Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sur les hauts revenus et des suppléments de prélèvements sociaux mis à leur charge au titre des années 2016 et 2017.
Par un jugement n° 2127424/5-4 du 3 novembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 2 janvier 2024, M. et Mme A..., représentés par Me Milochau, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 3 novembre 2023 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la promesse de crédit-bail immobilier que M. A... a conclue avec la société Saitec le 26 décembre 2017 n'est pas une promesse unilatérale de vente ;
- la promesse unilatérale de vente n'est qu'une des conditions générales du crédit-bail qui fait l'objet de la promesse de crédit-bail ;
- la somme de 650 000 euros constitue l'indemnisation du préjudice résultant du refus de réitérer par acte authentique une promesse synallagmatique de crédit-bail et non une promesse unilatérale de vente ;
- l'article 1.07 de la promesse, qui décrit une condition du contrat de crédit-bail futur éventuel, ne permet pas de considérer que l'indemnité d'immobilisation constitue la rémunération d'un service de réservation du bien immobilier ;
- le manquement délibéré n'est pas établi.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens présentés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 22 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 7 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public,
- et les observations de Me Milochau, représentant M. et Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de la vérification de comptabilité de la société Saitec dont M. A... est l'unique associé et le dirigeant, ayant porté sur les exercices clos en 2016 et en 2017, M. et Mme A... ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces de leurs déclarations de revenus relatives aux années 2016 et 2017 à l'issue duquel des redressements leur ont été notifiés, dans le cadre de la procédure contradictoire, portant notamment sur la réintégration dans leurs bases d'imposition d'une somme de 650 000 euros versée par la société Saitec à M. A....
M. et Mme A... relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande en décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sur les hauts revenus et des suppléments de prélèvements sociaux mis à leur charge au titre des années 2016 et 2017 ayant résulté de ce chef de redressement.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. Aux termes du 1 de l'article 92 du code général des impôts : " Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les (...) sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ".
3. Il résulte de l'instruction que M. A... a signé le 26 décembre 2017 avec la société Saitec une convention intitulée " convention de promesse de créditbail immobilier ". L'article 1 de la convention, intitulé " Promesse de crédit-bail immobilier " stipule notamment que " Le jour de l'entrée en vigueur, le crédit-bailleur consentira au crédit-preneur : / - La location de l'immeuble (le " bail ") (...) / - Une promesse unilatérale de vente de l'immeuble (la " PUV ") (...) dans laquelle le crédit-preneur disposera de l'option d'acquérir l'immeuble à tout moment de l'exécution de la convention (l'" option d'achat "), moyennant un prix dont la détermination tiendra compte du montant des loyers payés selon ce qui est dit au présent contrat. / Le bail et la PUV seront réputés constituer une opération indivisible, identifiée dans le présent contrat sous la dénomination " crédit-bail " ". Cet article stipule également que " L'option d'achat pourra être levée à tout moment de l'exécution du crédit-bail par le crédit-preneur, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ". Selon l'article 2 de la convention relatif à l'indemnité d'immobilisation : " En contrepartie de la régularisation du présent contrat, le crédit-preneur versera au crédit-bailleur, à compter de ce jour et au plus tard le 30 juin 2018, la somme de six cent cinquante mille euros (EUR 650.000) à titre d'indemnité d'immobilisation (l'" indemnité d'immobilisation ") / (...) En cas de non réalisation de la promesse de crédit-bail faisant l'objet du présent contrat, pour une cause imputable au crédit preneur, l'indemnité d'immobilisation demeurera acquise au crédit-bailleur. / Dans le cas contraire, l'indemnité d'immobilisation sera réputée constituer une avance sur les loyers, imputable à due concurrence sur les derniers termes de loyer jusqu'à épuisement ". Enfin, selon son article 3 intitulé " Date de réalisation de la promesse " : " Le présent contrat devra être réalisé, au moyen de la régularisation de l'acte authentique de crédit-bail, au plus tard le 31 décembre 2018 ".
4. Il résulte clairement des clauses de la promesse de crédit-bail immobilier citées au point 3. que l'indemnité de 650 000 euros rémunère le service rendu par M. A... à la société Saitec en stipulant à son profit une option en vue de la location en crédit-bail de l'immeuble, location à laquelle serait adjointe une promesse unilatérale par laquelle il se serait engagé à vendre le bien si son cocontractant souhaite l'acquérir, et ne constitue pas, ainsi qu'il est soutenu, une indemnité ayant pour objet de réparer le préjudice causé par le refus de la société de réitérer par acte authentique un contrat synallagmatique. Par suite, et alors même que la promesse de crédit-bail immobilier que M. A... a conclue avec la société Saitec le 26 décembre 2017 n'est pas par elle-même une promesse unilatérale de vente et que la promesse unilatérale de vente n'est qu'une des conditions générales du crédit-bail qui fait l'objet de la promesse de crédit-bail, et sans qu'il soit besoin de se fonder sur les mentions de l'article 1.07 du contrat, l'indemnité litigieuse rémunère le service rendu par M. A... à la société Saitec en immobilisant le bien immobilier au cours de la période courant jusqu'à la date de réalisation de cette promesse et en lui réservant la possibilité de le louer en crédit-bail et est, à ce titre, imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. '
Sur les pénalités :
5. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".
6. Il résulte de l'instruction que la convention du 26 décembre 2017 stipulait clairement l'existence d'une indemnité d'immobilisation versée à M. A..., en contrepartie du bénéfice consenti par ce dernier au profit de la société Saitec, d'une promesse de crédit-bail. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, les stipulations de cette convention, entièrement déterminées par M. A..., dirigeant et unique associé de la Saitec, laquelle faisait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire depuis 2013, ne sauraient être regardées comme de nature à créer un doute sur le caractère taxable de cette indemnité, qui représentait 168 % du revenu déclaré du foyer fiscal. Un nouveau compromis de vente, signé le 19 mai 2019, a d'ailleurs, après réception de la proposition de rectification en litige, été complété d'un avenant prévoyant que la somme de 650 000 euros ne constituait plus une indemnité d'immobilisation mais des arrhes. Il suit de là que l'administration doit être regardée comme établissant, par les éléments qu'elle invoque, la volonté délibérée des requérants d'éluder l'impôt. Dès lors, ils ne sont pas fondés à demander la décharge de la majoration de 40 % appliquée.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.
Délibéré après l'audience du 7 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Vidal, présidente de la chambre,
- Mme Bories, présidente assesseure,
- M. Magnard, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2025.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLa présidente,
S. VIDAL
La greffière,
C. ABDI-OUAMRANE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
7
N° 24PA00004 2