Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Ansamble a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution partielle des impositions primitives de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), de taxe pour frais de chambres de commerce et d'industrie et des frais de gestion qu'elle a acquittées au titre des années 2013 et 2014.
Par jugement n° 2108735/1 du 13 avril 2023, le tribunal administratif de Montreuil a réduit la base de calcul de la CVAE acquittée par la société Ansamble au titre des années 2013 et 2014, accordé à cette société la décharge des impositions primitives à la CVAE, à la taxe additionnelle à cette cotisation et aux frais de gestion qu'elle a acquittées au titre des années 2013 et 2014 pour la part formant surtaxe à raison de cette réduction de base, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour :
Par un recours et un mémoire enregistrés les 25 juillet et 26 décembre 2023, le ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la Cour d'annuler les articles 1er, 2 et 3 du jugement du 13 avril 2023 du tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il concerne les prestations de la société Petit Forestier Location et de remettre à la charge de la société Ansamble les impositions dont les premiers juges ont prononcé la décharge.
Il soutient que :
- les prestations admises en déduction par les premiers juges sont comprises dans le prix de la location sur une durée supérieure à six mois et ne sont pas déductibles pour le calcul de la valeur ajoutée ;
- ces prestations sont accessoires à la location de véhicules.
Par des mémoires en défense enregistrés les 24 novembre 2023 et 1er février 2024, la société Ansamble, représentée par Me Bussac, conclut au rejet du recours du ministre et à ce que soit mise à la charge de l'État la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens du ministre ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 16 janvier 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public,
- et les observations de Me Bussac, représentant la société Ansamble.
Considérant ce qui suit :
1. La société Ansamble a présenté le 30 décembre 2015 une réclamation préalable tendant à la correction de ses déclarations à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) souscrites au titre des années 2013 et 2014, de façon à porter en déduction une partie des sommes versées à des loueurs de véhicules terrestres à moteur correspondant à des prestations de services qu'elle estime distinctes de la location de ces véhicules. Le 28 avril 2021, la directrice chargée de la direction des grandes entreprises a prononcé le dégrèvement partiel de ces cotisations primitives, pour la part des prestations liées à la location de linge, mais en a rejeté le surplus. Par jugement n° 2108735/1 du 13 avril 2023, le tribunal administratif de Montreuil a réduit la base de calcul de la CVAE acquittée par la société Ansamble au titre des années 2013 et 2014, accordé à cette société la décharge des impositions primitives à la CVAE, à la taxe additionnelle à cette cotisation et aux frais de gestion qu'elle a acquittées au titre des années 2013 et 2014 pour la part formant surtaxe à raison de cette réduction de base, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la requête. Par la présente requête, le ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la Cour d'annuler les articles 1er, 2 et 3 du jugement du 13 avril 2023 du tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il concerne les prestations de la société Petit Forestier Location et de remettre à la charge de la société Ansamble à hauteur de 21 937 euros les impositions dont les premiers juges ont prononcé la décharge.
2. Aux termes du 1 du II de l'article 1586 ter du code général des impôts : " La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est égale à une fraction de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie à l'article 1586 sexies ". Aux termes du 4 du I de l'article 1586 sexies du même code : " La valeur ajoutée est égale à la différence entre : / a) D'une part, le chiffre d'affaires (...) / (...) / b) Et, d'autre part : / (...) / - les services extérieurs diminués des rabais, remises et ristournes obtenus, à l'exception des loyers ou redevances afférents aux biens corporels pris en location ou en sous-location pour une durée de plus de six mois ou en crédit-bail ainsi que les redevances afférentes à ces biens lorsqu'elles résultent d'une convention de location-gérance ; toutefois, lorsque les biens pris en location par le redevable sont donnés en sous-location pour une durée de plus de six mois, les loyers sont retenus à concurrence du produit de cette sous-location (...) ". Pour l'application de ces dispositions, doivent être regardés comme des loyers afférents à des biens corporels l'ensemble des sommes versées en contrepartie d'une prestation dont l'objet principal est la mise à disposition de tels biens, y compris celles constituant la contrepartie d'une prestation accessoire à cette mise à disposition. En revanche, les sommes versées en contrepartie d'autres prestations, distinctes, fournies en complément de la mise à disposition de biens corporels et des prestations accessoires, n'ont pas le caractère de loyers. En cas de facturation globale, il appartient au preneur d'établir, par tous moyens, la fraction du prix qui correspond à ces prestations distinctes.
3. Il résulte de l'instruction que la société Ansamble a conclu pour les années en cause avec la société Petit Forestier Location un contrat-cadre de location de véhicules qui prévoit que les tarifs de location comprennent notamment, pour l'ensemble des véhicules loués, la prise en charge par le loueur de services et prestations, parmi lesquels l'entretien, les réparations, le dépannage, la fourniture de lubrifiants, l'assistance grand froid, le remplacement des pneumatiques et la mise à disposition d'un véhicule-relais, dont le ministre soutient qu'ils ont un caractère accessoire à la prestation principale.
