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19/02/2025 | FRANCE | N°23PA04732

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 19 février 2025, 23PA04732


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée (SARL) Cebisa France a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations de taxe d'apprentissage, de contribution au développement de l'apprentissage et de formation professionnelle continue au titre de l'année 2014 et de la cotisation de taxe sur les véhicules sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2014.<

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Par un jugement n° 2006063/3 du 21 septembre 2023, le tribunal administratif de Me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Cebisa France a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations de taxe d'apprentissage, de contribution au développement de l'apprentissage et de formation professionnelle continue au titre de l'année 2014 et de la cotisation de taxe sur les véhicules sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2014.

Par un jugement n° 2006063/3 du 21 septembre 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 novembre 2023, la SARL Cebisa France, représentée par Me Dorascenzi, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2006063/3 du 21 septembre 2023 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions litigieuses, ainsi que des rappels de contribution au développement de l'apprentissage et la majoration des droits de la taxe pour la formation professionnelle continue, mis à sa charge au titre des années 2015 et 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les rappels de contribution au développement de l'apprentissage sont dépourvus de base légale dès lors que les dispositions qui l'instituaient ont été abrogées à compter de l'année 2014 ;

- la proposition de rectification du 18 novembre 2018 est insuffisamment motivée sur la majoration d'insuffisance de participation à la formation professionnelle continue, la taxe sur les véhicules de société au titre de la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2013, et le calcul des intérêts de retard ;

- les sanctions, les majorations en matière de taxe d'apprentissage, de contribution au développement de l'apprentissage et de formation professionnelle continue au titre de l'année 2014, et la taxe sur les véhicules de société au titre de la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2013 sont prescrites.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique oppose une fin de non-recevoir partielle et conclut au non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance et, pour le surplus, au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions tendant à la décharge des rappels de contribution au développement de l'apprentissage et la majoration des droits de la taxe pour la formation professionnelle continue, mis à sa charge au titre des années 2015 et 2016, ainsi que les intérêts de retard correspondants sont irrecevables faute d'avoir été soumises au tribunal administratif ;

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 13 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 juin 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Segretain,

- et les conclusions de M. Perroy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Cebisa France a pour activité le commerce de gros de matériels électroniques et de composants informatiques. A la suite de la vérification de sa comptabilité, elle a notamment été assujettie à des cotisations de taxe d'apprentissage et de contribution au développement de l'apprentissage au titre de l'année 2014 et de taxe sur les véhicules de sociétés au titre de la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2014. La société Cebisa France relève appel du jugement du 21 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions, en droits et pénalités.

Sur l'étendue du litige :

2. D'une part, il résulte de l'instruction que, ainsi que l'administration l'oppose en défense sans être contredite, les conclusions présentées par la société Cebisa France en décharge des rappels de contribution au développement de l'apprentissage et de la majoration des droits de la taxe pour la formation professionnelle continue mis à sa charge au titre des années 2015 et 2016, ainsi que des intérêts de retard correspondants, sont nouvelles en appel. Par suite, elles doivent être rejetées comme irrecevables.

3. D'autre part, par une décision du 23 janvier 2024, postérieure à l'introduction de la requête, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, de la contribution au développement de l'apprentissage mise à la charge de la société Cebisa France au titre de l'année 2014, incluant la majoration d'insuffisance de participation à la formation professionnelle continue. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur la régularité de la procédure :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile.

5. Il ressort de la proposition de rectification du 28 novembre 2018 que le service vérificateur, après avoir indiqué les fondements légaux et les éléments de fait à l'origine de la rectification, a indiqué les montants réclamés au titre de chaque période concernée et a détaillé, par véhicule, ces montants, sauf pour la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2013. D'une part, il résulte de l'instruction que l'omission de ce tableau constituait une erreur matérielle, alors que les tableaux détaillés relatifs à l'ensemble des autres périodes concernées par la taxe sur les véhicules de société figuraient dans le même développement et que rien ne faisait obstacle à ce qu'il en soit de même pour la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2013. D'autre part, et en tout état de cause, dès lors que les véhicules détenus par la société pendant la période en cause figuraient sur les autres tableaux avec toutes les données utiles, dont le montant de la taxe calculé en fonction du nombre de trimestres de détention, il lui était aisément possible, avec ces seuls éléments, d'identifier le détail du montant de 15 371 euros qui lui était réclamé et d'en vérifier le bien-fondé. Par suite, le moyen doit être écarté.

6. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction qu'en indiquant, dans la proposition de rectification du 28 novembre 2018, la base légale des intérêts de retard, constituée par l'article 1727 du code général des impôts, les taux en vigueur selon la période concernée, le caractère mensuel de leur périodicité, ainsi que, dans les conséquences financières, aux pages 37 et 38, le montant total, la base de calcul des intérêts, la période d'imposition concernée, dont l'achèvement constitue le point de départ du calcul des intérêts, et la date de la proposition de rectification, dont le mois et l'année constituent le point d'arrivée du calcul des intérêts, le service a détaillé le calcul des intérêts de retard avec une précision suffisante de nature à mettre le contribuable à même d'en vérifier le bien-fondé. Par suite, le moyen doit être écarté.

7. Enfin, si la société doit être regardée comme soutenant que la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité au motif que sa comptabilité aurait été contrôlée sur une période, prescrite, antérieure au 1er janvier 2015, donc à la période mentionnée dans l'avis de vérification, il ne résulte pas de l'instruction que les impositions en litige n'auraient pas été établies sur la base de la seule exploitation des documents comptables relatifs à la période mentionnée dans l'avis de vérification.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

8. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due (...) ". Aux termes de l'article L. 169 A du même livre : " Le délai de reprise prévu au premier alinéa de l'article L. 169 s'applique également : (...) 7° A tous prélèvements et taxes qui tiennent lieu de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés (...) ". Aux termes de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun (...) ". Pour l'application de cette disposition, l'effet interruptif de prescription ne peut résulter que d'un acte ou d'une démarche par lesquels le redevable se réfère clairement à une créance définie par sa nature, son montant et l'identité de son créancier.

