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11/04/2025 | FRANCE | N°23PA02576

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 11 avril 2025, 23PA02576


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de lui accorder le bénéfice du crédit d'impôt prévu par l'article 24 de la convention fiscale franco-britannique au titre de ses revenus d'emploi des années 2017 et 2018, pour un montant de 2 955 844 euros au titre de l'année 2017 et 8 602 710 euros au titre de l'année 2018.



Par un jugement n° 2103312 du 12 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. B....





Procédure devant la Cour :



Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 juin 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de lui accorder le bénéfice du crédit d'impôt prévu par l'article 24 de la convention fiscale franco-britannique au titre de ses revenus d'emploi des années 2017 et 2018, pour un montant de 2 955 844 euros au titre de l'année 2017 et 8 602 710 euros au titre de l'année 2018.

Par un jugement n° 2103312 du 12 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 juin 2023, 15 janvier 2024, 31 janvier 2024, 16 février 2024, 4 mars 2024, 24 mai 2024 et 12 juin 2024, le dernier n'ayant pas été communiqué, M. B..., représenté par Me Turot, demande à la Cour :

1°) d' annuler le jugement n° 2103312 du tribunal administratif de Paris en date du 12 avril 2023 ;

2°) de lui accorder le bénéfice du crédit d'impôt prévu par l'article 24 de la convention fiscale franco-britannique au titre de ses revenus d'emploi des années 2017 et 2018, pour un montant de 2 955 844 euros au titre de l'année 2017 et 8 602 710 euros au titre de l'année 2018.

Il soutient que :

- conformément à l'article 15 de la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur les gains en capital, signée à Londres le 19 juin 2008, dont la portée est éclairée par les commentaires du modèle de convention fiscale de l'OCDE, ses revenus d'emploi, comprenant son salaire fixe, les avantages en nature liés, son bonus annuel et son bonus multi-annuel déclaré au titre des années d'imposition en litige, sont imposables en Grande-Bretagne, où il est physiquement présent plus de 183 jours par an depuis le 1er janvier 2016, et il peut dès lors prétendre à ce titre au bénéfice du crédit d'impôt prévu par les stipulations de l'article 24 de cette convention ;

- il a déclaré et a été soumis à l'impôt au Royaume-Uni à raison de ses revenus salariaux ;

- les revenus perçus au titre du bonus multi-annuel doivent être pris en compte dans l'assiette du crédit d'impôt conventionnel ;

- le refus du bénéfice du crédit d'impôt modernisation du recouvrement, qui ne découle que d'une erreur de méthode de calcul, constitue une discrimination prohibée par l'article 45 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 septembre 2023, 30 janvier 2024, 14 février 2024, 4 mars 2024 et 10 juin 2024, le dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête ou, à titre subsidiaire, à ce que le crédit d'impôt soit limité à la somme de 1 148 345 euros pour la seule année 2017.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés ;

- en tout état de cause, si M. B... pouvait prétendre au bénéfice du crédit d'impôt prévu par les stipulations de l'article 24 de la convention fiscale signée à Londres le 19 juin 2008, le montant de ce crédit devrait être limité à la somme de 1 148 345 euros pour l'année 2017, compte tenu des revenus à prendre en compte, et, eu égard à la diminution du crédit d'impôt modernisation du recouvrement applicable au titre de l'imposition des revenus de 2018 à concurrence du montant du crédit d'impôt conventionnel de cette même année, l'impôt dû après imputation de ces crédits serait inchangé ; au demeurant, les salaires fixes, avantages en nature liés et bonus annuel n'ont pas été imposés au titre de l'année 2018.

Par une ordonnance du 28 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 juin 2024.

En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, l'instruction a été rouverte pour les éléments demandés en vue de compléter l'instruction par lettre du 1er juillet 2024.