4. Pour l'application des dispositions de l'article 1586 sexies du code général des impôts, les sommes versées en contrepartie de la mise à disposition des véhicules loués, qui constituent des biens corporels pris en location, si celle-ci excède six mois, ne peuvent être déduites de la valeur ajoutée. Eu égard, notamment, à l'objet des prestations prévues par les contrats conclus par la société Ansamble, il en va de même, ainsi que le fait valoir le ministre, des sommes versées en contrepartie de l'entretien, des réparations, du dépannage, de la fourniture de lubrifiants, de l'assistance grand froid, du remplacement des pneumatiques et de la mise à disposition de véhicules relais, lesquels visent à permettre au preneur de disposer en permanence d'un véhicule en bon ordre de marche et revêtent ainsi la nature de prestations accessoires à la mise à disposition des véhicules. La société Ansamble ne présente aucun élément permettant de considérer qu'eu égard, tout à la fois, à l'objet, au caractère dissociable et à l'importance des services et prestations mentionnés ci-dessus, les sommes rémunérant ces services et prestations devraient être considérées, en dépit de l'absence de facturation séparée, comme versées en contrepartie de prestations distinctes fournies en complément de la mise à disposition des véhicules. C'est par suite à tort qu'en ce qui concerne les prestations énumérées ci-dessus, les premiers juges ont prononcé la décharge litigieuse au motif que ces prestations sont liées à l'utilisation par le preneur des véhicules terrestres à moteur et que dans ces conditions, elles doivent être regardées comme des services extérieurs déductibles de la base imposable à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article 1586 sexies du code général des impôts.
5. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Ansamble tant devant le tribunal administratif de Montreuil que devant elle.
6. Les paragraphes invoqués de la doctrine administrative relative à la CVAE référencée BOI-CVAE-BASE-20 ne font pas de la loi fiscale une interprétation fiscale différente de ce qui précède et ne peuvent par suite pas être utilement invoqués sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Il en est de même des autres doctrines évoquées par la société Ansamble, sans que d'ailleurs celle-ci se prévale expressément de la garantie contre les changements de doctrine, et qui, relatives notamment aux bénéfices non commerciaux, à la taxe foncière ou à la fixation des valeurs locatives, ne contiennent aucune interprétation formelle des dispositions précitées de la loi fiscale.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a, par le jugement attaqué, en tant qu'il concerne les prestations de la société Petit Forestier Location, réduit la base de calcul de la CVAE acquittée par la société Ansamble au titre des années 2013 et 2014 des sommes versées en contrepartie des services et prestations d'entretien, de réparations, de dépannage, d'assistance grand froid, de fourniture de lubrifiants, de remplacement des pneumatiques et de mise à disposition de véhicules relais et prononcé la décharge en résultant. Pour le surplus, notamment les prestations d'assurance, et en l'absence de moyens développés à cet égard, le ministre n'est pas fondé à contester le jugement attaqué en tant qu'il a prononcé la décharge en litige.
8. L'état de l'instruction ne permettant pas de déterminer, pour chacun des exercices en cause, le montant des sommes spécifiquement versées en contrepartie des services et prestations mentionnés au point 7., il y a lieu par suite de renvoyer la société Ansamble devant l'administration fiscale, à l'effet, pour ladite société, de porter ces éléments à la connaissance de l'administration, et pour celle-ci, de calculer le montant des charges ne pouvant être admises en déduction de la CVAE conformément à ce qui a été dit au point 4. et de déterminer le montant de l'impôt devant être remis à la charge de la société.
Sur les conclusions relatives à la mise en œuvre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Compte tenu des décharges prononcées par les premiers juges et non remises en cause par la Cour, il n'y a pas lieu de réformer l'article 3 du jugement attaqué en tant qu'il met à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés par la société Ansamble en appel et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Les impositions primitives à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, à la taxe additionnelle à cette cotisation et aux frais de gestion, acquittées par la société Ansamble au titre des années 2013 et 2014 et dont la décharge a été prononcée par les premiers juges sont remises à la charge de l'intéressée à raison des prestations d'entretien, de réparation des véhicules, de dépannage, d'assistance grand froid, de fourniture de lubrifiants, de remplacement des pneumatiques et de fourniture de véhicules-relais fournies à cette dernière par la société Petit Forestier Location. La société Ansamble est renvoyée devant l'administration fiscale pour la détermination du montant exact de l'imposition devant être remise à sa charge.
Article 2 : Le surplus des conclusions du ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est rejeté.
Article 3 : Le jugement n° 2108735/1 du 13 avril 2023 du tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société Ansamble présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société Ansamble.
Copie en sera adressée à la direction des grandes entreprises.
Délibéré après l'audience du 5 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Bories, présidente,
- M. Magnard, premier conseiller,
- M. Segretain, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2025.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLa présidente,
C. BORIES
La greffière,
C. ABDI-OUAMRANE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA03318 2