Vu la procédure suivante :
I-Sous le n° 23PA02378 :
Procédure contentieuse antérieure :
La SNC Pharmacie B... a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période courant du 1er juillet 2012 au 31 mars 2016, et des cotisations supplémentaires de cotisation sur la valeur des entreprises, de taxe d'apprentissage et de taxe de participation à la formation professionnelle continue auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2015.
Par un jugement nos 1909699/3 et 2004527/3 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 29 mai 2023, 10 octobre 2023 et 15 février 2024, la SNC Pharmacie B..., représentée par Me Planchat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 30 mars 2023 du tribunal administratif de Melun ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les services fiscaux ne peuvent se prévaloir de documents obtenus par une autorité administrative ou judiciaire dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge ;
- dès lors que les traitements informatiques ont porté sur les données saisies lors de la visite domiciliaire et que ces éléments ont été exploités par l'administration fiscale dans le cadre de la vérification de comptabilité, l'annulation de cette visite domiciliaire doit entraîner l'irrégularité de la vérification de comptabilité ;
- des données informatiques relatives au logiciel LGPI qui se rapportaient à la période allant jusqu'au 24 septembre 2015 ont été saisies et ont fait l'objet de traitements ;
- le tribunal judiciaire de Créteil a jugé que les redressements étaient fondés sur les documents saisis lors de la perquisition ; juger autrement serait contraire à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la preuve de la restitution d'un cédérom n'a pas été apportée ;
- la méconnaissance de l'article L. 47 II du livre des procédures fiscales, doit, sauf à méconnaître l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er du premier protocole à cette convention entraîner la décharge des majorations en application du premier alinéa de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;
- le tribunal a omis de répondre à ce moyen ;
- les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues, l'administration n'ayant pas répondu à la demande de précision sur l'origine des copies écrans ni à la demande de transmission des documents obtenus de tiers ;
- les informations relatives au logiciel LGPI ont été reçues de tiers ;
- aucune documentation n'a été remise à l'administration fiscale sur le logiciel 104 J ;
- aucune espèce n'a été découverte lors de la perquisition ;
- les discordances constatées dans l'utilisation du logiciel ne sont pas cohérentes avec l'analyse de l'administration fiscale ;
- le logiciel est susceptible d'être défaillant, les quantités vendues étant inférieures aux quantités facturées ;
- l'administration, qui a admis les explications relatives aux discordances, n'apporte pas la preuve d'une utilisation " permissive " du logiciel ;
- les discordances peuvent s'expliquer par des microcoupures d'électricité ;
- il n'est pas démontré qu'elles s'expliquent par la suppression des ventes en espèces ;
- les mises en attente de facture ne trahissent pas des recettes dissimulées ;
- la méthode de reconstitution des recettes de la pharmacie est excessivement sommaire ;
- les anomalies dans l'utilisation du logiciel pouvant provenir d'un tiers, le principe de personnalité des peines a été méconnu ;
- la méconnaissance de l'article L. 47 II du livre des procédures fiscales, doit, sauf à méconnaitre l'article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, entraîner la décharge des majorations en application du premier alinéa de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 juillet et 24 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens présentés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance n° 23PA02378 QPC en date du 8 avril 2024, le président de la 2ème chambre de la Cour a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales.
Par ordonnance du 5 décembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 23 décembre 2024.
Par un courrier du 8 janvier 2025, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'autorité de la chose jugée par la cour d'appel de Paris le 6 septembre 2024 en tant qu'elle a dit que M. B... avait remis volontairement au vérificateur dans le cadre de la vérification de comptabilité les documents qui ont été exploités par l'administration.
Le 10 janvier 2025, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a informé la Cour qu'il n'entendait pas présenter d'observations en réponse au moyen d'ordre public.
Le 12 janvier 2025, la SNC Pharmacie B... a présenté ses observations en réponse au moyen d'ordre public.
II-Sous le n° 23PA02379 :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013, 2014 et 2015.
