La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/04/2025 | FRANCE | N°24PA05163

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 02 avril 2025, 24PA05163


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 7 août 2024 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant trois années.



Par une ordonnance n°2413083 du 12 novembre 2024, le prem

ier vice-président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 7 août 2024 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant trois années.

Par une ordonnance n°2413083 du 12 novembre 2024, le premier vice-président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2024, M. A..., représenté par Me Morel, demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler l'ordonnance du 12 novembre 2024 du premier vice-président du tribunal administratif de Montreuil ;

3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 7 août 2024 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

4°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours sous la même astreinte et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour et de travail ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'ordonnance attaquée est irrégulière dès lors que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne pouvait être écarté comme " manifestement infondé " ;

- elle est stéréotypée, ne contient pas d'analyse des faits de l'espèce, et est insuffisamment motivée s'agissant du rejet des moyens de légalité externe ;

- le premier juge n'a par ailleurs pas répondu au moyen tiré du défaut d'examen complet et sérieux de sa situation qui n'était pas inopérant, ni à celui tiré de la méconnaissance de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- contrairement à ce qu'il a estimé, les éléments de fait et de droit invoqués permettaient d'apprécier le bien-fondé de la demande ;

- celle-ci ne pouvait, enfin, être rejetée par ordonnance alors que l'instruction, non clôturée, était toujours en cours, sa requête n'ayant pas encore été transmise au préfet de la Seine-Saint-Denis, ni fait l'objet d'une demande de régularisation, de production d'un mémoire récapitulatif alors qu'il était encore recevable à compléter ses premières écritures ;

- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen attentif, complet, personnalisé et sérieux de sa situation ;

- elle se fonde sur une consultation, irrégulière, du fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ) ;

- elle est entachée d'erreur de fait ;

- elle est entachée d'erreur de droit ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît celles de l'article L. 423-23 du même code ;

- elle méconnaît les articles L. 432-1 et L. 432-1-1 dudit code ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- en retardant de façon dilatoire le traitement de sa demande de titre de séjour, le préfet a pu fonder sa décision d'éloignement sur les dispositions issues de la loi asile et immigration du 26 janvier 2024 supprimant la protection dont bénéficiait, sur le fondement du 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précédemment en vigueur, l'étranger justifiant par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire dans un délai de trente jours est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen attentif, complet, personnalisé et sérieux de sa situation ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen attentif, complet, personnalisé et sérieux de sa situation ;

- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans n'est pas suffisamment motivée au regard des critères énoncés par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen attentif, sérieux et complet de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-6 à L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment les articles L. 612-8 et L. 612-10 ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2025, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 12 mars 2025 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code pénal ;

- le code de procédure pénale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jayer,

- et les observations de Me Morel, avocate de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant camerounais né le 30 janvier 2003, est entré en France le 3 mars 2014 selon ses déclarations. Le 13 décembre 2021, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 7 août 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant trois années. M. A... relève appel de l'ordonnance du 12 novembre 2024 par laquelle le premier vice-président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Par une décision du 12 mars 2025, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé à M. A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle. Les conclusions du requérant tendant à ce que la Cour lui accorde provisoirement l'aide juridictionnelle sont ainsi devenues sans objet.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

3. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours (...) les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, (...) des moyens inopérants ou des moyens qui (...) ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé / (...) ".

4. Pour rejeter la demande de M. A... sur le fondement des dispositions précitées du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le premier vice-président du tribunal administratif de Montreuil, après avoir jugé que le moyen tiré d'une insuffisance de motivation était manifestement infondé, a estimé que ceux tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles L. 423-21, L. 423-23, L. 432-1, L. 432-1-1, L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'une erreur manifeste d'appréciation n'étaient manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

5. Ainsi que le soutient l'intéressé, il ressort de l'ordonnance attaquée que le premier juge n'a pas répondu au moyen de légalité interne, qui n'était pas inopérant, tiré du défaut d'examen de sa situation, soulevé à l'encontre des décisions contestées, notamment à l'encontre de celles lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois années. Ainsi, l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit être annulée.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Montreuil.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne les moyens communs aux décisions :

7. Les décisions attaquées comportent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. La mesure portant interdiction de retour sur le territoire français vise notamment les articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et a pris en compte, pour fixer la durée de l'interdiction de retour, les critères prévus par les dispositions précitées, le préfet a ainsi tenu compte de la durée de la présence en France de l'intéressé qui déclare séjourner sur le territoire depuis le mois de mars 2014, de sa situation personnelle et familiale ainsi que du fait que par son comportement il représente une menace pour l'ordre public. Ces décisions, prises après un examen particulier et complet de la situation de M. A... par le préfet de la Seine-Saint-Denis sont donc suffisamment motivées.

