03680 constitue un doublon de la requête n° 24PA03609. Par suite, il y a lieu de radier la requête n° 24PA03680 des registres du greffe de la cour et de verser les productions des parties enregistrées sous ce numéro au dossier de la requête enregistrée sous le n° 24PA03609.
Sur la requête enregistrée sous le n° 24PA03609 :
3. Pour annuler l'arrêté de la préfète de l'Oise du 5 février 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun a considéré que compte tenu de la grossesse à risque menée par sa concubine de nationalité française à la date de la décision attaquée, qui nécessitait sa présence à ses côtés, la décision portant obligation de quitter le territoire était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
4. Il ressort toutefois des pièces du dossier que pour démontrer la réalité et l'ancienneté de la relation de concubinage qu'il entretient avec une ressortissante française, M. B... s'est borné à produire une attestation Engie indiquant qu'ils sont titulaires d'un contrat commun depuis le mois d'octobre 2023, ainsi qu'une déclaration de concubinage du 14 février 2024 établie sur papier libre et dépourvue de valeur probante. Si M. B... se prévaut par ailleurs de l'état de santé de sa compagne pendant sa grossesse, l'attestation qu'il produit, datée du 21 mars 2024, peu circonstanciée, ne fait pas état de risques encourus par cette dernière avant la date de son établissement. Enfin, la circonstance que M. B... contribuerait à l'éducation et à l'entretien de son enfant né en avril 2024, à la supposer établie, est postérieure à la décision litigieuse et sans incidence sur sa légalité. Par suite, la préfète de l'Oise est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du 5 février 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun a considéré qu'il était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
5. Il appartient néanmoins à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B....
Sur les autres moyens soulevés par M. B... :
6. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire français contestée vise les textes dont elle fait application et mentionne les éléments de fait propres à la situation personnelle de M. B... sur lesquels elle est fondée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
7. En deuxième lieu, M. B... soutient que la décision contestée est entachée d'un défaut d'examen dès lors qu'elle ne mentionne pas sa situation familiale. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, ainsi que l'admet au demeurant le requérant, que les informations se rapportant à sa situation personnelle n'ont pas été portées à la connaissance de l'administration. Dans ces conditions, ce moyen ne peut qu'être écarté.
8. En troisième lieu, M. B... soutient que l'arrêté contesté porte atteinte à son droit d'être entendu au sens du principe général du droit de l'Union européenne. Toutefois, il a été mis à même, dans le cadre de sa demande d'asile, lors de l'entretien dont il a bénéficié, de porter à la connaissance de l'administration l'ensemble des informations relatives à sa situation personnelle dont il souhaitait se prévaloir. En outre, il n'est pas établi qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance des services de la préfecture des informations utiles avant que soit prise à son encontre la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français. Ainsi, la préfète de l'Oise, qui n'était pas tenue d'inviter M. B... à formuler des observations avant l'édiction de la mesure litigieuse, ne l'a pas privé de son droit à être entendu.
9. En dernier lieu, compte tenu de la durée de séjour en France de M. B..., de son absence d'insertion professionnelle, et de la brièveté de la vie commune dont il se prévaut avec sa concubine française, il n'est pas fondé à soutenir qu'en prenant l'arrêté attaqué, la préfète aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de l'Oise est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté du 5 février 2024. Elle est dès lors fondée à demander l'annulation des articles 2 et 3 de ce jugement et le rejet des conclusions de la demande de M. B... devant le tribunal administratif de Melun auxquelles ce jugement a fait droit.
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas partie perdante, soit condamné à verser à M. B... la somme qu'il demande à ce titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête enregistrée sous le n° 24PA03680 est rayée des registres du greffe de la cour pour être jointe au dossier de la requête n° 24PA03609.
Article 2 : Les articles 2 et 3 du jugement n° 2402070 du 11 juillet 2024 du tribunal administratif de Melun sont annulés.
Article 3 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Melun est rejetée.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Oise.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Vidal, présidente de chambre,
Mme Bories, présidente-assesseure,
M. Segretain, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 janvier 2025.
Le rapporteur,
C. BORIESLa présidente,
S. VIDAL
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Nos 24PA03609, 24PA03680 2