Par un jugement nos 1909699/3 et 2004527/3 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 29 mai 2023, 10 octobre 2023 et 15 février 2024, M. B..., représenté par Me Planchat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 30 mars 2023 du tribunal administratif de Melun ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les services fiscaux ne peuvent se prévaloir de documents obtenus par une autorité administrative ou judiciaire dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge ;
- dès lors que les traitements informatiques ont porté sur les données saisies lors de la visite domiciliaire et que ces éléments ont été exploités par l'administration fiscale dans le cadre de la vérification de comptabilité, l'annulation de cette visite domiciliaire doit entraîner l'irrégularité de la vérification de comptabilité ;
- des données informatiques relatives au logiciel LGPI qui se rapportaient à la période allant jusqu'au 24 septembre 2015 ont été saisies et ont fait l'objet de traitements ;
- le tribunal judiciaire de Créteil a jugé que les redressements étaient fondés sur les documents saisis lors de la perquisition ; juger autrement serait contraire à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la preuve de la restitution d'un cédérom n'a pas été apportée ;
- la méconnaissance de l'article L. 47 II du livre des procédures fiscales, doit, sauf à méconnaître l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er du premier protocole à cette convention entraîner la décharge des majorations en application du premier alinéa de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales
- le tribunal a omis de répondre à ce moyen ;
- les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues, l'administration n'ayant pas répondu à la demande de précision sur l'origine des copies écrans ni à la demande de transmission des documents obtenus de tiers ;
- les informations relatives au logiciel LGPI ont été reçues de tiers ;
- aucune documentation n'a été remise à l'administration fiscale sur le logiciel 104 J ;
- aucune espèce n'a été découverte lors de la perquisition ;
- les discordances constatées dans l'utilisation du logiciel ne sont pas cohérentes avec l'analyse de l'administration fiscale ;
- le logiciel est susceptible d'être défaillant, les quantités vendues étant inférieures aux quantités facturées ;
- l'administration, qui a admis les explications relatives aux discordances, n'apporte pas la preuve d'une utilisation " permissive " du logiciel ;
- les discordances peuvent s'expliquer par des microcoupures d'électricité ;
- il n'est pas démontré qu'elles s'expliquent par la suppression des ventes en espèces ;
- les mises en attente de facture ne trahissent pas des recettes dissimulées ;
- la méthode de reconstitution des recettes de la pharmacie est excessivement sommaire ;
- les anomalies dans l'utilisation du logiciel pouvant provenir d'un tiers, le principe de personnalité des peines a été méconnu ;
- la méconnaissance de l'article L. 47 II du livre des procédures fiscales, doit, sauf à méconnaitre l'article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, entrainer la décharge des majorations en application du premier alinéa de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 juillet et 24 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens présentés par M. B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 5 décembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 23 décembre 2024.
Par un courrier du 8 janvier 2025, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'autorité de la chose jugée par la cour d'appel de Paris le 6 septembre 2024 en tant qu'elle a dit que M. B... avait remis volontairement au vérificateur dans le cadre de la vérification de comptabilité les documents qui ont été exploités par l'administration.
Le 10 janvier 2025, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a informé la Cour qu'il n'entendait pas présenter d'observations en réponse au moyen d'ordre public.
Le 12 janvier 2025, M. B... a présenté ses observations en réponse au moyen d'ordre public.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public,
- et les observations de Me Planchat, représentant M. B... et le SNC Pharmacie B....
Considérant ce qui suit :
1. La société en nom collectif (SNC) Pharmacie B..., qui exploite une pharmacie à Maisons-Alfort, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2012 au 30 juin 2015, étendue jusqu'au 31 mars 2016 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à l'issue de laquelle elle a été rendue destinataire d'une proposition de rectification le 14 décembre 2016. Des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, de taxe d'apprentissage, de participation à la formation professionnelle continue et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre de la période vérifiée ont été mis en recouvrement le 31 janvier 2019. La réclamation d'assiette présentée par la société le 2 mai 2019 a été rejetée par décision du directeur de contrôle fiscal Ile-de-France le 30 août suivant. Tirant les conséquences de cette vérification de comptabilité, l'administration a également notifié à M. et Mme B... une proposition de rectification le 14 décembre 2016. Des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux au titre des années 2013, 2014 et 2015 ont été mis en recouvrement à leur encontre le 30 avril 2019. La réclamation d'assiette présentée le 7 août 2019 a été rejetée par décision du 11 mars 2020. La SNC Pharmacie B... et M. B... relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions auxquelles ils ont été assujettis. Leurs requêtes présentant à juger des questions semblables et étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour qu'il soit statué par un seul arrêt.
Sur la procédure d'imposition :
En ce qui concerne l'annulation des visites domiciliaires :
2. Si l'annulation par la Cour de cassation de l'ordonnance par laquelle le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui a autorisé, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, une opération de visite ou de saisie, a pour effet d'interdire à l'administration des impôts d'opposer au contribuable les informations recueillies à cette occasion, cette annulation demeure, en revanche, sans incidence sur la régularité de la décision d'imposition dans la mesure où celle-ci procède de l'exploitation de renseignements que l'administration n'a pas recueillis à l'occasion de la visite annulée.
