Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 2 février 2024 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.
Par un jugement n° 2403991/8 du 30 avril 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 mai 2024, Mme B..., représentée par Me Megherbi, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 avril 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 2 février 2024 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un certificat de résidence sur le fondement des stipulations du b) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- elle n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations du b) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est, par voie d'exception, illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,
- et les observations de Me Megherbi, avocat de Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante algérienne née en 1964, a sollicité le 25 janvier 2023 la délivrance d'un certificat de résidence en sa qualité d'ascendante à charge d'une ressortissante française sur le fondement des stipulations du b) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 2 février 2024, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée. Mme B... fait appel du jugement du 30 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, Mme B... ne fait valoir aucun élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation des premiers juges sur le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de la décision attaquée. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
3. En second lieu, aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) / Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : / (...) / b) (...) aux ascendants d'un ressortissant français et de son conjoint qui sont à sa charge / (...) ". L'autorité administrative, lorsqu'elle est saisie d'une demande tendant à la délivrance d'un certificat de résidence au bénéfice d'un ressortissant algérien qui fait état de sa qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant français, peut légalement fonder sa décision de refus sur la circonstance que l'intéressé ne saurait être regardé comme étant à la charge de son descendant, dès lors qu'il dispose de ressources propres lui permettant de subvenir aux besoins de la vie courante dans des conditions décentes, que son descendant de nationalité française ne pourvoit pas régulièrement à ses besoins ou qu'il ne justifie pas des ressources nécessaires pour le faire.
4. Pour refuser à Mme B... le certificat de résidence qu'elle sollicitait sur le fondement des stipulations citées au point précédent, le préfet de police s'est fondé sur la double circonstance qu'elle n'est pas dépourvue de ressources personnelles en Algérie et qu'elle n'établit pas être à la charge de sa fille de nationalité française.
5. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, la requérante percevait un revenu mensuel net d'environ 365 euros, correspondant, d'une part, à deux pensions de réversion servies, respectivement, par le régime algérien de sécurité sociale des non-salariés (CASNOS) et par le régime français de l'assurance retraite et, d'autre part, à une pension de retraite complémentaire servie par le régime français de retraite complémentaire obligatoire des salariés du secteur privé (Agirc-Arrco). Ainsi, le montant de ce revenu est supérieur au salaire mensuel minimum garanti en Algérie dès lors que Mme B... indique elle-même, en appel comme en première instance, qu'un décret algérien n° 21-137 du 7 avril 2021 a fixé le montant de ce salaire à 20 000 dinars algériens par mois, soit environ 138 euros. Dans ces conditions, Mme B... peut être regardée comme disposant de ressources propres lui permettant de subvenir aux besoins de la vie courante dans des conditions décentes en Algérie. En outre, et en tout état de cause, si l'intéressée soutient que sa fille de nationalité française l'a prend en charge financièrement, elle ne justifie pas qu'elle pourvoie régulièrement à ses besoins dès lors que les transferts d'argent produits en appel comme en première instance, dont la plupart d'entre eux ne font apparaître aucun nom, ne permettent pas d'établir de manière certaine que sa fille lui aurait envoyé ces sommes ni qu'elle en aurait effectivement bénéficié, étant par ailleurs observé que ces sommes n'ont été envoyées qu'à partir du moment où la requérante, qui est entrée sur le territoire français le 18 décembre 2022 sous couvert d'un visa de court séjour portant la mention " ascendant non à charge ", a présenté sa demande de titre de séjour. Par suite, en estimant que Mme B... ne pouvait être regardée comme étant à la charge de sa fille française, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations précitées du b) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, ni d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de la requérante.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, il résulte de ce qui est jugé aux points 2 à 5 que Mme B... n'est pas fondée à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
7. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Ces stipulations ne garantissent pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer sa vie privée et familiale.
8. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., qui est entrée sur le sol national le 18 décembre 2022, résidait en France depuis à peine plus d'un an à la date de l'arrêté attaqué. S'il est constant que l'intéressée a trois enfants majeurs ainsi que des frères et sœurs vivant sur le territoire français, il ressort néanmoins des pièces du dossier que même si son époux est décédé le 30 décembre 2018 en Algérie, elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine qu'elle a quitté à l'âge de 58 ans et où résident ses trois autres enfants majeurs ainsi que ses six petits-enfants. Dans ces conditions, et alors même qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle a été scolarisée en France entre septembre 1970 et juin 1980, l'arrêté du 2 février 2024 en tant que le préfet de police a obligé Mme B... à quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 4 février 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Chevalier-Aubert, présidente de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 février 2025.
Le rapporteur,
M. Desvigne-RepusseauLa présidente,
V. Chevalier-Aubert
La greffière,
C. Buot
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA02135