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05/02/2025 | FRANCE | N°23PA01606

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 05 février 2025, 23PA01606


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Bernard Participations et la société Industrielle et Commerciale de Matériel Automobile (SICMA) ont demandé au tribunal administratif de Montreuil :



1°) à titre principal, de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la société Bernard Participations a été assujettie, en qualité de société tête de groupe, au titre des exercices clos en 2013 et 2014 r

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Bernard Participations et la société Industrielle et Commerciale de Matériel Automobile (SICMA) ont demandé au tribunal administratif de Montreuil :

1°) à titre principal, de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la société Bernard Participations a été assujettie, en qualité de société tête de groupe, au titre des exercices clos en 2013 et 2014 résultant de la réintégration d'aides et de primes dans les produits imposables de la société SICMA, filiale intégrée, au titre de ces exercices ;

2°) à titre subsidiaire, dans le cas où ces aides et primes devaient être rattachées à l'exercice au cours duquel elles ont été accordées, de prononcer la compensation entre l'imposition primitive d'impôt sur les sociétés correspondant à la non comptabilisation de ces aides et primes dans le prix de revient des stocks de véhicules au titre des exercices clos en 2013 et 2014 et les cotisations supplémentaires en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°2100087 du 1er mars 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 avril et 30 octobre 2023, la société Bernard Participations et la société Industrielle et Commerciale de Matériel Automobile (SICMA), représentées par Me Auffret, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 1er mars 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la société Bernard Participations a été assujettie, en qualité de société tête de groupe, au titre des exercices clos en 2013 et 2014 résultant de la réintégration d'aides et de primes dans les produits imposables de la société SICMA, filiale intégrée, au titre de ces exercices ;

3°) à titre subsidiaire, dans le cas où ces aides et primes devaient être rattachées à l'exercice au cours duquel elles ont été accordées, de prononcer la compensation entre l'imposition primitive d'impôt sur les sociétés correspondant à la non comptabilisation de ces aides et primes dans le prix de revient des stocks de véhicules au titre des exercices clos en 2013 et 2014 et les cotisations supplémentaires en litige ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- les aides obtenues par la société SICMA n'ont pas de caractère définitif et certain ;

- elles sont conditionnées à la vente des véhicules ;

- en cas de désistement de l'acquéreur, la prime devrait être restituée au vendeur ;

- l'absence de remise matérielle du bien vendu empêche de constater l'existence d'une créance acquise ;

- les doctrines référencées BOI-BIC-PDSTK-10-10-10 § 50, BOI-BIC-BASE-20 et BOI-BIC-BASE-20-10 lient l'existence d'une créance acquise à la livraison matérielle du bien ;

- à titre subsidiaire, ces primes et aides constituent des remises à comptabiliser au compte de produit 609 et à déduire du coût de revient des stocks.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens présentés par les sociétés requérantes ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 16 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 2 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- et les conclusions de M. Perroy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Bernard Participations est la société mère d'un groupe fiscalement intégré dont la filiale, la Société Industrielle et Commerciale de Matériel Automobile (SICMA), exerce une activité de vente de véhicules du constructeur Peugeot. A la suite d'une vérification de comptabilité de la société SICMA au titre des exercices clos en 2013 et 2014, les services de la direction des vérifications nationales et internationales ont réintégré, après correction symétrique, dans les produits imposables de l'exercice au cours desquels elles ont été accordées par le constructeur, les aides et primes qui avaient été comptabilisées en produits constatés d'avance, ce qui a conduit à un rehaussement du résultat agrégé de l'intégration fiscale au titre des exercices clos en 2013 et 2014. La société Bernard Participations et la société SICMA relèvent appel du jugement du 1er mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à titre principal, à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la société Bernard Participations a été assujettie, en qualité de société tête de groupe, au titre des exercices clos en 2013 et 2014 à la suite de cette rectification, et, à titre subsidiaire, dans le cas où ces aides et primes devraient être rattachées à l'exercice au cours duquel elles ont été accordées, à la compensation entre les rehaussements ainsi opérés par l'administration et la correction de leurs propres écritures de détermination du prix de revient des stocks de véhicules et de leurs déclarations fiscales déposées au titre des mêmes exercices.

Sur le bien-fondé de la rectification effectuée par l'administration :

2. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1 (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. / (...) 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services (...) ". En vertu de ces dispositions, la créance acquise sur un tiers par une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés doit être rattachée à l'exercice au cours duquel cette créance est devenue certaine dans son principe et dans son montant.