3. La société requérante et M. et Mme B... ont fait, le 24 septembre 2015, l'objet de visites domiciliaires en application des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales en vertu d'une ordonnance délivrée par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Créteil le 15 septembre 2015. Par une ordonnance du 28 novembre 2018, le premier président de la cour d'appel de Paris a annulé ces visites domiciliaires, décision confirmée par un arrêt de la Cour de cassation du 28 novembre 2018. Il résulte toutefois de l'instruction, ainsi que l'a d'ailleurs jugé la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 6 septembre 2024, que M. B... a remis au vérificateur, dans le cadre de la vérification de comptabilité, les documents et les fichiers qui ont été exploités par l'administration et ont servi de base aux rehaussements contestés. En se bornant à invoquer des courriers et courriels de la vérificatrice du 8 et du 20 juin 2016 faisant état de la saisie le 24 septembre 2015 de données informatiques, le rapport présenté par l'administration devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qui fait référence au traitement de ces données, et un jugement en date du 27 février 2023 du tribunal judiciaire de Créteil infirmé par l'arrêt précité de la cour d'appel de Paris et qui n'est par suite pas revêtu de l'autorité de la chose jugée, les requérants ne mettent pas la cour en état de constater que les redressements reposaient sur des pièces, distinctes de celles remises par M. B... au cours de la vérification de comptabilité, qui auraient été saisies dans le cadre de la perquisition fiscale et qui auraient été exploitées par le service pour établir les rehaussements en litige. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'annulation des visites domiciliaires fait obstacle au maintien des impositions qu'ils contestent. Le jugement en date du 27 février 2023 par lequel le tribunal judiciaire de Créteil a constaté que les rehaussements procédaient de la perquisition annulée ayant été infirmé sur ce point, les requérants ne sont en tout état de cause pas fondés à soutenir qu'une divergence de jurisprudence avec les mentions de ce jugement serait contraire à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la non-restitution des fichiers saisis :
4. Aux termes du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, alors en vigueur : " En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Ces copies sont produites sur tous supports informatiques, répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget. L'administration restitue au contribuable avant la mise en recouvrement les copies des fichiers et n'en conserve pas de double. L'administration communique au contribuable, sous forme dématérialisée ou non au choix du contribuable, le résultat des traitements informatiques qui donnent lieu à des rehaussements au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification mentionnée à l'article L. 57. Le contribuable est informé des noms et adresses administratives des agents par qui ou sous le contrôle desquels les opérations sont réalisées ".
5. Les dispositions précitées de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales interdisent à l'administration fiscale de conserver les copies des fichiers d'écritures comptables après la mise en recouvrement des impositions. Ces dispositions, ainsi que cela ressort des travaux préparatoires dont elles sont issues, sont destinées à garantir au contribuable que des impositions ultérieures ne seront pas établies sur la base des données contenues dans ces fichiers. L'omission de restitution des copies des fichiers en cause, en méconnaissance des dispositions précitées, est susceptible d'entacher la régularité des impositions qui viendraient à être ultérieurement établies sur la base des données qu'ils contiennent. Elle est, en revanche, sans influence sur les impositions mises en recouvrement après la consultation et l'exploitation des fichiers. Par suite, la circonstance que le service n'aurait pas restitué à la société requérante les copies de fichiers informatiques remises en cours de procédure, ne l'a privée d'aucune garantie, et est dès lors sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition. Contrairement à ce qui est soutenu, et conformément à ce qu'ont dit à bon droit les premiers juges, qui ont suffisamment motivé leur décision à cet égard, la circonstance que le juge de l'impôt ne fasse pas usage de la faculté qui lui est donnée par l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales, lorsqu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition, de prononcer, sur ce seul motif, la décharge des majorations et amendes, à l'exclusion des droits dus au principal et des intérêts de retard, ne révèle par elle-même aucune discrimination prohibée par les stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole à cette convention. Contrairement à ce qui est également soutenu, la faculté donnée au juge par l'article L. 80 CA n'affecte pas la définition de l'infraction sanctionnée et n'est par suite pas contraire à l'article 7 de ladite convention aux termes duquel : " Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international. De même il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise ".
En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales :
6. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".
7. Les requérants soutiennent que l'administration a méconnu ces dispositions en ne répondant pas à un courrier du 4 octobre 2018 demandant de préciser l'origine de la copie d'écran relative au mot de passe permettant l'utilisation du module " cession d'officine " reproduite dans le cadre de la proposition de rectification du 14 décembre 2016 adressée à la société. La proposition de rectification indique que la copie d'écran en cause provient de " la documentation remise par la SNC Pharmacie B... lors des opérations de contrôle [qui] détaille l'utilisation du module " cession d'officine " ". L'administration a dès lors informé la société de l'origine de ce document. En se bornant à faire valoir, sans d'ailleurs l'établir, que cette copie d'écran ne peut provenir que d'un tiers dès lors que la société n'a jamais utilisé la version 104 J du logiciel LGPI concernée, et à indiquer que le service ne produit aucun reçu des documents transmis, les requérants n'apportent aucun élément permettant de remettre en cause l'analyse de l'administration selon laquelle ce document ne provenait pas d'un tiers mais de la documentation de la pharmacie.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
8. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) ".
