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29/01/2025 | FRANCE | N°24PA00813

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 29 janvier 2025, 24PA00813


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... épouse B... a saisi le tribunal administratif de Versailles d'une demande transmise au tribunal administratif de Montreuil, tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 avril 2022 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours en fixant le pays de destination.



Par un jugement n°2208556 du 5 janvier 2024, le tribunal administratif

de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... épouse B... a saisi le tribunal administratif de Versailles d'une demande transmise au tribunal administratif de Montreuil, tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 avril 2022 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours en fixant le pays de destination.

Par un jugement n°2208556 du 5 janvier 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 février 2024, Mme C..., représentée par Me Liger, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 janvier 2024 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 6 avril 2022 mentionné ci-dessus ;

3°) d'enjoindre au préfet des Yvelines, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence algérien "vie privée et familiale" valable un an, dans un délai de trente jours à compter de la notification de la décision à intervenir, ou, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour, dans le même délai, en lui délivrant dans les deux cas sans délai, un récépissé de demande de titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de refus de séjour est entachée de vice de procédure pour défaut de consultation de la commission du titre de séjour sur le fondement de l'article L. 432-13 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- ladite décision est entachée d'un défaut d'examen de sa situation administrative ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 6-2 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 6-5 du même accord ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 6-7 du même accord ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-1, de l'article L. 423-2, de l'article L. 423-23 et de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont illégales par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;

- lesdites décisions méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet des Yvelines, lequel n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code du séjour et de l'entrée des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pagès a été entendu au cours de l'audience publique.

Deux notes en délibéré ont été présentées par Mme C... le 29 janvier 2025.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante algérienne née le 15 août 1993 à El Biar en Algérie, qui est entrée en France le 29 août 2019, a saisi le préfet des Yvelines d'une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article 6-2 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Par un arrêté du 6 avril 2022, le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée. Par un jugement du 5 janvier 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Mme C... relève appel de ce jugement.

Sur la décision de refus de séjour :

2. En premier lieu, l'arrêté litigieux, après avoir visé les textes applicables, fait en particulier état de la situation familiale de la requérante, et notamment de son mariage avec un ressortissant français le 4 décembre 2021, de ce que ses parents et cinq de ses frères et sœurs résident en France mais relève que l'intéressée n'établit pas être entrée régulièrement sur le sol français. Il ne ressort ni de cette motivation de l'arrêté attaqué ni des autres pièces du dossier que le préfet des Yvelines n'aurait pas procédé à un examen de la situation de Mme C....

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien visé ci-dessus : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 2. Au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ". Aux termes de l'article 9 de ce même accord : " (...) les ressortissants algériens venant en France pour un séjour inférieur à trois mois doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa délivré par les autorités françaises (...) ". D'autre part, aux termes de l'article 19 de la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 : " 1. Les étrangers titulaires d'un visa uniforme qui sont entrés régulièrement sur le territoire de l'une des Parties contractantes peuvent circuler librement sur le territoire de l'ensemble des Parties contractantes pendant la durée de validité du visa, pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrée visées à l'article 5, paragraphe 1, points a, c, d et e (...) / 4. Les dispositions du présent article s'appliquent sans préjudice des dispositions de l'article 22 ". L'article 22 de cette même convention, modifié par le règlement (UE) n° 610/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 sans toutefois modifier l'économie du régime du code frontière Schengen stipule que : " I - Les étrangers entrés régulièrement sur le territoire d'une des Parties contractantes peuvent être tenus de se déclarer, dans des conditions fixées par chaque Partie contractante, aux autorités de la Partie contractante sur le territoire de laquelle ils pénètrent. / Cette déclaration peut être souscrite au choix de chaque Partie contractante, soit à l'entrée, soit, dans un délai de trois jours ouvrables à partir de l'entrée, à l'intérieur du territoire de la Partie contractante sur lequel ils pénètrent (...) ". L'article 21 du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes, qui s'est pour partie substitué à la convention du 19 juin 1990, dispose que : " La suppression du contrôle aux frontières intérieures ne porte pas atteinte : / (...) d) à l'obligation des ressortissants des pays tiers de signaler leur présence sur le territoire d'un Etat membre conformément aux dispositions de l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen ". Le règlement (UE) n° 610/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, modifiant notamment le règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes ainsi que la convention d'application de l'accord de Schengen, ne modifie pas l'économie de ce régime. Enfin, aux termes de l'article R. 621-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions de l'article R. 621-4, l'étranger souscrit la déclaration d'entrée sur le territoire français mentionnée à l'article L. 621-3 auprès des services de la police nationale ou, en l'absence de tels services, des services des douanes ou des unités de la gendarmerie nationale. A cette occasion, il lui est remis un récépissé qui peut être délivré par apposition d'une mention sur le document de voyage. / Les modalités d'application du présent article, et notamment les mentions de la déclaration et son lieu de souscription, sont fixées par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'immigration ". Aux termes de l'article R. 621-3 de ce code : " La production du récépissé mentionné au premier alinéa de l'article R. 621-2 permet à l'étranger soumis à l'obligation de déclaration de justifier, à toute réquisition d'une autorité compétente, qu'il a satisfait à cette obligation ".

