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14/05/2025 | FRANCE | N°24PA04367

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 3ème chambre, 14 mai 2025, 24PA04367


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2024 par lequel la préfète de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois.



Par une ordonnance n° 2411490 du 19 septembre 2024, le premier vice-président du tribunal administratif de Mont

reuil a rejeté la demande de M. A....



Procédure devant la cour :



Par une requête ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2024 par lequel la préfète de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois.

Par une ordonnance n° 2411490 du 19 septembre 2024, le premier vice-président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 octobre 2024, M. A..., représenté par Me Piffault, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 19 septembre 2024 du premier vice-président du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2024 de la préfète de Meurthe-et-Moselle ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté litigieux est entaché d'incompétence de l'auteur de l'acte ;

- il est insuffisamment motivé ;

- la mesure de garde à vue dont il a fait l'objet est entachée d'irrégularité ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu ;

- l'arrêté porte atteinte à sa vie privée ; il a quitté l'Algérie et sa famille en raison d'un climat familial pesant, conséquence d'une pratique religieuse stricte ; en profond désaccord avec sa famille et craignant pour sa vie, il a préféré fuir.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 mars 2025, la préfète de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Julliard,

- et les observations de Me Piffault, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant algérien, né le 14 mars 1995, est entré en France le 9 décembre 2023 sous couvert d'un visa C selon ses déclarations. Le 24 juillet 2024, il a fait l'objet d'une interpellation sur la voie publique et a été placé en rétention administrative aux fins de vérification de son droit au séjour. Par un arrêté du même jour, la préfète de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de six mois. M. A... relève appel de l'ordonnance du 19 septembre 2024 du premier vice-président du tribunal administratif de Montreuil qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Si M A... soutient que sa requête a été rejetée sans débat contradictoire, il résulte des termes du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative sur lequel s'est fondé le premier juge, que les magistrats qu'il désigne peuvent, par ordonnance, rejeter les requêtes ne comportant que des moyens qui ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Le moyen ne peut en conséquence qu'être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, par un arrêté du 21 août 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, la préfète de Meurthe-et-Moselle a donné délégation à M. Julien Le Goff, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer les décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département, dont relève la police des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles n'ont pas été absentes ou empêchées lors de la signature de l'acte attaqué. Par suite, M. C... était compétent pour signer l'arrêté en litige et le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté. Par ailleurs, les conditions de notification de l'arrêté attaqué sont sans incidence sur la légalité de celui-ci. Le moyen tiré de l'irrégularité de cette notification ne peut donc qu'être écarté comme inopérant.

4. En deuxième lieu, l'arrêté contesté comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. En particulier, il vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 611-1 2° et précise que

M. A... est entré en France sous couvert d'un visa désormais expiré depuis le 18 janvier 2024 et s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté comme manquant en fait.

5. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre [...] ".

6. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

7. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal d'audition par les services de police du 24 juillet 2024, produit en appel par la préfète, que M. A... a été interrogé sur son identité, son pays d'origine, les conditions de son entrée en France, sa situation professionnelle et familiale ainsi que la perspective d'un éloignement vers son pays d'origine. Ainsi, il a eu la possibilité, au cours de cette audition, de faire connaître des observations utiles et pertinentes de nature à influer sur la décision prise à son encontre. Au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il disposait d'informations tenant à sa situation personnelle et familiale qu'il a été empêché de porter à la connaissance de l'administration préalablement à la décision attaquée qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à son édiction. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu ne peut qu'être écarté. Si M. A... soutient, en outre, que la décision attaquée serait illégale à raison d'un défaut d'interprète, en méconnaissance des dispositions de l'article

L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort du procès-verbal précité, signé par l'intéressé, que ce dernier n'a pas fait part d'une difficulté de compréhension des questions qui lui ont été posées en français, ni demandé d'interprète lors de son audition par les services de police. Le moyen ne peut qu'être également écarté.

8. En quatrième lieu, la régularité des mesures de contrôle et de retenue d'un étranger, dont il appartient au seul juge judiciaire de connaître, est sans incidence sur la légalité des décisions du préfet rejetant la demande de titre de séjour de cet étranger, obligeant l'intéressé à quitter le territoire français, prononçant une interdiction de retour sur le territoire français et fixant le pays de renvoi. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'irrégularité des procédures de contrôle et d'audition dont a fait l'objet M. A... le 24 juillet 2024 est inopérant. Il doit, par suite, être écarté.

9. En dernier lieu, si M. A... allègue avoir dû quitter son pays pour échapper à des risques liés à des désaccords familiaux liés à une pratique religieuse stricte, il ne l'établit pas. Par suite, les moyens dépourvus de précisions et tirés de ce que l'arrêté, d'une part, porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et, d'autre part, à supposer un tel moyen soulevé, de ce que cet arrêté méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le premier vice-président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation doivent par suite être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés à l'instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Philippe Delage, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mai 2025.

La rapporteure,

M. JULLIARDLe président,

Ph. DELAGE

La greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA04367 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA04367
Date de la décision : 14/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DELAGE
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : PIFFAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-14;24pa04367 ?
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