Un mémoire, présenté pour M. B..., a été enregistré le 12 août 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur les gains en capital, signée à Londres le 19 juin 2008 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lemaire,

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,

- et les observations de Me Turot, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., président-directeur général de la SA A..., spécialisée dans le secteur du luxe, a respectivement déclaré en France les sommes de 7 447 856 euros et 17 284 245 euros à raison des revenus imposables à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires au titre des années 2017 et 2018. En conséquence, il a été assujetti à raison de ces revenus, conformément à ses déclarations, à des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. Estimant que ses revenus d'emploi perçus en contrepartie de l'exercice des fonctions de directeur général de cette société étaient imposables au Royaume-Uni, en application des stipulations de l'article 15 de la convention fiscale franco-britannique du 19 juin 2008, et qu'ils faisaient ainsi l'objet d'une double imposition, il a sollicité auprès de l'administration fiscale française, par une réclamation du 7 septembre 2020, le bénéfice des stipulations de l'article 24 de cette convention et l'octroi, sur ce fondement, d'un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français. Sa réclamation ayant été rejetée par une décision du 17 décembre 2020, il a demandé au tribunal administratif de Paris de lui accorder le bénéfice d'un crédit d'impôt d'un montant de 2 955 844 euros pour l'année 2017 et 8 602 710 euros pour l'année 2018 et, par suite, de prononcer la réduction correspondante des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles il avait été assujetti au titre de ces deux années. Par un jugement en date du 12 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. M. B... relève régulièrement appel de ce jugement.

2. D'une part, aux termes de l'article 24 de la convention fiscale franco-britannique du 19 juin 2008, relatif à l'élimination des doubles impositions : " (...) / 3. En ce qui concerne la France, les doubles impositions sont éliminées de la manière suivante : / a) nonobstant toute autre disposition de la présente Convention, les revenus qui sont imposables ou ne sont imposables qu'au Royaume-Uni conformément aux dispositions de la présente Convention sont pris en compte pour le calcul de l'impôt français lorsqu'ils ne sont pas exemptés de l'impôt sur les sociétés en application de la législation interne française. Dans ce cas, l'impôt du Royaume-Uni n'est pas déductible de ces revenus, mais le résident de France a droit, sous réserve des conditions et limites prévues aux alinéas (i) et (ii) et au paragraphe 4, à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français. Ce crédit d'impôt est égal : / (i) pour les revenus non mentionnés à l'alinéa (ii), au montant de l'impôt français correspondant à ces revenus à condition que le résident de France soit soumis à l'impôt du Royaume-Uni à raison de ces revenus ; / (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 3 de la convention fiscale franco-britannique du 19 juin 2008 : " Définitions générales / (...) / 2. Pour l'application de la présente Convention à un moment donné par un Etat contractant, tout terme ou expression qui n'y est pas défini a, sauf si le contexte exige une interprétation différente, le sens que lui attribue, à ce moment, le droit de cet Etat concernant les impôts auxquels s'applique la présente Convention, le sens attribué à ce terme ou expression par le droit fiscal de cet Etat prévalant sur le sens que lui attribuent les autres branches du droit de cet Etat ". Aux termes de l'article 15 de cette convention, relatif aux revenus d'emploi : " Revenus d'emploi / 1. Sous réserve des dispositions des articles 16, 18, 19 et 20, les salaires, traitements et autres rémunérations similaires qu'un résident d'un Etat contractant reçoit au titre d'un emploi salarié ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'emploi ne soit exercé dans l'autre Etat contractant. Si l'emploi y est exercé, les rémunérations reçues à ce titre sont imposables dans cet autre Etat. / 2. Nonobstant les dispositions du paragraphe 1, les rémunérations qu'un résident d'un Etat contractant reçoit au titre d'un emploi salarié exercé dans l'autre Etat contractant ne sont imposables que dans le premier Etat si : / a) le bénéficiaire séjourne dans l'autre Etat pendant une période ou des périodes n'excédant pas au total 183 jours au cours de toute période de douze mois consécutifs ; et / b) les rémunérations sont payées par un employeur, ou pour le compte d'un employeur, qui n'est pas un résident de l'autre Etat ; et / c) la charge des rémunérations n'est pas supportée par un établissement stable que l'employeur a dans l'autre Etat. / (...) / 4. Pour l'application des dispositions du présent article, l'expression " emploi salarié " inclut notamment les fonctions de gérance ou de direction, autres que les fonctions visées à l'article 16, exercées dans une société soumise à l'impôt français sur les sociétés ".

4. Enfin, en vertu de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, il appartient au contribuable de démontrer le caractère exagéré d'une imposition dont il demande la décharge ou la réduction lorsqu'elle a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration qu'il a lui-même souscrite.

