Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 22 juin 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2211700 du 29 novembre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 mars 2024, Mme C..., représentée par Me Reynolds, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 juin 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) d'enjoindre au préfet compétent de procéder sans délai à l'effacement de son inscription au fichier " Système d'information Schengen " ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le jugement est insuffisamment motivé au regard des éléments apportés pour justifier de sa présence en France ;
Sur le bien-fondé du jugement :
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour n'est pas motivée ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen individualisé de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les soins et le suivi nécessaires à sa prise en charge n'étant pas disponibles dans son pays d'origine ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors qu'elle repose sur une décision de refus de titre de séjour elle-même illégale ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2025, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 13 janvier 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 13 février 2025.
Par décision du 19 février 2024, Mme C... a obtenu l'aide juridictionnelle partielle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Milon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante philippine née le 26 août 1979, déclare être entrée en France le 13 août 2010, munie d'un visa de court séjour. Elle a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 22 juin 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par la présente requête, elle fait appel du jugement du 29 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des motifs du jugement attaqué que, pour considérer que Mme C... ne justifiait pas d'une présence habituelle en France entre 2012 et 2022, le tribunal a relevé, d'une part, que celle-ci n'avait produit aucun document sur une période de huit mois entre le 5 juin 2012 et le 19 février 2013 et que le récapitulatif annuel des frais émanant de sa banque n'était pas de nature à justifier sa présence au cours du mois de janvier 2013 et, d'autre part, que les pièces produites au titre de l'année 2018, consistant en un ticket d'achat, des relevés de compte sans mouvement bancaire et une ordonnance, étaient insuffisantes. Contrairement à ce que soutient Mme C..., le tribunal a ainsi suffisamment motivé son appréciation en ce qui concerne la durée de sa présence habituelle en France. L'irrégularité invoquée à ce titre doit donc être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
3. En premier lieu, Mme C... reprend en appel, avec la même argumentation qu'en première instance, les moyens tirés de ce que la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un examen non sérieux de sa situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 3 et 5 de leur jugement.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, (...) ".
5. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
6. Pour refuser de délivrer à Mme C... un titre de séjour pour raisons de santé, le préfet s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 11 juin 2022, selon lequel l'état de santé de Mme C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il ressort des pièces du dossier, notamment du certificat établi le 30 janvier 2022 par le Dr A..., praticien hospitalier au sein du groupement hospitalier universitaire de Paris " psychiatrie et neurosciences ", à l'occasion du transfert du dossier de Mme C... au centre médico-psychologique de Noisy-le-Grand que celle-ci était alors atteinte d'un trouble de l'humeur et d'un " probable trouble majeur de la personnalité de type histrionique ". Il en ressort également que Mme C... a été hospitalisée, à la demande d'un tiers, du 24 septembre 2019 au 25 octobre 2019 pour un épisode psychotique aigu, du 3 au 21 novembre 2019 pour des effets indésirables du traitement prescrit à sa sortie, et au cours du mois de décembre 2019 pour " expression dépressive de ses troubles ", et que Mme C..., suivie par le Dr A... à compter de la fin de l'année 2019, a bénéficié d'un traitement médicamenteux associant un antidépresseur et un sédatif. Le Dr A... a ainsi conclu, dans le certificat établi le 30 janvier 2022, à la stabilité psychique de Mme C... sur le plan de l'humeur et à la possibilité d'un suivi dans un centre médico-psychologique. Il ressort également des pièces produites en appel, postérieures à l'arrêté attaqué, que Mme C... a bénéficié, en 2023 et en 2024, du traitement médicamenteux qui lui a été prescrit dès 2019 et qu'elle a été suivie au centre médico-psychologique de la Butte verte à Noisy-le-Grand à compter du début de l'année 2023. Par ailleurs, la persistance d'un un trouble dépressif est attestée par le certificat établi le 17 janvier 2025 par le Dr D... B..., médecin psychiatre, lequel précise que les difficultés rencontrées par sa patiente pour obtenir un titre de séjour sont de nature à " exacerber ses angoisses ". Toutefois, ces éléments ne permettent pas de remettre en cause la possibilité, pour Mme C..., de bénéficier de soins appropriés dans son pays d'origine. Dans ces conditions, en refusant de délivrer à Mme C... un titre de séjour en raison de son état de santé, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7,
L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
8. Il ressort des pièces du dossier que les parents de Mme C..., ainsi que ses deux sœurs et son frère, sont titulaires de cartes de résident et vivent en France. Il résulte également des écritures non contestées de Mme C... que ses parents sont installés en France depuis les années 1990 et que ses frères et sœurs, désormais mariés et en charge de famille, les ont rejoints en 2001 par l'intermédiaire de la procédure de regroupement familial. Si Mme C... allègue être entrée en France en 2010, les pièces qu'elle produit ne justifient pas de sa présence habituelle sur le territoire au cours des années 2011, 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016. Par ailleurs, il résulte des divers certificats médicaux versés au dossier que Mme C... a été en rupture avec sa famille, et que ce n'est qu'à la sortie de son hospitalisation à la demande de sa mère qu'elle s'est installée chez ses parents. Il n'est, en outre, pas établi par les attestations versées au dossier, très peu détaillées, que Mme C... entretiendrait des liens étroits avec les membres de sa famille, en particulier avec ses frères et sœurs, ou encore avec ses cousines. Enfin, Mme C..., qui est célibataire et sans charge de famille, ne démontre pas une volonté particulière d'insertion professionnelle et sociale. Dans ces conditions, la décision attaquée ne peut être regardée comme portant une atteinte disproportionnée au droit de Mme C... au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Doivent, par suite, être écartés les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. En quatrième lieu, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant la décision attaquée quant à ses conséquences sur la situation personnelle de Mme C... doit être écarté, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 6 et 8 du présent arrêt.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. D'une part, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 9 du présent arrêt que la décision refusant à Mme C... la délivrance d'un titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale en ce qu'elle serait fondée sur une décision de refus de séjour elle-même illégale, doit être écarté.
11. D'autre part, pour les mêmes motifs de fait que ceux exposés aux points 6 et 8 du présent arrêt, les moyens tirés de ce que la décision méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme C... doivent être écartés.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par conséquent, également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez, président,
- Mme Milon, présidente assesseure,
- M. Dubois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 avril 2025.
La rapporteure,
A. MILONLe président,
A. BARTHEZ
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA01265 2