4. Il résulte des dispositions citées au point 3 que la souscription de la déclaration prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen est une condition de la régularité de l'entrée en France de l'étranger soumis à l'obligation de visa et en provenance directe d'un Etat partie à cette convention qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire. En l'espèce, si la requérante a déclaré devant l'autorité administrative lors du dépôt de sa demande de titre de séjour être entrée en France le 28 août 2019 sous couvert d'un visa Schengen délivré par les autorités italiennes et valable du 20 août 2019 au 20 février 2020, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée aurait souscrit la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen. Dans ces conditions, le préfet des Yvelines a pu légalement se fonder sur la circonstance que Mme C... ne justifie pas d'une entrée régulière en France pour lui refuser la délivrance d'un certificat de résidence en qualité de conjoint de français. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaitrait les stipulations précitées du point 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doit être écarté.

5. En troisième lieu, Mme C... n'a pas sollicité la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des articles 6-5 et 6-7 de l'accord franco algérien susvisé. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance de ces stipulations doivent, en tout état de cause, être écartés comme inopérants.

6. En quatrième lieu, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 110-1 du même code, " sous réserve (...) des conventions internationales ". En ce qui concerne les ressortissants algériens, les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles ils peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Les articles 423-1, L. 423-2, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étant donc pas applicables aux ressortissants algériens, les moyens tirés de leur méconnaissance doivent être écartés comme inopérants.

7. En cinquième lieu, l'article L. 432-13 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile n'impose la consultation de la commission du titre de séjour que dans le cas des étrangers devant bénéficier de la délivrance d'un titre de séjour de plein droit pour lesquels l'administration envisage un refus. Comme il a été dit au point 4, la requérante ne pouvait pas bénéficier de la délivrance de plein droit d'un certificat de résidence algérien en qualité de conjoint de français. Dès lors, le moyen tiré du vice de procédure pour défaut de consultation de la commission du titre de séjour doit être écarté.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. Si Mme C... soutient qu'elle réside habituellement en France depuis son arrivée en août 2019, une telle résidence est en tout état de cause limitée à une durée de moins de trois ans à la date de l'arrêté attaqué d'avril 2022. S'il ressort des pièces du dossier que la requérante s'est mariée, le 4 décembre 2021, avec M. B..., ressortissant français, la requérante ne justifie pas avoir vécu avec ce dernier antérieurement à leur mariage. Ainsi, Mme C... peut seulement faire valoir être engagée dans les liens du mariage avec un ressortissant français depuis une durée de quatre mois, à la date de l'arrêté attaqué. Si les parents et cinq des huit frères et sœurs de la requérante résident en France régulièrement, Mme C..., en se bornant à relever ce fait pour soutenir que ses attaches sont en France, n'apporte aucune précision sur les liens l'unissant à ses parents et à ceux des membres de sa fratrie qui résident en France. Alors qu'elle a elle-même déclaré devant l'autorité administrative, lors du dépôt de sa demande de titre de séjour le 10 mars 2022, que sa fratrie compte, en outre, deux autres personnes qui résident en Algérie, elle ne peut être regardée comme dépourvue d'attaches familiales dans ce pays, où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-six ans. Même si elle a poursuivi en France ses études supérieures qui avaient été commencées en Algérie, la requérante ne justifie pas pour autant d'une intégration particulièrement remarquable dans la société française. Il résulte de l'ensemble de ces circonstances que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée, dont la légalité s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit également être écarté.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

10. En premier lieu, Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions susvisées par voie de conséquence de la décision de refus de séjour qui, comme il a été dit ci-dessus, n'est pas entachée d'illégalité.

11. En second lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9 ci-dessus.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées ainsi que celles présentées au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... épouse B... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Yvelines.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Niollet, président assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 janvier 2025.

Le rapporteur,

D. PAGES Le président,

J. C. NIOLLETLa greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°24PA00813


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00813
Date de la décision : 29/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. NIOLLET
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : LIGER

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-29;24pa00813 ?
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