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

8. Aux termes de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ". Aux termes de l'article L. 432-1-1 du même code : " La délivrance ou le renouvellement d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusé à tout étranger : / (...) 2° Ayant commis les faits qui l'exposent à l'une des condamnations prévues aux articles 441-1 et 441-2 du code pénal ; 3° Ayant commis les faits qui l'exposent à l'une des condamnations prévues aux articles 222-34 à 222-40, 224-1 A à 224-1 C, 225-4-1 à 225-4-4, 225-4-7, 225-5 à 225-11, 225-12-1, 225-12-2, 225-12-5 à 225-12-7, 225-13 à 225-15, au 7° de l'article 311-4 et aux articles 312-12-1 et 321-6-1 du [code pénal] ".

9. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis, tout en reconnaissant que M. A... répond aux conditions fixées par l'article L. 423-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obtenir la délivrance d'un titre de séjour, a refusé, en application des articles L. 432-1 et L.432-1-1 précités, de lui accorder le titre sollicité au seul motif que le comportement de l'intéressé constituait une menace à l'ordre public.

10. En premier lieu, aux termes de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale : " I. - Dans le cadre des enquêtes prévues à l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, (...) les données à caractère personnel figurant dans le traitement qui se rapportent à des procédures judiciaires en cours ou closes, à l'exception des cas où sont intervenues des mesures ou décisions de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenues définitives, ainsi que des données relatives aux victimes, peuvent être consultées, sans autorisation du ministère public, par : / 1° Les personnels de la police et de la gendarmerie habilités selon les modalités prévues au 1° et au 2° du I de l'article R. 40-28 ; / (...) / 5° Les personnels investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités par le représentant de l'Etat. L'habilitation précise limitativement les motifs qui peuvent justifier pour chaque personne les consultations autorisées. Lorsque la consultation révèle que l'identité de la personne concernée a été enregistrée dans le traitement en tant que mise en cause, l'enquête administrative ne peut aboutir à un avis ou une décision défavorables sans la saisine préalable, pour complément d'information, des services de la police nationale ou des unités de la gendarmerie nationale compétents et, aux fins de demandes d'information sur les suites judiciaires, du ou des procureurs de la République compétents. Le procureur de la République adresse aux autorités gestionnaires du traitement un relevé des suites judiciaires devant figurer dans le traitement d'antécédents judiciaires et relatif à la personne concernée. Il indique à l'autorité de police administrative à l'origine de la demande si ces données sont accessibles en application de l'article 230-8 du présent code. (...) ".

11. Il résulte de ces dispositions que, dans le cadre d'une enquête administrative menée pour l'instruction d'une demande de délivrance de titre de séjour, les données à caractère personnel concernant une personne mise en cause qui figurent le cas échéant dans le fichier TAJ ne peuvent être consultées lorsqu'elles ont fait l'objet d'une mention, notamment à la suite d'une décision de non-lieu ou de classement sans suite. Aucun texte ne permet de déroger à cette interdiction. Lorsque les données à caractère personnel ne sont pas assorties d'une telle mention les personnels mentionnés au point 8 peuvent les consulter. L'autorité compétente ne peut légalement fonder le rejet de la demande de titre de séjour sur des informations qui seraient uniquement issues d'une consultation des données personnelles figurant dans le fichier TAJ à laquelle elle aurait procédé en méconnaissance de l'interdiction mentionnée au point 8.

12. En l'espèce, il ressort tant des termes de l'arrêté en litige que de l'ensemble des autres pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis ne s'est pas fondé uniquement, ni même principalement, sur des informations issues de la consultation des données personnelles figurant dans le fichier TAJ pour rejeter la demande de délivrance de titre de séjour présentée par M. A.... Par suite, à supposer que les informations mentionnées dans l'arrêté en litige, relatives à des signalements dont il a fait l'objet soient issues d'une consultation irrégulière des données personnelles figurant dans fichier TAJ, cette circonstance n'est pas de nature à entacher d'illégalité la décision de refus de renouvellement de titre de séjour au regard des dispositions de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale.

13. En deuxième lieu, si la décision contestée mentionne la motivation de l'avis consultatif du 30 mai 2024 de la commission du titre de séjour qui a émis un avis défavorable à la demande de M. A..., il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet s'est estimé lié par cette appréciation et a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de l'intéressé.

14. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet, dont la décision ainsi qu'il a été dit au point 7, a été prise à l'issue d'un examen complet de la situation de l'intéressé, en faisant référence aux éléments figurant au TAJ ainsi qu'aux deux condamnations dont celui-ci a fait l'objet aurait commis une erreur de droit en méconnaissant l'étendue de sa compétence.

