Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du
23 mai 2024 par lequel le préfet de police de Paris lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2416599 du 13 septembre 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 octobre 2024, M. B... A..., représenté par
Me Orhant, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2416599 du 13 septembre 2024 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 mai 2024 par lequel le préfet de police de Paris lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;
3°) d'enjoindre au préfet compétent de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Orhant, en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, en application des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- il n'a pas été précédé d'un examen sérieux de sa situation ;
- il méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et les dispositions de l'article
L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet n'a pas réellement examiné sa situation et s'est senti lié par la décision lui refusant le statut de réfugié.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2025, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que la requête est irrecevable dans la mesure où elle ne comprend pas de moyen d'appel et qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par une décision du 21 janvier 2025, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Mme Palis De Koninck a présenté son rapport au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant pakistanais né le 10 février 1961, déclare être entré sur le territoire français le 11 janvier 2022. Il a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) les 20 septembre 2023 et 15 janvier 2024. Par un arrêté du 23 mai 2024, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. M. A... relève appel du jugement susvisé du 13 septembre 2024 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté :
En ce qui concerne les moyens dirigés contre l'arrêté pris dans son ensemble :
2. En premier lieu, il ressort de l'arrêté attaqué qu'il vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en précisant les articles dont il fait application et décrit précisément la situation du requérant depuis son entrée sur le territoire français le 11 janvier 2022 selon ses déclarations. Ainsi cet arrêté contient l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquels se fonde l'obligation de quitter le territoire français, qui est ainsi suffisamment motivé. Par ailleurs, il ressort des énonciations de cet arrêté qu'il a été pris au terme d'un examen de la situation particulière de M. A.... Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen particulier de la situation de ce dernier, manquent en fait.
3. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
4. A l'appui de ce moyen, M. A... soutient qu'il présente une cardiopathie ischémique pour laquelle il bénéficie d'une prise en charge médicale en France, indisponible dans son pays d'origine. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, d'une part, que l'intéressé ait sollicité la délivrance du titre de séjour en qualité d'étranger malade, d'autre part, que le traitement médical dont il bénéficie ne serait pas disponible au Pakistan. Au contraire, il ressort du certificat médical du 8 juillet 2024 établi par un médecin cardiologue que " la prise en charge [de
M. A...] est disponible " dans son pays d'origine. Aucun des comptes rendus médicaux et des trois certificats médicaux produits par l'intéressé ne font état de l'indisponibilité de son traitement médical au Pakistan. En outre, si M. A... produit deux courriels d'une société pharmaceutique attestant que les médicaments qu'elle commercialise ne sont pas disponibles dans ce pays, cette société précise que des spécialités génériques peuvent l'être. A ce titre, il ressort de la liste des médicaments essentiels disponibles au Pakistan en 2023 que les médicaments administrés à M. A... ou pour deux d'entre eux, des médicaments composés des mêmes molécules, y sont disponibles. Par ailleurs, M. A... ne se prévaut d'aucune attache personnelle en France. Dans ces conditions, le préfet de police n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris la décision l'obligeant à quitter le territoire. Il n'a pas, pour les mêmes motifs, commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
5. En premier lieu, il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté, ni d'aucune autre pièce du dossier qu'avant de prendre la décision en litige, le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier ou sérieux de la situation personnelle de M. A... et se serait cru à tort en situation de compétence liée par rapport aux décisions de rejet de l'OFPRA et de la CNDA. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision serait entachée d'une erreur de droit doit être écarté.
6. En second lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes des stipulations de cet article 3 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
7. D'une part, ainsi que cela a été exposé au point 4, il ne ressort pas des pièces du dossier que le traitement médical de M. A... serait indisponible au Pakistan. D'autre part, si le requérant soutient craindre des persécutions dans son pays d'origine, il n'apporte aucune précision sur les raisons qui le conduisent à appréhender d'être soumis personnellement à de tels traitements, ni aucune pièce de nature à en établir la réalité. Ainsi, M. A... n'apporte aucun élément permettant de considérer qu'il encourrait dans le cas d'un retour dans son pays d'origine des menaces quant à sa vie ou sa personne ou des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, en décidant que l'intéressé pourra être éloigné d'office à destination du Pakistan, le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations et les dispositions précitées.
8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée en défense, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté se demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 23 mai 2024. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police de Paris
Délibéré après l'audience du 1er avril 2025 à laquelle siégeaient :
M. Delage, président,
Mme Julliard, présidente assesseure,
Mme Palis De Koninck, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mai 2025.
La rapporteure,
M. PALIS DE KONINCK
Le président,
Ph. DELAGE La greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA04210