9. En premier lieu, l'identification, dans la comptabilité de la société Cebisa France, des cotisations de taxe d'apprentissage et de contribution au développement de l'apprentissage dues au titre de l'année 2014 constituent des actes de reconnaissance, au sens des dispositions précitées de l'article L. 189 du livre des procédures fiscale, ayant interrompu la prescription du droit de reprise, ce que la société requérante ne conteste plus en appel. Si elle soutient que les sanctions dont les droits rappelés étaient assortis n'étaient, elles, pas identifiées dans sa comptabilité, et étaient dès lors prescrites, les règles de prescriptions énoncées aux articles L. 169 et L. 169 A précités du livre des procédures fiscales visent les seules impositions, et dès lors que le droit de reprise des taxes en cause n'était pas prescrit, l'administration pouvait les assortir de majorations ou sanctions dans la mesure où les conditions des textes les prévoyant étaient remplies, ainsi qu'il n'est pas contesté.

10. En second lieu, la société requérante soutient que la taxe sur les véhicules de société au titre des périodes du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2012, et du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2013, n'étant pas correctement identifiée dans sa comptabilité, aucun acte comportant sa reconnaissance n'interrompait la prescription du droit de reprise de l'administration concernant ces taxes. Il ressort de la proposition de rectification du 28 novembre 2018 que le service a constaté, sans être contredit, que la société comptabilisait chaque année la taxe sur les véhicules de société due au titre de la période d'imposition du 1er octobre N-1 au 30 septembre N par le débit du compte " 791 - Transferts de charges " et le crédit du compte " 4486 - Etat autres ch. à payer " au 31 décembre de chaque année, qu'à la fin de l'exercice suivant figurait la taxe de l'exercice en cours et celles des exercices passés non prescrits, et que lorsque la prescription était effective, la somme concernée n'était pas débitée du compte 791 et constituait ainsi un produit au titre de l'exercice concerné. D'une part, si la société fait valoir que la comptabilisation en profit, au 31 décembre 2015, de la taxe due au titre des périodes du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2012, et du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2013 ne valait pas reconnaissance d'une dette mais de sa prescription, une telle inscription comptable, qui méconnaissait les conséquences, au regard de la prescription, de la reconnaissance de sa dette fiscale dans les comptabilités des exercices antérieurs, avait pour seul effet de reconnaître, à la clôture de l'exercice 2015, l'absence de paiement d'une taxe encore due, c'est-à-dire l'existence d'une dette fiscale dont la reconnaissance interrompait à nouveau la prescription du droit de reprise au 31 décembre 2015. L'administration était dès lors fondée à exercer son droit de reprise sur la taxe en cause au titre de ces deux périodes. D'autre part, la requérante ne fait pas utilement valoir, pour la première fois en appel, que les mentions comptables relevées par le service ne désignent pas la taxe sur les véhicules de sociétés ou la " TVS ", ni même l'année concernée, et ne permettent donc pas son identification, alors que le service les a identifiées sans ambiguïté, que la société ne conteste pas que ces mentions concernent bien la taxe sur les véhicules de sociétés, et qu'elle ne précise au demeurant pas quelles sont les mentions comptables en cause et en quoi elles ne permettraient pas l'identification de la taxe. Enfin, la requérante fait valoir que, pour la taxe sur les véhicules de société due au titre de ces deux périodes, les montants inscrits en comptabilité et rectifiés ne correspondaient pas exactement et ne pouvaient dès lors valoir reconnaissance de la dette fiscale, la société ayant enregistré une somme de 12 017 euros au lieu des 11 269 euros réclamés au titre de la première, et 14 575 euros au lieu des 15 371 euros réclamés au titre de la seconde. Si la discordance de montant ne faisait pas obstacle à ce qu'une dette concernant la taxe en cause soit identifiée, cette reconnaissance de dette ne valait qu'à concurrence du montant inscrit en comptabilité. Par suite, la prescription du droit de reprise de la taxe sur les véhicules de société au titre de la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2013 n'était interrompue qu'à hauteur du montant de 14 575 euros inscrit en comptabilité et la société doit être déchargée, de la différence avec le montant de taxe qui lui a été réclamé au titre de cette période, soit 796 euros en droits, et des pénalités correspondantes.

11. Il résulte de ce qui précède que la société Cebisa France est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge de la taxe sur les véhicules de sociétés au titre de la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2013 à concurrence de 796 euros en droits et des pénalités correspondantes. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par la société requérante sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions en décharge de la requête à concurrence du dégrèvement total prononcé en cours d'instance, en droits et pénalités, de la contribution au développement de l'apprentissage mise à la charge de la SARL Cebisa France au titre de l'année 2014.

Article 2 : La SARL Cebisa France est déchargée de la taxe sur les véhicules de société au titre de la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2013 à concurrence de 796 euros en droits et des pénalités correspondantes.

Article 3 : Le jugement du 21 septembre 2023 du tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Cebisa France et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique).

Délibéré après l'audience du 5 février 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Vidal, présidente de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- M. Segretain, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 février 2025.

Le rapporteur,

A. SEGRETAINLa présidente,

S. VIDAL

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA04732 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04732
Date de la décision : 19/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Alexandre SEGRETAIN
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : SCP DORASCENZI - FENART

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-19;23pa04732 ?
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