5. Il est constant qu'au titre des années 2017 et 2018, M. B... a perçu, à raison de l'exercice de ses fonctions de directeur général de la SA A..., des rémunérations et des avantages en nature, pour des montants totaux respectifs de 1 077 366 euros et 1 097 719 euros, ainsi qu'un bonus annuel d'un montant de 1 317 107 euros en 2017 et 1 804 020 en 2018. Bénéficiaire d'un plan d'intéressement à long terme des cadres de cette société, il a également déclaré les sommes de 3 686 048 euros pour 2017 et 13 606 623 euros pour 2018 au titre de la rémunération variable multi-annuelle correspondante. M. B..., qui ne conteste pas avoir été résident fiscal français en 2017 et 2018, soutient que ces revenus d'emploi, qu'il a déclarés dans les bases imposables à l'impôt sur le revenu au titre de ces années, correspondent à un emploi exercé à Londres et qu'ils étaient dès lors, conformément aux stipulations précitées de l'article 15 de la convention fiscale franco-britannique du 19 juin 2008, imposables au Royaume-Uni. M. B... n'ayant pas déclaré en France avoir perçu des revenus imposables au Royaume-Uni ouvrant droit à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français sur le fondement de l'article 24 de cette convention, il lui appartient d'établir le bien-fondé de ses prétentions.

6. M. B... a exercé en 2017 et 2018 les fonctions de directeur général de la SA A..., dont le siège social, dont il est constant qu'il s'agit du siège de direction effective, se trouvait à Paris, de même que les salariés. Il a au demeurant, de façon habituelle au cours des années d'imposition en litige, séjourné et exercé ses fonctions à Paris. Les rapports sur le gouvernement d'entreprise de la SA A... de ces deux années mentionnent d'ailleurs l'adresse du siège social comme étant l'adresse professionnelle de M. B..., dont les bulletins de paye font référence à un exercice de son activité professionnelle à Paris et qui est rattaché à la sécurité sociale française à raison de cette activité. Il résulte de l'instruction que, même lorsqu'il séjournait à Londres, M. B... était quotidiennement en contact avec les équipes de la SA A..., situées à Paris, qui le tenaient en permanence informé et qu'il dirigeait à distance.

7. Alors qu'il résulte de l'instruction qu'il a déclaré publiquement avoir choisi de s'installer à Londres pour des motifs familiaux, purement personnels, M. B... fait valoir qu'y exercer son activité lui a permis de " prendre du recul ", ce qui a favorisé sa réflexion stratégique dans une ville propice au développement international du groupe A.... Toutefois, ni ces allégations, ni les circonstances qu'il y a séjourné 193 jours en 2017 et 207 jours en 2018, y compris pour des raisons professionnelles, et qu'un local professionnel y a été mis à sa disposition ainsi qu'à celle du directeur général délégué, lui-même résident fiscal britannique, et de leur assistante, ne sont de nature à faire regarder Londres comme ayant été le lieu d'exercice de son emploi de mandataire social. De même, s'il indique exercer quinze autres mandats de sociétés, dont trois sociétés londoniennes, les rémunérations en litige correspondent exclusivement aux rémunérations et avantages auxquels lui ouvrent droit ses fonctions de mandataire social dirigeant non salarié de la SA A.... Ainsi, M. B... ne peut être regardé comme ayant exercé son emploi de mandataire social de cette société ailleurs qu'en France.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que ses revenus d'emploi correspondant à l'exercice de ses fonctions de directeur général de la SA A... étaient imposables au Royaume-Uni, en application des stipulations de l'article 15 de la convention fiscale franco-britannique du 19 juin 2008, et, par suite, qu'il peut prétendre, à ce titre, au bénéfice d'un crédit d'impôt sur le fondement des stipulations précitées de l'article 24 de cette convention. M. B... n'est ainsi pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions doivent dès lors être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).

Délibéré après l'audience du 14 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Lemaire, président assesseur,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 11 avril 2025.

Le rapporteur,

O. LEMAIRE

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA02576


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02576
Date de la décision : 11/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: M. Olivier LEMAIRE
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : TUROT

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-11;23pa02576 ?
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