3. La société SICMA a comptabilisé en produits constatés d'avance les sommes versées par le constructeur Peugeot au titre d'aides à l'immatriculation, d'aides à la vente de véhicules neufs pour la promotion d'un modèle, de primes à l'achat de véhicules d'occasion et d'aides dites de " buy back " relatives à des ventes de véhicules avec une clause de rachat. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration a réintégré ces aides et primes dans les produits de l'exercice au cours duquel elles ont été accordées, au motif qu'elles constituaient des créances acquises à cette date, alors que la société SICMA considère que ces aides ne doivent être comptabilisées en produit que lors de la revente des véhicules commandés au constructeur à des clients finaux.

4. Il résulte de l'instruction que le déclenchement du versement des aides est, en ce qui concerne les voitures neuves, une déclaration par voie électronique adressée au constructeur au moment de la commande des véhicules par les clients. Le principe et le montant de cette aide doivent être regardés comme définitivement déterminés à cette date et non à la date de livraison du véhicule, les sociétés requérantes, qui sont seules en mesure de le faire, ne produisant aucun document permettant de les regarder comme soumis à des conditions suspensives. Il n'est d'ailleurs ni établi ni allégué que certaines de ces aides auraient fait l'objet d'un reversement au constructeur au cours des deux exercices en litige. Si les sociétés requérantes soutiennent qu'en cas d'annulation de leur commande par un client, le concessionnaire pourrait être amené à rembourser les primes au constructeur, cette seule circonstance, purement hypothétique, ne saurait à elle seule faire obstacle à l'imposition de ces primes au titre de l'exercice au cours duquel elles ont été versées. Dans ces conditions, ces aides et primes doivent être regardées comme constituant une créance devenue certaine dans son principe et dans son montant à la date à laquelle l'aide a été accordée et non à la date de transfert de propriété des véhicules entre le distributeur et son client. Par suite, l'administration était fondée à réintégrer ces aides et primes dans les produits de l'exercice au cours duquel l'aide a été accordée par le constructeur. S'agissant des primes afférentes aux voitures d'occasion, décidées et versées au moment de leur acquisition par le concessionnaire, les sociétés requérantes ne développent aucune argumentation de nature à justifier de leur comptabilisation au titre d'exercices ultérieurs. Les moyens tirés de ce qu'en application des dispositions du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts et de la doctrine administrative commentant les conditions d'application de cet article, l'existence d'une créance acquise sur la clientèle est conditionnée à la livraison matérielle du bien ne sauraient en tout état de cause être utilement invoqués, les aides dont s'agit n'étant pas consenties par le client destinataire de la livraison.

Sur le bien-fondé de la demande de compensation :

5. Aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande ". Aux termes de l'article L. 205 du même livre : " Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition ". Il appartient à la société requérante d'établir le bien-fondé de la demande de compensation dont elle se prévaut.

6. Les sociétés requérantes soutiennent que, dans le cas où les aides et primes versées par les constructeurs devraient être rattachées à l'exercice de la commande du véhicule, elles seraient alors fondées à demander la rectification des écritures de stocks de la société SICMA, afin que ces aides et primes viennent en diminution du prix de revient des stocks de véhicules acquis auprès du constructeur Peugeot. Cette demande doit être regardée comme une demande de compensation au sens de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales. Pas plus en appel qu'en première instance la société requérante ne produit de documents contractuels dont l'examen permettrait de qualifier les aides et primes en cause de remises ou ristournes, ni, en tout état de cause, de faire le lien entre les aides réintégrées par l'administration dans les produits des exercices 2013 et 2014, prises individuellement, et des véhicules précisément identifiés qui figureraient dans les stocks de la société SICMA, à la clôture de ces exercices. La demande de compensation ne peut par suite qu'être écartée.

7. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que les sociétés requérantes demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Bernard Participations et de la société Industrielle et Commerciale de Matériel Automobile (SICMA) est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bernard Participations, à la société Industrielle et Commerciale de Matériel Automobile (SICMA), et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur chargé de la direction des vérifications nationales et internationales.

Délibéré après l'audience du 22 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Bories, présidente,

- M. Magnard, premier conseiller,

- M. Segretain, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 février 2025.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLa présidente,

C. BORIES

La greffière,

C. ABDI-OUAMRANE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 23PA01606 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01606
Date de la décision : 05/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BORIES
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : CABINET LONJON & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-05;23pa01606 ?
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