9. A la suite de la vérification de comptabilité de la SNC Pharmacie B..., la vérificatrice en a reconstitué le chiffre d'affaires après avoir estimé que les irrégularités de la comptabilité la privaient de toute valeur probante. Les requérants ne contestent pas le caractère non probant de la comptabilité. De plus, le 12 février 2018, la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires a émis un avis favorable au maintien des rectifications. Dès lors, il appartient aux requérants de prouver l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration.
En ce qui concerne la reconstitution de recettes :
10. Lors du contrôle, le service a constaté entre avril et septembre 2015 l'utilisation d'un module " cession d'officine " du logiciel LGPI permettant d'éluder une partie des recettes générées par l'activité de la pharmacie, des ruptures de numérotation ayant été identifiées dans les tables recensant les écritures enregistrées, un code traçant l'utilisation de la fonction permissive. Il a constaté également qu'avant avril 2015, le logiciel utilisé ne permettait pas de tracer l'utilisation du module en cause. Pour reconstituer les recettes éludées, le service s'est appuyé sur la valorisation des discordances constatées lors de la comparaison des données de ventes issues de la table " T_LIGNEVENTE " et les données du fichier statistique mensuel " T_HISTORIQUEVENTE " des produits vendus non exclusivement sur ordonnance, puis en déterminant le montant de la taxe sur la valeur ajoutée sur les recettes à partir du taux applicable à chaque produit. Les modalités des traitements effectués ont été mentionnés en annexe III à la proposition de rectification de la société du 14 décembre 2016.
11. En se bornant à faire valoir qu'aucune espèce n'a été découverte lors de la perquisition, que la société n'avait aucun motif de réduire son taux de fraude dès lors qu'elle n'était pas avertie de l'existence du logiciel de traçage, que le logiciel est susceptible d'être défaillant en ce qui concerne les médicaments vendus par ordonnance, que l'administration n'apporterait pas la preuve d'une utilisation permissive du logiciel, que les discordances constatées pourraient s'expliquer par des microcoupures d'électricité et non par la suppression des ventes en espèces ou par les modalités de comptabilisation des mises en attente de factures, les requérants, à qui incombent la charge de la preuve ainsi qu'il a été dit ci-dessus, et qui n'apportent aucun élément concret à l'appui des hypothèses qu'ils avancent de nature à expliquer lesdites discordances, n'établissent ni le caractère excessivement sommaire de la reconstitution de recettes, ni l'exagération des impositions qu'ils contestent.
Sur la majoration pour manœuvres frauduleuses :
12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...) ".
13. Dans le cadre des propositions de rectification du 14 décembre 2016, la vérificatrice a constaté, d'une part, que des dissimulations de recettes visant spécifiquement les produits non exclusivement vendus sur ordonnance étaient intervenues par l'utilisation d'une fonctionnalité permissive du logiciel de caisse LGPI et avaient porté sur un nombre important d'articles et pour des montants très significatifs et, d'autre part, que le caractère répétitif, significatif et délibéré de ces suppressions est constitutif de manœuvres frauduleuses commises de manière consciente et volontaire par M. B... en qualité de gérant et associé unique de la société.
14. Les requérants contestent l'application de cette majoration en se fondant sur un courriel de M. B... à son expert-comptable en date du 20 juin 2015 faisant état d'irrégularités du compte caisse, et en se prévalant de la personnalisation des peines, dès lors que les anomalies de fonctionnement du logiciel LGPI peuvent résulter d'agissements d'autres personnes. Toutefois, la simple reproduction de ce courriel, d'ailleurs dépourvu de date certaine, ne saurait suffire à remettre en cause les éléments matériels et intentionnels de l'infraction tels que définis au point précédent. En se bornant par ailleurs à évoquer la possibilité de l'intervention d'un tiers dans la commission des manœuvres en cause, les requérants ne mettent pas la cour en mesure de constater la méconnaissance du principe de personnalité des peines.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... et la SNC Pharmacie B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté leurs demandes. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. B... et de la SNC Pharmacie B... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la SNC Pharmacie B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique).
Délibéré après l'audience du 5 février 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Vidal, présidente de chambre,
- M. Magnard, premier conseiller,
- M. Segretain, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 février 2025.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLa présidente,
S. VIDAL
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 23PA02378, 23PA02379 2