15. En quatrième lieu, d'une part aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " ".

16. Les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une mesure de refus de délivrance de titre de séjour et d'éloignement et ne dispensent pas l'autorité compétente d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace pour l'ordre public. Lorsque l'administration se fonde sur l'existence d'une telle menace, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision.

17. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

18. Il ressort des termes de la décision attaquée et de l'examen du bulletin n°2 du casier judiciaire de M. A... que celui-ci a été condamné, le 15 février 2021 par le tribunal correctionnel de Bobigny, à la peine d'un an d'emprisonnement avec sursis assortie d'une interdiction de séjour de deux ans pour des infractions à la législation sur les stupéfiants en raison de faits commis le 13 février 2021 et, le 2 janvier 2023 par le président du tribunal correctionnel de Versailles dans le cadre d'une comparution pour reconnaissance préalable de culpabilité, à la peine de 90 jours amende à 12 euros avec privation du droit d'éligibilité pendant trois ans pour des faits de d'usage de faux en écriture, escroquerie et faux commis le 19 octobre 2022. La décision attaquée indique également que M. A... est défavorablement connu des services de police dans le cadre de la commission de multiples infractions, notamment pour des faits de recel de vol, de tentative d'escroquerie, faux et usage de faux, d'usurpation d'identité lors d'un contrôle du permis de conduire.

19. Si le requérant qui se prévaut de sa présence continue en France depuis 21 ans et de la circonstance que sa mère et son frère, détenteurs de titres de séjour, y résident, soutient également être intégré professionnellement en étant titulaire d'un contrat à durée indéterminée en qualité de manutentionnaire depuis le 7 septembre 2022, il ressort des pièces du dossier qu'il occupait cet emploi depuis moins de deux ans à la date de la décision attaquée, et ne peut être regardé, dans ces conditions, comme justifiant d'une véritable intégration professionnelle sur le territoire national.

20. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et eu égard, en particulier, à la nature des infractions ayant fait l'objet de condamnations, notamment de la circonstance que M. A... a fait l'objet d'une interdiction de séjour prononcée par le juge pénal à titre de peine complémentaire ou accessoire peu de temps avant l'adoption de la décision attaquée, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pu estimer que le comportement du requérant constitue une menace à l'ordre public pour refuser de lui délivrer un titre de séjour, sans porter une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaître l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen doit donc être écarté.

21. En cinquième lieu, eu égard à ce qui précède, le moyen tiré de ce que la décision de refus de titre litigieuse serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M. A... doit être écarté.

22. En sixième lieu, M. A... ne peut utilement se prévaloir des dispositions des articles L. 423-21 et l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet de la Seine-Saint-Denis ne s'est pas fondé sur la circonstance qu'il ne remplissait pas les conditions posées par ces dispositions mais sur celle qu'il représente une menace pour l'ordre public. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions doivent être écartés comme inopérant.

23. En dernier lieu, si le requérant fait valoir que l'administration aurait volontairement retardé l'instruction de son dossier, la caractérisation d'un tel manquement à une obligation de loyauté du fait de la durée de l'instruction de sa demande de titre de séjour, n'est, en tout état de cause, pas démontré.

En ce qui concerne la décision d'interdiction de séjour pour une durée de trois ans :

24. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, et dix ans en cas de menace grave pour l'ordre public. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...). ".

25. D'une part, si M. A... se prévaut de la présence de sa mère et de son frère en France, cette circonstance alors qu'il n'est ni établi ni même allégué que sa présence à leurs côtés serait nécessaire, ne saurait suffire à constituer des circonstances humanitaires au sens de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faisant obstacle à l'édiction d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français.

26. D'autre part, pour interdire le retour du requérant sur le territoire français durant une période de trois ans, le préfet s'est fondé sur les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en considérant qu'il constitue une menace pour l'ordre public et, qu'au regard de sa situation personnelle et familiale ainsi que de la durée de sa présence en France, l'édiction d'une interdiction de retour d'une durée de trois ans apparaît proportionnée à sa situation. Par suite, le préfet pouvait légalement, en application des dispositions précitées, lui interdire le retour sur le territoire français, durant une période de trois années.

27. En second lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 18 et 19, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

28. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 7 août 2024 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Ses conclusions à fin d'annulation doivent dès lors être rejetées de même que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des frais liés à l'instance, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Article 2 : L'ordonnance n°2413083 du 12 novembre 2024 du premier vice-président du tribunal administratif de Montreuil est annulée.

Article 3 : La demande de M. A... devant le tribunal administratif de Montreuil et le surplus de ses conclusions sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Bonifacj, présidente de chambre,

M. Niollet, président-assesseur,

Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 avril 2025.

La rapporteure,

M-D. JAYERLa présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA05163


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA05163
Date de la décision : 02/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : MOREL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-02;24pa05163 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award